Pierre Danvoye

Nainggolan, entre plan com’ et plan con

Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le dérapage de Radja a fait le tour du monde. Cigarette à la main dans sa voiture, il est interpellé par un fan de la Roma. Le Diable n’a pas hésité à exprimer toute sa haine envers la Juventus.

Radja Nainggolan crache plus de « Vaffanculo » que de « Mio amore », ça on le sait. On est bad boy ou on ne l’est pas. Lui, il assume complètement son image de sale gosse. Ses tatouages, sa crête, ce n’est pas de la tapisserie. C’est… lui ! Tout craché !

Dans le public, ça plaît, en tout cas à la jeune génération. Quel gamin, dans le monde du foot, va lui reprocher d’y aller franco, d’être provocateur / grossier / vulgaire à ses heures ? Un Radja Nainggolan vendra toujours plus de maillots qu’un Nicolas Lombaerts. Parce qu’il a bien plus le profil. Entre la brute et le bon, la brute affole plus le merchandising auprès de ceux qui ont envie de devenir des durs, des héros. La brute fait plus rêver et parler. C’est une vérité historique. On est dans le foot, pas dans le tennis ou le golf.

Seulement voilà… Savoir adapter son discours en fonction de la personnalité de son boss, c’est un signe d’intelligence. Nainggolan ne l’a pas encore compris. Ses punchlines immortalisées la semaine passée par des supporters de la Roma (et évidemment diffusées très vite sur le web), quand il quittait le centre d’entraînement, ça ne plaira pas à tout le monde. « Je hais la Juventus depuis que je suis né. Même quand je jouais à Cagliari, je voulais toujours les battre. J’aurais donné mes couilles pour les battre parce qu’ils gagnent tout le temps grâce à des cadeaux des arbitres. »

Radja lors du dernier affrontement contre la Juventus.
Radja lors du dernier affrontement contre la Juventus.© BELGA

Pour sûr, ça plaît au peuple de Rome. C’est du petit lait pour les supporters de la Roma et il est même probable que ça fait rigoler du côté des tifosi de la Lazio rivale. Si Nainggolan avait un coach bad boy, style Diego Simeone, ça passerait. Entre durs, entre brutes, on s’entend, on se comprend. Luciano Spalletti, l’entraîneur de Nainggolan à Rome, n’est pas réputé pour ses écarts de langage ou de comportement mais il ne condamne pas le dérapage. Il lui a donné le brassard ce week-end puis a dit, après le match : « Je ne suis pas perturbé par ses déclarations, il n’a rien dit d’intolérable. »

Nainggolan grille peut-être sa carrière internationale pour une clope de plus, en plein brouillard Witsel. Incompréhensible.

Maintenant, il faut voir les effets à venir du côté de Roberto Martinez. Parce que, Martinez, ce n’est pas Simeone. Dans la fameuse scène à la sortie du centre d’entraînement, Nainggolan allume une cigarette dans la foulée de ses insultes à la Juve. Vous avez dit « l’eau et le feu » ? Pour info, voici quelques priorités de l’entraîneur des Diables…

Roberto Martinez s’est installé dans un quartier chic du déjà chic Waterloo, il aime s’attabler dans un salon de thé avec sa femme et sa fille, il joue aux cartes mais ne fait jamais de paris sportifs, il cite plus facilement Eden Hazard et Jan Vertonghen que Marouane Fellaini quand il est question des personnalités qui l’interpellent, il veut que ses joueurs dorment au moins huit heures par nuit (à Swansea, il collait des amendes à ceux qui passaient trop peu de temps sous la couette), il rapatrie des produits faits maison par son beau-frère boucher et il n’a bu qu’un seul verre d’alcool dans sa vie – une coupe de champagne le jour de son mariage, il a d’ailleurs détesté.

Et puis, il y a son aversion à la cigarette. Martinez, c’est tabac-stop, sur-le-champ. Pas question qu’il surprenne un fumeur à l’hôtel des Diables. Donc, oui, Nainggolan vient encore de déconner. Alors qu’il connaît les grands principes du sélectionneur. Déjà qu’il a bien du mal à revenir dans le noyau, il a peut-être grillé sa carrière internationale pour une clope de plus. En plein brouillard sur l’avenir d’AxelWitsel en équipe nationale. C’est encore plus incompréhensible, parce qu’il y a vraiment une place à prendre. Vis-à-vis des supporters de la Roma, son plan com’ était tip top. Vis-à-vis de Martinez, c’était une sortie à la con.

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