Les Diables rouges au pied du mur: comment s’en sont-ils sortis dans le passé ?

Vaincre ou refermer un chapitre glorieux: la Belgique doit l’emporter contre la Croatie si elle veut poursuivre sa route dans la compétition. Cette génération n’a jamais été dans ce cas de figure mais les précédentes sont déjà passées par des matches couperets. Retour sur quelques uns d’entre eux.

Jamais dans son histoire, la génération diabolique, dite dorée, n’a connu de match où la victoire était impérative pour poursuivre sa route dans un grand tournoi au cours de la phase de groupe. On l’a déjà évoqué, il n’y a que lors de l’Euro 2016 que les Belges ont vécu une défaite à ce stade de la compétition, contre l’Italie (0-2). A chaque fois, la victoire était au bout des 90 minutes pour les nôtres, souvent qualifiés après le second duel, comme ce fut le cas en 2014, 2018 au Mondial et en 2021 à l’Euro, où le troisième match n’avait pour enjeu que le gain du groupe.

En 2016, les Diables encore guidés par Marc Wilmots étaient venus à bout de la Suède grâce à une frappe puissante de Radja Nainggolan. Le Ninja a depuis lors disparu des radars de l’équipe nationale comme de ceux de l’Antwerp et il faudra se trouver un autre sauveur ce jeudi.

Dans les générations précédentes, les cuvées 1990 et 94 avaient aussi validé leur billet pour les 1/8e de finale après avoir engrangé deux succès en deux matches lors de leur entrée dans les tournois mondiaux italien et américain. A chaque fois, le troisième match s’était solidé par un revers. Logique contre l’Espagne, même s’il avait contraint la Belgique à défier l’Angleterre avec l’issue que l’on connaît et le but de David Platt, anormal contre l’Arabie Saoudite, où Saeed Al-Owairan avait slalomé entre des défenseurs belges trop confiants, contraignant les nôtres à affronter l’Allemagne au stade suivant au lieu de la Suède (au vu de leur parcours et de leur 3e place, ce n’était pas spécialement un adversaire plus facile) et de l’Irlande, dont avaient hérité nos voisins néerlandais que nous avions pourtant battus grâce à Philippe Albert.

Dans le premier cas, les Diables rouges avaient terminé deuxièmes de leur groupe, alors qu’ils étaient troisièmes au pays de l’Oncle Sam, une place qui les renverrait au pays dès ce jeudi soir cette fois.

La défaite de la Belgique contre l’Arabie Saoudite en 1994 avait envoyé l’Allemagne sur le chemin diabolique dès les 1/8e de finale. (Photo by Mark Leech/Offside via Getty Images)

L’édition de 1982, où les nôtres s’étaient offert le scalp du champion du monde en titre argentin lors du match d’ouverture, présentait un format plus particulier avec deux phases de groupe. Après cet exploit inaugural, la Belgique avait battu le Salvador et était assurée de poursuivre sa route. Elle partagera encore contre la Hongrie.

Lors de la deuxième phase groupée, les hommes de Guy Thys s’inclinaient lourdement contre la Pologne avant d’en faire de même sur le plus petit écart écart contre l’URSS. Ce duel était déjà capital vu que les poules ne comptaient plus que trois nations.

Lors des éditions 1986, 98 et 2002, la Belgique s’est retrouvée dans le même cas de figure que ce jeudi. Par deux fois, elle a pu voir le tour suivant, avec notamment l’un des plus beaux parcours de l’histoire footballistique de notre Royaume.

Les succès

1986: la révolution Guy Thys

Le contexte: En phase finale, la Belgique doit défier le pays organisateur, le Mexique, ainsi que deux adversaires à sa portée sur le papier: le Paraguay et l’Irak. La défaite contre El Tri laisse déjà des marques et des discussions animées se déroulent au sein d’un groupe déjà fissuré par les tensions. Cible de toutes les critiques après la mauvaise entrée en matière des Belges, René Vandereycken ne savait pas encore qu’il venait sans doute de poser les jalons de son départ prématuré du Mundial. Il n’avait accepté ni les options tactiques arrêtées par Guy Thys ni les sélections qui l’écartaient de l’équipe-type. Contre l’Irak, des jeunes pousses comme Franky Van der Elst, Stéphane Demol et Enzo Scifo intègrent le onze de base. Les Diables l’emportent difficilement 2-1 et doivent en faire de même contre le Paraguay qui compte une unité de plus.

Le résultat: On rappelle souvent la rencontre contre l’Irak, mais c’est bien le Paraguay qui fut notre match couperet en 1986. Et c’est un partage 2-2 qui sanctionnera un duel au cours duquel les protégés de Guy Thys avaient pris l’avance par deux fois. Aux réalisations de Franky Vercauteren et Danny Veyt, Roberto Cabañas avait répondu à deux reprises. Les Diables s’en sortaient de justesse grâce à un statut de meilleur troisième.

La suite, qui s’annonçait mal, va alors virer au quasi conte de fées. D’un rocambolesque thriller contre l’URSS à une séance de tirs au but stressante contre l’Espagne, les exploits d’un Diego Maradona au sommet de son art mettront un terme aux rêves diaboliques les plus fous dans le dernier carré.

