Matz Sels
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Matz Sels: « Si je quitte Strasbourg, c’est pour être le numéro 1 dans un club du top 5 d’un bon championnat »

Habitué aux seconds rôles en équipe nationale, le gardien du Racing s’est bâti une solide réputation en France depuis quatre saisons. Discret, mais pas forcément sans ambition, Matz Sels décline sa vision du poste.

Sept ans après son titre de champion décroché avec La Gantoise, Matz Sels évolue toujours au top. Pas en Premier League comme il l’avait rêvé lors de son transfert à Newcastle, mais en Ligue 1 sous les couleurs de Strasbourg, avec lesquelles il a signé une saison 2021-2022 au-delà des espérances.

En finissant sixième de Ligue 1 la saison dernière, Strasbourg a disputé sa meilleure saison depuis 43 ans. Comment l’as-tu vécue de l’intérieur?

MATZ SELS: En Belgique, on le sait peu, mais il y a quarante ans, le Racing, c’était vraiment un grand club. Ensuite, il a traversé une période sombre, a connu une relégation administrative (en 2011, ndlr) et est reparti de presque zéro. Mais Strasbourg reste une ville de foot. L’an dernier, à tous les matches, le stade était à guichets fermés. Et je peux vous dire que l’atmosphère est vraiment très spéciale. Ce n’est pas Marseille, mais quand on vient à Strasbourg, généralement on s’en souvient. Parce que tu as 27.000 personnes qui poussent. Sincèrement, ça doit être top 3 ou top 4 des ambiances en France, après Marseille, Saint-Étienne et Lens.

Mon échec à Newcastle m’a permis d’apprendre beaucoup. L’important dans ces moments-là, c’est comment est-ce que tu réagis pour revenir plus fort. » Matz Sels

Reste qu’à trois points près, le Racing se qualifiait pour la Coupe d’Europe. Ça a été dur à encaisser?

SELS : Honnêtement, je trouve qu’on méritait l’Europe sur l’ensemble de la saison. Après, ça s’est joué à trois fois rien. Un but encaissé à la 93e contre Lyon, des points bêtement perdus dans des matches dominés de la tête et des épaules contre Lorient et Troyes… Reste que toute la saison, on a alterné entre la quatrième et la cinquième place. Beaucoup pensaient qu’on finirait par s’écrouler, mais on a tenu bon, sans faiblir. En vrai, dans une saison normale où un gros gagne la Coupe de France, notre sixième place aurait dû nous offrir une qualification pour l’Europe. Là, avec la victoire de Nantes, on est privé de cette récompense. Forcément, on a été déçu, mais on ne doit pas oublier tout ce qu’on a fait de bien par ailleurs.

« Être récompensé par les entraîneurs de gardiens, ça veut tout dire »

L’été dernier, Julian Stéphan a remplacé Thierry Laurey. Après avoir repositionné le Stade Rennais sur la carte de l’Hexagone, Stéphan a refait le même coup avec le Racing. C’est quoi son secret?

SELS: Il est très proche des joueurs. Sincèrement, il est incroyablement fort sur tout ce qui touche au mental. Parce qu’il parvient à avoir une approche unique et différente avec chaque joueur. C’est comme s’il ciblait nos besoins et qu’il parvenait parfaitement à les identifier, puis à y répondre. Je crois qu’avoir un coach qui sait parler à son groupe, c’est devenu capital dans le football moderne. Et c’est en tout cas une des clés de notre succès. Après, il est aussi arrivé à un moment où le groupe avait besoin de voir autre chose. À la fin, avec Thierry Laurey, on était rentré dans une forme de routine. C’est normal après cinq ans dans le même club. Le groupe avait besoin d’air et Stéphan a su influer cette nouvelle dynamique positive qui nous a tous fait beaucoup du bien.

Comment il faut parler à Matz Sels pour le mettre dans de bonnes conditions?

SELS: En fait, quand je parle de son approche psychologique, ce n’est même pas tellement avec moi spécifiquement. Moi, je suis quelqu’un d’assez calme. D’assez zen et régulier. En fait, j’aime bien qu’on me laisse travailler parce que je suis un gros bosseur. À partir de là, je pense qu’il faut pouvoir me faire confiance, me laisser faire mon truc.

Visiblement, ça fonctionne. Fin mai, l’Association des entraîneurs de gardiens (AEGB) t’a remis le trophée Bruno Martini. Ce prix récompensant le meilleur gardien de Ligue 1 selon les entraîneurs de gardiens de buts eux-mêmes. Une fierté?

