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Pep Guardiola et l’impossible domptage de la Ligue des Champions

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Grand maître du football scénarisé au millimètre, leader mondial de la réduction de hasard sur les rectangles verts, le Catalan a une nouvelle fois vu la reine des compétitions lui filer entre les doigts.

Il y avait quelque chose de mystique dans cette fin de match sur la pelouse du Bernabéu. Certains choisissent de mettre le sprint final madrilène sur le compte de la magie du maillot blanc. D’autres déterrent les propos de l’agent de Yaya Touré, évoquant une sorcellerie censée priver Pep Guardiola de sacre européen. Tous semblent en tout cas verser dans l’irrationnel pour raconter le scénario des dernières minutes de cette demi-finale qui prive une fois de plus le coach catalan d’une place de choix pour le grand rendez-vous de la saison. Pour la sixième fois de sa carrière, Pep est éliminé sur l’avant-dernière marche qui mène aux Grandes Oreilles. Une répétition aux airs tragicomiques qui amène forcément à tourner le regard vers lui, en quête de ce rationnel qu’il aime tant.

Il reste cinq minutes dans le temps réglementaire quand Riyad Mahrez rejoint son coach sur le banc, pendant que Fernandinho monte sur la pelouse. Un dynamiteur pour un contrôleur. Presque l’allégorie de la volonté perpétuelle de Pep Guardiola d’imposer son obsession de maîtrise permanente à la plus capricieuse des compétitions. Dans le money-time d’une compétition qui a amené le terme remontada jusqu’aux dictionnaires, le coach des Cityzens cherche à mettre la folie sur pause. Comme si des passes à répétition allaient pouvoir endormir la puissance mystique du Bernabéu jusqu’au coup de sifflet final.

Pep Guardiola n’aime pas le hasard. Il le combat de toutes ses forces, préparant pour chaque match une foule de scénarios possibles afin d’empêcher que ses joueurs tombent dans l’incertitude et que l’improvisation prenne le pouvoir. À côté de lui, les tempes grises de Carlo Ancelotti ont fini par accepter qu’on ne maîtrise par la Coupe aux grandes oreilles. L’Italien sait que la Champions est le territoire des joueurs, et que les deux surfaces parlent pour lui. Thibaut Courtois à une extrémité du terrain, Karim Benzema à l’autre : la recette des talents placés au bon endroit ne permet pas de maîtriser le match d’un bout à l’autre, mais suffit amplement à le gagner.

La Ligue des Champions est ainsi. Les joueurs sont trop grands pour être éteints par des systèmes, aussi méticuleusement élaborés soient-ils. Ils peuvent parfois perdre de leur intensité, mais aucun des plus grands talents de la planète ne passe généralement l’intégralité des 180 minutes dans le noir. Face aux plans de Guardiola, ces moments lumineux ont tendance à devenir éblouissants. Sur Twitter, le journaliste de The Independant Miguel Delaney rappelle ainsi que sur les onze éliminations subies par le coach catalan en Ligue des Champions, huit se sont jouées sur un moment de grâce adverse (ou d’absence de son équipe). Une petite vingtaine de minutes au maximum, et deux ou trois buts encaissés dans un intervalle décisif pour le verdict final.

Guardiola a toujours tenté de maîtriser cette furie. « Après avoir marqué ou encaisser un but, il faut tenter de garder le ballon, penser comme des milieux de terrain », raconte-t-il à Marti Perarnau dans le livre La Métamorphose. Amoureux du contrôle offert par l’intelligence de jeu des milieux, au point d’avoir parfois installé son Barça dans un système qui se rapprochait d’un 0-10-0, Pep prendrait-il à l’envers une compétition qui se gagne surtout au sprint, et donc en dominant plus les deux surfaces que les circuits qui mènent de l’une à l’autre ? L’histoire est sans doute trop emplie de nuances pour être aussi simplifiée. À un sauvetage de Ferland Mendy près, la qualification aurait été entérinée pour les Skyblues. Reste que ce mercredi soir, sur la piste aux étoiles madrilène, City n’a jamais semblé aussi vulnérable que quand il a voulu se servir du ballon pour éteindre le match.

C’est peut-être une leçon d’humilité, sûrement une leçon d’histoire : même quand on est probablement le meilleur entraîneur du début de siècle, tenter d’endormir la magie de la Ligue des Champions provoque inévitablement des cauchemars.

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