Le Theate des rêves: Arthur coeur de Lion, de taulier de Rennes à celui des Diables ?

Malgré la réussite de son transfert estival au Stade Rennais, Arthur Theate a dû se contenter d’assister à la débâcle diabolique au Qatar depuis le banc de touche. Si la défense, longtemps pointée du doigt, a répondu globalement présente dans le Moyen-Orient, elle devrait logiquement faire un pas de côté dans les prochains mois. L’occasion pour Arthur Theate de véritablement prendre son envol sous les couleurs nationales ?

En dépensant 19 millions d’euros cet été pour un défenseur qui n’évoluait que dans une équipe de seconde partie de tableau en Italie, certains ont sourcillé du regard du côté du Stade Rennais. On avait évidemment conscience du potentiel d’Arthur Theate, mais allait-il pouvoir justifier cette somme qui en faisait le sixième transfert le plus cher de l’histoire du club breton, mais seulement le deuxième Belge. En effet, Jeremy Doku en avait coûté sept de plus voici deux ans lorsqu’il avait déménagé d’Anderlecht. Avec le relatif succès que l’on connaît.

Lors du Mondial au Qatar, beaucoup de personnes auraient souhaité que Roberto Martinez dépoussière quelque peu son onze de base où de nombreux cadres trentenaires restaient sur des derniers mois compliqués en club. Mais des Wout Faes, Leandro Trossard (malgré son transfert de ce jeudi à Arsenal), Charles De Ketelaere, Jeremy Doku, Loïs Openda, Amadou Onana ou Arthur Theate, seuls les trois derniers cités ont été en mesure de prouver, dans les semaines qui ont suivi la courte épopée qatarie, qu’ils auraient mérité plus de considération de la part du désormais nouveau guide de la sélection portugaise.

S’il n’a officiellement pas voulu faire de vague sur son statut, Theate n’était pas très content de son sort au Qatar. Il fait d’ailleurs partie des quelques Diables rouges à être rentrés plus tôt du Mondial, en compagnie de Thomas Meunier ou Axel Witsel. Mais sans doute avec plus d’amertume dans la bouche que ces derniers.

Impatient dans l’ombre de Vertonghen

On était bien loin des images de joie spontanées et simples du gaucher lorsqu’il avait appris sa convocation dans la liste des 26, au début du mois de novembre. Conscient de la fragilité du secteur défensif de la Belgique, Arthur Theate a rapidement affiché plus d’ambitions, même si au final les vieux serviteurs de Martinez, Toby Alderweireld et Jan Vertonghen, ont justifié la confiance accordée par leur ancien sélectionneur. Des choix auxquels n’a que peu goûté l’homme de Soumagne, même si le discours se voulait plus polissé dans la presse. « Oui, il y a des gens qui demandent que je joue. Il faut que j’apprenne de Vertonghen car il connaît le système à 100 % », affirmait le principal intéressé dans le quotidien Ouest-France avant de s’envoler pour le Moyen-Orient. « Après, j’ai envie de jouer cette Coupe du monde et si je peux grappiller le maximum de temps de jeu, bien sûr je le ferai. Dans le vestiaire, sur le terrain, il y a de choses à respecter, il y a des choses qui sont mises en place depuis des années, et ce n’est parfois pas facile de remplacer une personne aussi importante que Jan. Footbalistiquement, c’est un très bon joueur, c’est quelqu’un qui parle et qui est présent. Le foot est un sport collectif pas un sport individuel et Vertonghen est vraiment dans cette conception-là. On ne va pas forcer les choses et quand le coach fera appel à moi, je répondrai présent », poursuivait un Theate bouillonnant plus d’impatience dans l’intimité du vestiaire diabolique.