Enzo Scifo incarnait la nouvelle vague belge en 1986. Certains anciens, comme René Van der Eycken, en avaient fait les frais. (Photo by Jean-Yves Ruszniewski/TempSport/Corbis/VCG via Getty Images)

2002: les vieux briscards se rebiffent

Le contexte: A la sortie d’un Euro 2000 disputé à domicile avec une élimination douloureuse au premier tour, les Diables rouges de Robert Waseige doivent une revanche au pays, à l’occasion de ce premier Mondial disputé sur le sol asiatique. Après avoir validé leur billet pour l’événement au terme de deux duels de barrage contre la République Tchèque, les Belges se retrouvent dans un groupe abordable, mais qu’il ne faut pas prendre à la légère. Le Japon est l’un des deux organisateurs mais ne présente que peu de références à ce niveau, la Tunisie semble à notre portée et la Russie n’a plus l’éclat de la défunte URSS. Contre les Japonais, les Belges boivent la tasse en dix minutes après l’ouverture du score acrobatique signée Marc Wilmots. Suzuki et Inamoto font chavirer le pays du Soleil Levant, mais Peter Van der Heyden arrache un point à un quart d’heure du terme. Contre les Aigles de Carthage, Raouf Bouzaiene répond rapidement au but de Willie. Avec deux points sur six et l’adversaire le plus costaud sur le papier à défier, la Belgique semble dans les cordes avec une génération vieillissante qui n’est pas la plus douée de son histoire.

Marc Wilmots, Wesley Sonck et Johan Walem chargent la révolte belge au Mondial japonais. (Photo by Martin Rose/Bongarts/Getty Images)

Le résultat: Grâce à leur victoire contre la Tunisie, les Russes contraignent les Belges à la victoire. Exit Branko Strupar, Eric Deflandre, Peter Van der Heyden et Timmy Simons qui cèdent le relais à Mbo Mpenza, Jacky Peeters, Nico Van Kerckhoven et Johan Walem, ce dernier transformant directement l’essai dès la 7e et un coup franc magistral logé dans la lucarne de Ruslan Nigmatullin. Vladimir Beschastnykh rétablit l’égalité à la 52e et renvoie virtuellement les Diables au pays. Mais à la 78e, Wesley Sonck, entré au jeu huit minutes plus tôt, permet à la Belgique de repasser devant. Spirou, comme le surnommait affectueusement le mage de Rocourt sera aussi impliqué dans le troisième but tombé des pieds de l’inévitable Wilmots. La réduction du score de Dmitry Sytchev à deux minutes du terme offrira des derniers frissons à la défense articulée devant Geert de Vlieger.

Les Diables rouges s’en sortaient et s’offraient, grâce à leur deuxième place, un 1/8e de prestige contre le Brésil auquel ils allaient largement tenir tête contrairement aux prédictions initiales. L’un des duels les plus compliqués d’une Seleçao qui brandira la Coupe cette année-là.

L’échec

1998: la formalité devenue calamité

Le contexte: Ramenée dans le droit chemin de la qualification par un Georges Leekens ayant quitté précipitamment un voilier mouscronnois qu’il barrait en tête de la Jupiler Pro League, la Belgique se présente, non sans arguments, à la Coupe du monde organisée à ses portes. Pour donner l’allure d’une gigantesque fête des voisins au bal mondial, le tirage au sort a placé les nôtres dans un groupe en compagnie des Pays-Bas. Le Mexique, que l’on retrouvait pour la troisième fois de notre histoire à ce stade de l’épreuve, et la Corée du Sud, qui avait inspiré les commentaires taquins d’un Roger Laboureur en 1990, se dressaient aussi sur notre route.

Le derby des Plats Pays offrait une leçon de résistance d’une Belgique, qui après avoir plié sur son côté droit avec un Bertrand Crasson à la dérive dans l’ouragan Marc Overmars, avait ensuite retrouvé plus de structure avec l’entrée au jeu d’Eric Deflandre et la ruse de Lorenzo Staelens. Se rappellant sans doute de Frankie Vercauteren lors du barrage de 1985 contre notre voisin, Lorre provoquait un tête à tête avec Patrick Kluivert qui voyait rouge. La Belgique prenait un point au goût de victoire avant qu’il n’ait un goût plus amer dans la fournaise bordelaise. Après avoir mené au score 2-0 contre le Mexique, Gert Verheyen se voyait brandir le bristol rouge et El Tri revenait à notre hauteur grâce à Garcia Aspe et Blanco. La qualification en vue venait de changer de bord puisque les Mexicains, vainqueurs des Coréens au premier match, comptaient deux points de plus que les nôtres à l’aube du dernier duel.

Le remplacement d’Enzo Scifo par Franky Van der Elst avait alimenté les discussions au coup de sifflet final de la rencontre entre la Belgique et la Corée du Sud. (Photo by Romeo GACAD / AFP) (Photo credit should read ROMEO GACAD/AFP via Getty Images)

Le résultat: Le partage entre le Mexique et les Pays-Bas aurait sans doute été fatal à une Belgique qui aurait dû dominer son adversaire de trois buts pour se hisser au tour suivant. Il n’empêche, ce match reste dans les mémoires comme l’un de nos plus beaux fiascos, contre un adversaire a priori à notre portée. Luc Nilis a ouvert rapidement le score mais les Diables ont ensuite manqué d’inspiration pour alourdire le score jusqu’à ce remplacement d’Enzo Scifo par Franky Van der Elst, qui va animer pendant longtemps les discussions dans les buvettes et précipiter la fin de carrière internartionale du Louviérois. Yoo Sang-Chul égalisait cinq minutes après ce choix tactique discutable. La Belgique s’éclipsait déjà en catimini de la fête de voisins.

Le réveil russe sera la seule option possible pour les Diables rouges contre la Croatie. Ils savent désormais ce qu’il leur reste à faire.

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