SELS: D’ordinaire, les gens ne parlent pas beaucoup de Strasbourg, encore moins de Matz Sels. Du coup, là forcément, c’est un trophée qui a d’autant plus de valeur pour moi. Surtout qu’être récompensé par les entraîneurs de gardiens, ça veut tout dire. Je ne comprends toujours pas comment Donnarumma a pu être élu meilleur gardien lors des trophées UNFP en ayant joué seize matches de Ligue 1 cette saison. Nous, on a gardé quatorze fois le zéro, c’est énorme pour un club comme Strasbourg. Je n’ai jamais douté ou regretté mes choix dans la vie, mais ça confirme en tout cas que c’était le bon de venir ici. Depuis, j’ai gagné une Coupe de la Ligue et je suis devenu un taulier de Ligue 1.

Matz Sels se détend lors d'un amical de pré-saison face à Charleroi.
Matz Sels se détend lors d’un amical de pré-saison face à Charleroi.© photonews

« Si je pars, c’est pour être le numéro 1 dans un club du top 5 d’un bon championnat »

Est-ce qu’à trente ans, tu t’imagines pouvoir encore franchir un palier?

SELS: Ce qui est certain, c’est que faire mieux ici, avec Strasbourg, ça va être difficile. Je pense qu’un club comme le Racing doit viser chaque année le top 8. Mais pour se bagarrer avec les meilleurs, l’écart budgétaire reste trop important. Déjà laisser Lille et Lyon derrière nous l’an passé, c’était incroyable. Réitérer ça risque d’être compliqué. Et moi, personnellement, il me reste deux ans de contrat. Je ne vais pas changer d’air pour changer d’air, mais je suis à l’écoute si il y a des propositions concrètes. Après, je sais aussi qu’un transfert, ça signifie repartir ailleurs de zéro. Parce que dans le foot, le passé ne compte pas. Il y a ce que tu fais au quotidien et c’est tout. Si je pars, c’est pour être le numéro 1 dans un plus grand club capable de jouer le top 5 chaque saison dans un bon championnat. D’un autre côté, je me sens aussi très bien à Strasbourg et je pourrais tout aussi bien prolonger mon contrat. Ils vont bientôt rénover le stade dont la capacité va passer à 33.000 places. La Meinau, ce n’est pas le Bernabéu, mais ça participe à l’ambition du club.

Strasbourg, c’est top 3 ou top 4 des ambiances de Ligue 1. » Matz Sels

Il y a quelques mois, Stefan Mitrovic, un ancien Gantois que tu as aussi côtoyé à Strasbourg, disait qu’entre la Belgique et la Ligue 1, la révolution était plus physique que tactique. Tu as aussi eu cette impression à ton arrivée?

SELS: Moi, j’ai joué en Angleterre entre les deux, ça change beaucoup de choses dans la perception qu’on peut avoir d’un championnat. Je crois que mon adaptation a été plus simple de ce point de vue-là. Là où je reconnais avoir souffert, c’est en passant de Gand à Newcastle. Là, ça a été difficile. Le problème que j’ai eu là-bas, c’est que je n’ai pas eu le temps de m’adapter. Tout a été très vite. Et de débarquer dans un championnat hyper physique où après chaque match, tu as toujours quelqu’un qui part chez le doc, ça a été un petit choc (il rit).

Tu dis ne pas vivre de regrets, mais ton passage à Newcastle reste un échec. Tu à appris à vivre avec?

SELS: C’était il y a six ans! Heureusement que j’ai appris à vivre avec (il rit). Évidemment, sur le moment, ça a été difficile. Parce que tu sors de l’équipe et que ce n’est jamais gai, mais je crois que ça m’a permis d’apprendre beaucoup. L’important dans ces moments-là, c’est comment est-ce que tu réagis pour revenir plus fort. Ça marche pour une carrière, mais c’est le cas aussi dans la vie de tous les jours. Des moments difficiles, j’en vivrai encore.

« Ça fait au moins dix ans que Courtois est parmi les cinq meilleurs du monde »

En quoi est-ce que tu es un meilleur gardien de but aujourd’hui?

SELS: Je dois avoir joué près de 250 matches en plus depuis cet épisode. Donc oui, mentalement, je suis devenu beaucoup plus costaud. Comme gardien, je pense que l’expérience, c’est le plus important. Quand tu vis des moments de match par lesquels tu es déjà passé, tu as des repères. C’est comme pour Thibaut Courtois en finale de Ligue des Champions. Je suis assez convaincu que c’est parce qu’il en avait déjà joué une (en 2014, avec l’Atlético de Madrid, ndlr) qu’il a pu être si bon la deuxième fois. Ce n’est plus le même stress. Et puis, ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’un gardien atteint son prime plus tard. Courtois a trente ans et il est au top. Et pour rappel, j’ai le même âge que Courtois hein (il rit).