Arthur Theate avec Jan Vertonghen. BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR

Mais, Martinez a toujours gardé, contre vents et marées, sa confiance dans le désormais défenseur d’Anderlecht. Dans l’émission « Dans le vestiaire » d’RTL Sports, pendant le Mondial, l’ancien Diable rouge Kevin Mirallas, qui a aussi connu le technicien catalan comme coach à Everton, le soulignait d’ailleurs: « Jamais il ne se passera de Vertonghen. »

Mais dans les prochains mois, la donne pourrait changer avec l’arrivée d’un nouveau sélectionneur. Le timing sera probablement idéal pour donner plus de responsabilités à un joueur d’avenir déjà devenu l’un des tauliers d’un Stade Rennais, actuellement cinquième de Ligue 1, à dix points de sa dernière victime en date, le PSG. Un chiffre peut déjà résumer l’importance qu’Arthur Theate a pris dans son nouveau club: le 5.

Sur les treize joueurs à avoir disputé les 1710 minutes de jeu possibles dans le championnat français, huit, dont Matz Sels, sont des gardiens et les cinq autres des joueurs de champ. En plus de ce temps de jeu maximal, le joueur formé au Standard a marqué deux buts et réussi 89,8% de passes. Rennes est aussi la quatrième meilleure arrière garde l’Hexagone avec seulement 20 buts concédés en 19 sorties.

Déjà un taulier au Stade Rennais

Ces statistiques, dans une équipe qui essaie de prendre le jeu à son compte, sont assez proches de celles qu’il affiche en équipe nationale. Il réussit en moyenne 89,7% de passes en club pour 89 avec la Belgique. Avec cette dernière, il gagne un peu plus de duels aériens (2 par match) qu’en Bretagne (1,7). Son nombre de tacles par joute est aussi proche dans les deux contextes. Entre 0,7 et 0,8 par rencontre avec le Stade Rennais, selon qu’il évolue en Ligue 1 ou en Europa League, pour 0,9 sous la liquette diabolique.

L’évolution des statistiques d’Arthur Theate est d’ailleurs marquante par rapport à celles qu’il produisait à Bologne ou à Ostende, dans des contextes bien différents. Dans deux formations moins habituées à jouer les premiers rôles, surtout les Côtiers, il se montrait notament très fort dans les interceptions. De 1,8 par match en moyenne au KVO, il n’en effectuait plus que 1,4 à Bologne pour seulement 1 à Rennes et chez les Diables. Ce qui s’explique par une exposition moindre aux attaquants adverses. Son passing est devenu plus précis puisqu’il frôle les 90% de ballons donnés correctement, alors qu’il n’était que 68,3% lors de sa deuxième année à Ostende. Cette différence s’explique aussi par le nombre de ballons qu’il doit jouer par match. A la côte belge, il n’en avait que 38 par match pour 71 à Rennes en Ligue 1 et une centaine lors de ses sorties avec les Diables rouges. Cette évolution du style de ses équipes lui a aussi permis de progresser offensivement. Souvent imprévisible, sa relance pour casser des lignes manquait parfois de justesse. Au Stade Rennais, il réussit 0,3 passe clé de moyenne toutes les 90 minutes, à l’image de ce joli pré-assist contre le PSG qui va parfaitement lancer Adrien Truffert, avant que ce dernier n’offre la balle de but de la victoire à Hamari Traoré.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Contre le PSG, Arthur Theate est sorti de son registre habituel afin de s’adapter au plan tactique mis en place par son entraîneur Bruno Genesio. Pour l’occasion, celui-ci alignait une défense centrale composée de trois éléments, avec le Belge positionné le plus à gauche. Comme la place qu’il occupait dans le trident arrière de Roberto Martinez.

S’il a été propre à la relance avec 90,6% de passes réussies, celles-ci étaient à l’exception du pré-assist mentionné plus haut, beaucoup plus prudentes que d’habitude. En fin de match, il a aussi admis avoir expédié plus de ballons au loin car la pression du PSG l’exigeait. C’est aussi la preuve qu’il sait s’adapter rapidement tactiquement à des situations de match qui évoluent. Il a d’ailleurs dégagé cinq ballons, ce qui constitue son deuxième plus grand total de la saison. Pour le reste, il s’est surtout distingué pour sa lecture du jeu et son sens de l’anticipation dans une zone où il devait se frotter au meilleur joueur du dernier Mondial, Lionel Messi. Une prestation aboutie qui fait déjà du taulier de Rennes, l’une des assurances pour l’avenir dans un secteur défensif diabolique qui subira une cure de jouvence prochainement.

