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Milan, la résurrection du Diable

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Onze ans après, le Diavolo retrouve le sommet de la Botte. Une lente ascension faite d’erreurs de casting, de descente aux enfers et, finalement, de renaissance sous des ordres inattendus. Voyage dans le temps, sur les traces de la remontée des Rossoneri.

Parmi les plus fervents Milanisti, beaucoup pointent la date du 25 février 2012 comme un tournant. Tenant du titre et leader du championnat, le Milan reçoit alors à San Siro son dauphin, la Juve d’Antonio Conte. Le jeu des Bianconeri est animé par un Andrea Pirlo qui a troqué les rayures rouges et noires contre le maillot zébré quelques mois plus tôt, mais c’est bel et bien l’hôte du jour qui prend les devants. Un but d’Antonio Nocerino, suivi d’un deuxième inscrit par Sulley Muntari. Le problème, c’est que l’arbitre ne voit pas que le ballon a franchi la ligne avant d’être repoussé par Gianluigi Buffon. Le score reste à 1-0, et finira par un partage qui laisse la Juventus à un point du Milan. Lessivé par son quart de finale de Ligue des Champions contre le Barça, le champion sortant laisse filer des unités précieuses, et le titre revient à la Vieille Dame. Le début d’une hégémonie piémontaise qui se prolongera pendant neuf saisons, et d’un long cauchemar pour le Milan. Quelques semaines plus tard, c’est même un ancien de la maison qui porte le coup fatal.

Grand artisan des venues à Milanello des flamboyants Brésiliens Kaka ou Alexandre Pato, l’ancien meneur de jeu Leonardo a quitté le Milan au tournant des années dix. Installé à la tête de l’ambitieux projet qatari du PSG, il attire dans la Ville-Lumière les deux têtes de gondole des Rossoneri en transférant Thiago Silva et Zlatan Ibrahimovic. Le coup de poignard est violent, et tourne à la lente agonie quand Silvio Berlusconi s’avère incapable de lutter avec les nouvelles places fortes financières du football mondial et ne parvient pas à remplacer ses hommes forts, héros vieillissants du glorieux début de millénaire. Les recrues-phare du Milan s’appellent alors Giampaolo Pazzini, Giacomo Bonaventura ou Alessandro Matri, et le club se retrouve à miser sur le talent alternatif de Mario Balotelli. La recette ne décolle pas du fond de la marmite. Huitième en 2014, dixième en 2015 en étant aussi proche de la deuxième place que du maintien, le Diavolo ne parvient plus à quitter l’Enfer.

« J’ai joué dans le pire Milan de l’histoire », glissera même Carlos Bacca, acheté 33 millions d’euros à l’été 2015, à la radio colombienne. Désireux de vendre son bébé devenu trop onéreux, Berlusconi n’est pas aidé par un noyau incapable de le remettre en vitrine. Filippo Inzaghi, Sinisa Mihajlovic puis Vincenzo Montella brûlent une cote ascendante sur les bancs de touche en s’installant sur celui de San Siro, devenu siège éjectable. Au bout du printemps 2017, la sixième place synonyme de Coupe d’Europe, conquise pour un petit point au nez et à la barbe d’un voisin intériste tout aussi déprimé, n’est qu’une mince consolation. L’été suivant s’annonce, par contre, plus ensoleillé. Un nouveau patron chinois, Li Yonghong, consent des investissements colossaux pour rendre sa splendeur au géant rouge et noir. Le mercato estival dépasse allégrement la barre des cent millions, avec en tête de gondole le défenseur central de la Squadra Leonardo Bonucci mais aussi Andre Silva, Hakan Calhanoglu, Lucas Biglia, Matteo Musacchio ou Ricardo Rodriguez. Cinq ans plus tard, plus aucun de ces « grands » noms n’est au rendez-vous de la fête du titre.

Pour soutenir ce nouveau train de vie, une qualification en Ligue des Champions est qualifiée d’indispensable pour rentrer dans les clous du fair-play financier. Le Milan ne finira pourtant que sixième, à huit points de la première place qualificative pour la piste aux étoiles, malgré le retour de la légende locale Gennaro Gattuso sur le banc de touche. Le nouveau rachat, par le fonds d’investissements américain Elliott Management, et le retour de Leonardo et de sa filière brésilienne (Lucas Paqueta est acheté pour près de 40 millions d’euros en janvier 2019) ne suffisent pas à redresser un paquebot milanais toujours à la dérive. Les Rossoneri passent deux saisons supplémentaires sous la barre des 70 unités, plus franchie en championnat depuis 2013.

Dans l’ombre, pourtant, les choses ont déjà bougé. Nouvelle figure de proue du projet sportif, la légende locale Paolo Maldini est épaulé par le chef du recrutement français Geoffrey Moncada, présenté comme l’architecte de l’AS Monaco champion de France en 2017. L’équipe qui soulèvera le titre au printemps 2022 commence alors à se bâtir, mercato après mercato : Theo Hernandez et Ismaël Bennacer arrivent en 2019, en même temps que la jeune pépite du LOSC Rafael Leão. Un an plus tard, c’est au tour de Pierre Kalulu de poser ses valises dans la capitale de la mode, avant que Fikayo Tomori puis Mike Maignan n’en fassent de même dans les mois qui suivent. Aujourd’hui, sous les ordres d’un Stefano Pioli en place depuis le milieu de la saison 2019-2020, Leão anime le secteur offensif alors que Kalulu et Tomori protègent les filets les plus imperméables d’Italie, bien aidés par un Maignan qui a rapidement fait oublier le départ gratuit de Gianluigi Donnarumma. S’il aime toujours se penser en figure de proue du projet, Zlatan Ibrahimovic ne joue qu’un second rôle dans ce Milan qui brille surtout avec ses jeunes, et vient de glaner un titre qui n’est jamais que son troisième Scudetto depuis 1999. Avec un bilan supérieur aux 80 points. La dernière fois, c’était en 2011. L’année suivante, le Diavolo s’était arrêté à 80. Cela aurait-il été un peu plus avec le but de Sulley Muntari ?

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