Ce qui est plus un drame qu’un motif de réjouissance non?

SELS: Le problème, en effet, c’est qu’on a beaucoup de bons gardiens en Belgique et qu’on a tous le même âge avec Koen Casteels, Thibaut Courtois et Thomas Kaminski. Et encore, je n’oublie pas que chez les jeunes, en U16, c’était déjà le bordel. Il y avait Colin Coosemans aussi à l’époque en plus. Clairement, être né en 1992 et être gardien de but, ce n’était pas facile. Dans ce contexte, je suis déjà content d’avoir réussi à faire mon trou malgré la concurrence. À l’époque, on tournait même avec les 1991 pour essayer de nous donner du temps de jeu. De temps en temps, il y en avait deux parmi nous cinq qui allait jouer avec les plus grands. À ce stade-là, il n’y avait pas encore de hiérarchie claire entre nous.

On a l’impression que depuis cette finale de C1 gagnée contre Liverpool, Thibaut Courtois est unanimement considéré comme le meilleur gardien du monde. Légitime selon toi?

SELS: Il fait partie des meilleurs, c’est évident. Ça ne se joue évidemment pas sur un seul match. Nous, en Belgique, on le connaît depuis quinze ans. Et on sait que ça fait au moins dix ans qu’il est parmi les cinq meilleurs du monde. On peut être fiers et contents d’avoir un gardien pareil dans notre pays.

Qu’est-ce qu’il a, selon toi, qui le rend supérieur à la concurrence?

SELS: Mentalement, il est hyper costaud. La preuve, c’est que depuis sa première saison assez difficile à Madrid, en concurrence avec Keylor Navas à l’époque, il est devenu encore plus fort. Comme je l’ai déjà dit, le plus important dans le poste, c’est de savoir gérer ses temps faibles. Et en faire des leçons pour l’avenir. Après, en qualités pures, tout le monde le connaît. Mais pour le côtoyer à l’entraînement, il est réellement exceptionnel. Son avantage, c’est qu’il est très grand, mais que ça ne l’empêche pas d’être extrêmement vite au sol. Son amplitude paraît sans limite.

On a dit que ses relations avec ses suppléants n’ont pas toujours été évidentes. Notamment à Chelsea avec Petr Cech ou Hilário. Pourquoi selon toi?

SELS: Je n’ai personnellement jamais eu de problème avec lui. Entre nous, la hiérarchie est claire, ça aide sans doute. Et on ne peut pas comparer la vie en équipe nationale à la vie en club. Mais je crois pouvoir parler au nom de tous en disant que personne dans le groupe des gardiens n’a jamais eu de problème avec Thibaut.

« La Coupe du monde, je veux en être »

Tu comptes seulement deux sélections avec les Diables, dont une insolite première quand tu avais été amené à remplacer Simon Mignolet à la 89e minute contre la Grèce en amical avant le dernier EURO. Dans le passé, il est parfois arrivé que certains troisièmes gardiens s’irritent de ce statut d’éternelle roue de secours. Quel est ton rapport à la hiérarchie en place?

SELS: Que tu sois joueur de champ ou gardien, tu veux toujours jouer. Mais quand tu ne joues pas parce que tu es barré par un Courtois, qu’est-ce que tu peux dire? Il est vraiment fort, ce n’est pas un scandale. Nous, on se contente des miettes, c’est comme ça. Vous savez, contre la Grèce, j’étais content de rentrer malgré le contexte. C’était un geste symbolique du sélectionneur, mais ça reste un motif de fierté pour moi. Je suis avec l’équipe nationale depuis tant d’années, il fallait bien que ça arrive (il rit).

Et dans trois mois, tu auras peut-être l’occasion de disputer ton premier Mondial, un an et demi après avoir été dans le groupe pour l’EURO. Une question quand même: est-ce qu’à trente ans, on rêve vraiment de partir pour une Coupe du monde au Qatar en qualité de troisième gardien?

SELS : Bien sûr que je veux en être! Même si je ne joue pas, ça reste une Coupe du monde! Vous savez, numéro 2 ou 3, finalement, ça ne change pas grand-chose. C’est un rôle d’accompagnement, de soutien aussi. Un rôle qui compte donc. Et puis, vivre une expérience pareille de l’intérieur, ça doit être quelque chose de phénoménal. Et une expérience en plus pour le futur aussi. On voit, on apprend. On s’imprègne.

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