Leadership, impatience et lacunes à combler

« Un leader, c’est une manière d’être et une façon de penser. Je pense qu’on ne devient pas un leader, mais qu’on l’est par défaut. Moi, je serai toujours moi-même, mais je n’ai en tout cas aucun tracas à propos de la prochaine génération. On va grandir gentiment, sans pression. Il n’y aura pas 23 leaders, mais on aura un bon groupe », expliquait dans notre magazine, en juillet dernier, celui qu’on surnommait Il Leone en Italie. Un homme ambitieux et impatient, malgré un début de parcours qui a mis du temps à se dessiner avant qu’il ne trace sa voie vers les sommets sans prendre beaucoup de détours.

Alors que le Standard ne voulait pas lui donner sa chance, il s’est retrouvé à Ostende par un concours de circonstances, à une place de défenseur central qui n’était pas la sienne au départ. Il a rapidement appris les spécificités du poste pour devenir l’un des cadres du KVO d’Alexander Blessin et a tapé dans l’oeil d’un certain Sinisa Mihajlovic, autre arrière central à la patte gauche dévastatrice qui nous a quittés récemment. Entraîneur de Bologne, il installe rapidement le Liégeois à la chevelure abondante au coeur de son arrière garde. « Je ne suis pas venu en Italie pour prendre des photos», confiait d’ailleurs le désormais Rennais après ce transfert chez les Rossoblù.

Lionel Messi n’a pas fait peur à Arthur Theate. (Photo by Xavier Laine/Getty Images) © belga

Pendant longtemps, ce défenseur hyperactif balle au pied s’était signalé pour son imprévisibilité. Blessin a su en tirer parti à Ostende avant que Mihajlovic façonne son intelligence défensive dans une Serie A taillée sur mesure pour les joueurs rusés. Mais l’attente ne fait pas partie du vocabulaire du défenseur gaucher qui nous confiait ceci à l’époque : « Je ne veux pas paraître pour le gars soudainement un peu hautain, mais oui, quand je signe à Bologne en août dernier, c’est avec la volonté de m’y imposer. Et rapidement. »

En 31 apparitions sous le maillot de Bologne, Theate a aussi prouvé sa valeur offensive en plantant deux roses dans les parterres de la D1 italienne. Défensivement, il fait preuve de plus de justesse dans une équipe plus dominante qu’Ostende. Le changement de système, avec le passage à un 3-5-2, lui permettra de prendre des initiatives à la relance ou dans les courses vers l’avant. Des vestiges de cette formation comme latéral gauche.

Arthur Theate est un défenseur entreprenant dans sa manière de défendre qui pouvait se vanter d’avoir une moyenne élevée, en Italie et en comparaison à ses alter ego des cinq grands championnats, en termes d’interceptions et de mises sous pression de l’adversaire. Cette propension à défendre vers l’avant ne compensait pas ses lacunes défensives encore importantes. Notamment ses faibles taux de réussite dans les duels aériens, les tacles ou les un-contre-un. Il améliore petit à petit cela en Bretagne, même s’il reste encore du pain sur la planche.

Le caractère ambitieux d’Arthur Theate lui a parfois valu une réputation de prétentieux. Dans une interview, Mihajlovic lui avait demandé de « redevenir plus humble ». « Certes, il n’a pas aimé que je râle à ma sortie du terrain contre Venise. Mais il n’a jamais parlé de manque de respect. À aucun moment, et il me l’a bien spécifié lors de notre discussion, il n’a jugé mon caractère. Et c’est bien là le plus important pour moi. Je ne veux pas qu’on mette en doute mon humilité », avait justifié le joueur originaire de Soumagne à Sport/Foot Magazine.

Une humilité qui sera nécessaire pour écrire le nouveau volet de l’histoire diabolique de la Belgique. Mais pour le caractère dont aura besoin cette nouvelle fournée, l’on pourra certainement compter sur Arthur Theate.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire