Meschack Elia
© Getty

Meschak Elia, le « Neymar congolais », qui aurait pu porter les couleurs d’Anderlecht

Les Young Boys Berne débarquent au Lotto-Park pour tenter de renverser la vapeur après leur défaite à l’aller sur leurs terres. Parmi les déceptions suisses du match aller, un certain Meschack Elia, l’un des fers de lance offensifs des Young Boys. Un joueur qui va découvrir la pelouse d’un stade qui aurait pu être le sien sans un incroyable imbroglio administratif.

Nous sommes à la 77e minute de ce premier duel entre les Young Boys et Anderlecht. Le coach suisse Raphael Wicky décide d’apporter un peu de sang frais à son attaque qui bute sur l’organisation mauve. Filip Ugrinic va prendre la place de Meschack Elia qui s’est cassé les dents sur le trio défensif bruxellois composé par Wesley Hoedt, Hannes Delcroix et surtout le jeune Zeno Debast, impérial dans la capitale suisse.

Pourtant, s’il défend les couleurs jaune et noire des Young Boys depuis 2020, Meschack Elia aurait bien pu se retrouver dans l’autre camp. Ce jeudi soir, il va donc découvrir une pelouse du Parc Astrid qui aurait donc pu être son jardin. L’ailier congolais était arrivé en test à Bruxelles pendant un été 2019 qui marquait le retour de l’enfant prodige Vincent Kompany dans son club formateur. Elia était accompagné d’un compatriote, Arsène Zola. Pour la première étape de leur carrière en dehors du continent africain, les deux joueurs du TP Mazembé espèrent profiter des bonnes relations entre leur club et le RSCA pour trouver le point de chute idéal. Zola ne convainc pas vraiment les décideurs mauves, au contraire d’un Meschack Elia qui séduit Simon Davies, le T1 (et homme de paille) amené par Vince the Prince.

En République Démocratique du Congo, Elia est surnommé le « Neymar congolais » pour la richesse de son répertoire de dribbles. Sauf qu’il emploiera aussi son art de la feinte pour poser un lapin au club bruxellois, façon Didier Lamkel Zé. Proche de signer avec les Mauves, il disparaît d’abord sans laisser de traces avant d’être retrouvé en Suisse alors qu’il est proche de parapher un contrat avec les Young Boys de Berne.

Il disparaît après son test

« J’avais plusieurs offres, je n’avais pas l’intention de signer à Anderlecht », avouait le principal intéressé à la DH quelques semaines après cet épisode. La manœuvre ne plaira d’ailleurs pas à l’UEFA qui condamne l’adversaire du jour du RSCA en précisant que le TP Mazembe et les Bruxellois avaient déjà conclu un accord. Les Young Boys Berne seront contraints de verser un gros million d’euros de dédommagement au club congolais.

En décembre dernier, dans un live Facebook, Meschack Elia décide de révéler tous les détails de ce transfert en Suisse ainsi que les raisons qui l’ont poussées à ne pas s’engager avec Anderlecht. « Je me suis entrainé à Bruxelles pendant une semaine après la CAN 2019, mais le contrat n’était toujours pas signé quelques mois plus tard. J’appelle donc Arsène Zola, avec qui j’étais arrivé à Anderlecht pour savoir s’il avait signé son contrat et il me dit que non. J’étais très étonné de la situation car le championnat avec déjà repris », explique le « Neymar congolais ».

« Je suis ensuite allé voir Kompany et il m’a alors expliqué qu’il ne s’attendait pas à ce que le Congo passe le premier tour et il s’est donc tourné vers d’autres joueurs étant donné que nous allions arriver en retard. Cela m’a brisé », justifie Elia.

Le Sporting n’a pas la même version des événements puisqu’il affirme avoir donné son accord pour le transfert de l’attaquant congolais. Celui-ci n’a pas été conclu à partir du moment où le joueur a préféré partir en Suisse.

Dans un entretien accordé au journaliste Patrick Lupika en décembre 2021 et qui a été diffusé sur Canal+, Moïse Katumbi , le président du TP Mazembé, a révélé des agissements graves de certains joueurs sur des modifications d’âge sur les documents officiels. « Certains joueurs avaient deux passeports sans le savoir. Mazembe avait la date de naissance réelle et d’autres ont baissé leur âge, je ne citerai pas leurs noms. » On peut cependant supposer qu’il faisait allusion à des éléments comme Ben Malango et Meschack Elia dont les départs furent pour le moins houleux.

Dans cette interview, Katumbi est aussi revenu sur le transfert avorté d’Elia à Anderlecht. « Il est venu me dire au revoir. J’ai honte parce qu’il est parti en Europe avec un visa d’Anderlecht et sur place, il a disparu. Le jour de sa signature de contrat, il était introuvable. En Suisse, il a demandé l’asile politique et c’est malhonnête. », estime l’ancien gouverneur de la province du Katanga.

Avant le duel de jeudi dernier contre Anderlecht, Meschack Elia avait déjà donné du fil à retordre à Adrien Trebel lorsque ce dernier avait été prêté à Lausanne dans la compétition suisse entre fin janvier et juin 2022 (Getty Images).

Trois dates de naissance

Sur les sites officiels, Meschack Elia a fêté récemment son quart de siècle puisqu’il est indiqué qu’il est né un 6 août 1997. Pourtant, lorsqu’il signe son premier contrat pro au CS Don Bosco en 2014, son passeport indique 1996 comme année de naissance. Lorsqu’il s’envole pour l’Europe, il affirme pourtant bien être né en 1997. On apprendra ensuite qu’il serait né en 1992 et qu’il aurait donc 30 ans. Un imbroglio qui n’est pas sans faire penser à celui autour de Chancel Mbemba, le défenseur congolais passé aussi par Anderlecht et désormais à Marseille après que son contrat avec le FC Porto n’ait pas été prolongé en raison des doutes sur son vrai âge.

Tous ces soucis administratifs vaudront donc une suspension d’un an à l’attaquant, privé aussi de sélection nationale. Il ne pourra jouer son premier match avec le club bernois que le 23 février contre Saint-Gall où il montera à 7 minutes du coup de sifflet final. Il ouvrira son compteur le 27 juin de la même année , pour sa troisième apparition, lors de la large victoire des siens contre Neuchâtel. Pour les passes décisives, il s’offrira un doublé le 8 juillet contre le FC Thun. Pour sa première saison, incomplète, en Suisse, il termine avec une feuille de statistiques de 2 réalisations et 3 assists en 12 apparitions.

Une valeur marchande près de 15 fois plus importante depuis lors

Les Young Boys peuvent finalement se féliciter d’avoir tenté un pari risqué puisque ses statistiques sont plutôt intéressantes, sans être exceptionnelles, avec 21 roses plantées et 23 passes décisives données en 101 rencontres. La centième, c’était lors d’un duel de championnat au stade de Suisse contre le Servette où il avait même fait trembler les filets pour « célébrer » cela. Satisfait des services de son ailier, la formation helvétique l’a d’ailleurs prolongé jusqu’en 2024 le 8 juillet dernier.

L’année dernière, Elia a été impliqué directement dans 15 buts (8 goals et 7 assists) en 30 apparitions dans le championnat suisse. C’est légèrement mieux, mais avec plus de rencontres jouées, qu’il y a deux saisons où il avait marqué six fois et délivré 8 passes décisives en 25 matches.

La saison dernière en Ligue des Champions, il a disputé les six rencontres de la phase de groupe et a trouvé l’ouverture lors de la défaite 1-4 au stade de Suisse contre Villareal. Une saison auparavant, il avait permis aux Young Boys de participer à la phase de groupe de l’Europa League en marquant lors de la victoire 4-3 contre le Bayer Leverkusen en barrages. Il donnera aussi un assist contre Cluj, mais les Bernois ne passeront pas l’hiver européen.

Cet été, à l’exception du match de jeudi dernier contre Anderlecht où il est resté muet, il a été décisif dans la campagne qualificative de son club en Conference League. Il a donné une passe décisive lors du retour contre Liepaja au second tour avant de jouer un rôle plus important lors du double affrontement du 3e tour contre KuPs. En Finlande, lors de la victoire 0-2 de ses couleurs, il a permis à Jean-Pierre Nsamé d’ouvrir la marque avant de doubler ensuite la mise lui-même.

Ces chiffres peuvent ne pas apparaître incroyables au premier abord, mais ils ne prennent pas en compte les fautes provoquées et les actions conclues par un but dans lesquelles il a un dribble ou une passe sur l’ensemble de l’action. Malgré son surnom de « Neymar congolais », Meschack Elia s’avère être un joueur très altruiste qui fera souvent passer l’intérêt de l’équipe avant sa feuille de stats. Un peu, toutes proportions gardées, comme l’Eden Hazard de la grande époque.

En sélection nationale, il compte 25 sélections sous le maillot des Léopards et a marqué à six reprises pour leur compte. Cela peut paraître peu pour un joueur qui est pourtant l’un des plus réguliers de son pays dans les championnats européens. Mais les relations entre le club suisse et la fédération congolaise ne sont pas toujours les meilleures depuis son transfert et il n’est pas toujours libéré pour répondre à ses obligations internationales.

Sa valeur marchande a aussi bien été dopé depuis son arrivée dans la capitale suisse. Si elle était estimée à 350.000 euros par transfermarkt en février 2020, elle s’élève désormais à 5 millions d’euros aujourd’hui. Et si pour encore augmenter cette dernière, il devait jouer un autre vilain tour à Anderlecht, il n’hésitera probablement pas.

https://www.youtube.com/watch?v=VQcfSS797zA
Manifestation à Bruxelles: 10.000 manifestants

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