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Les 10 plus faux buts du Roi Pelé

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Tous les moyens sont bons pour rester le buteur le plus prolifique de l’histoire. Au point de s’inventer des buts? Top dix imaginaire des plus faux buts du meilleur footballeur du siècle dernier.

La victime vit dans le Frioul. Une terre du nord-est de l’Italie qui ne sort de l’anonymat que pour saluer les coureurs du Giro ou les exploits de plus en plus rares de l’Udinese. Ce jour-là, à l’aube de l’année 2021, les Zèbres sont mi-acteurs, mi-spectateurs d’un doublé de Cristiano Ronaldo qui lui permet d’atteindre la barre des 758 buts marqués en match officiel au cours de sa carrière, et ainsi de dépasser le roi Pelé.

Jamais à court d’idées pour préserver sa course aux records, la légende brésilienne réagit sur Instagram. Dans sa nouvelle bio, on peut désormais lire qu’il est le Leading Goal Scorer of All Time (1.283).

Une bonne partie de ces roses ayant été plantées à l’abri des caméras, impossible de connaître la vérité arithmétique de cette histoire de jardinier très prolifique. Pour donner un coup de main à O Rei dans sa quête éternelle de légitimité, Sport/Foot Magazine enfile les gants de jardinage pour raconter quelques-unes des roses les moins connues du parterre auriverde. Même dans l’heure 48 de documentaire Netflix récemment consacrée à l’idole du Brésil, vous n’en entendrez sans doute pas parler. Document unique.

Les larmes de Cristiano n'y changeront rien. Les bons comptes font les bons amis.
Les larmes de Cristiano n’y changeront rien. Les bons comptes font les bons amis.© belga

Une panenka pour tromper Bilé

La scène doit s’être produite sur la plupart des terrains de football de la planète. Dondinho, joueur de Vasco da Gama, emmène son rejeton à l’entraînement pour permettre à sa mère de faire les poussières – on est en 1943, pas encore de débats sur l’écriture inclusive au menu. Le petit Edson, tout juste trois ans, frappe péniblement dans un ballon qui semble plus lourd que lui, et suscite les rires gras de Bilé, dernier rempart du Vascão.

Le gardien fanfaronne devant ses coéquipiers, et enlève ses gants en proposant au gamin de Dondinho de tenter de lui mettre un but depuis la ligne des six mètres. Edson entame sa course d’élan, envoie Bilé à terre d’une feinte de frappe et invente la Panenka, cinq ans avant la naissance d’Antonin. De retour à la maison, le mioche sort une ardoise et y fait une première croix (oui, les prodiges écrivent déjà à trois ans). Le compteur est lancé.

La main de Dieu et les gants du Pape

Né le 23 octobre 1940, Edson Arantes do Nascimento dit Pelé a connu sept papes, mais aucun ne l’aura autant marqué que Jean Paul II. De l’ancien archevêque de Cracovie, le Brésilien partageait deux passions. Les bondieuseries et le football. Comme le prédécesseur de Benoit XVI, ancien gardien de but émérite, le Brésilien a longtemps collectionné les crucifix, mais à l’inverse du 264e pape de l’Église catholique reconnu pour ses arrêts réflexes à même la ligne, O Rei aimait empiler les buts. Fun fact, de ses « mille réalisations », il se dit que celle dont il serait le plus fier serait aussi litigieuse, parce qu’inscrite de la main à Karol Wojtyla le 18 mars 1978 lors de la première rencontre entre les deux hommes en mondovision. Encore vexée 43 ans plus tard de l’humiliation infligée à son idole, Christine Boutin aura ces mots au moment de revenir récemment sur la phase de jeu polémique face au triple champion du monde brésilien: « N’avez-vous pas honte d’avoir infligé ça mon ami Jean-Paul ? Parce que vous, qu’avez-vous fait pour stopper les désastres? Jesus nous laisse libres et c’est un énorme cadeau. Ce but, ce n’est que le résultat que de vos lâchetés, de vos négligences, de votre paresse. » C’est dur, mais ça ne siffle pas. Jouez.

Benoit XVI n'a jamais pris de but de Pelé. La fameuse école des gardiens allemands, sans doute.
Benoit XVI n’a jamais pris de but de Pelé. La fameuse école des gardiens allemands, sans doute.© belga

Un nonuplé face à des U12 à la Maison-Blanche

De ses propres dires, aux moins quatre cents buts (notamment ceux de ses débuts) n’ont pas été filmés. Alors, quand les projecteurs se sont braqués sur lui une fois sa carrière officielle terminée, Pelé n’a jamais manqué d’équilibrer son livret de stats. Ainsi, quand il rend visite à Ronald Reagan dans les jardins de la Maison-Blanche, comme il l’avait déjà fait précédemment avec Richard Nixon, Gerald Ford ou Jimmy Carter, le petit-fils d’esclave ne fait pas que prêter son image de gendre idéal à un président habitué à côtoyer le gratin bling bling d’Hollywood, il en profite aussi pour mettre la misère à une quinzaine de gamins. Pelé n’a pas plus de couleur politique que de respect pour la jeune génération. Alors, ce 14 octobre 1982, dans la roseraie de la Maison-Blanche, le Roi sort le boulier compteur et prie quinze U12 de jouer les utilités. Après six minutes, le score est déjà de 9-0 en faveur du soliste. Gêné par la tournure des évènements, c’est le président Reagan lui-même qui demandera à la vedette brésilienne de remettre le matériel humain en place.

Plage, volley, ciseau

Comme tout Brésilien qui se respecte, Pelé passe l’essentiel de ses étés sur les plages paradisiaques de Rio de Janeiro, un ballon au bout du pied et des ficelles au coin des yeux. Avec trois amis, il profite des beaux restes de sa quarantaine pour un foot tennis à deux contre deux avec Copacapana en panorama. À l’heure de sauver une balle de match, le Roi sort les grands moyens sur une frappe qui semble aller se loger dans le coin du rectangle ensablé, et dégaine un ciseau désespéré pour tenter de maintenir le match en vie. La gonfle surmonte le filet, mais aussi les limites du terrain pour finir sa course entre deux parasols, plantés sur la plage pour servir d’abri face au soleil de plomb. Par un heureux hasard, il s’avère que la distance entre les deux avoisine les sept mètres. Suffisant pour consoler le triple champion du monde de cette défaite, quand il constate avec plaisir le regard approbateur de ses trois amis. Pelé se rue vers son sac banane, en sort un vieux carnet et un bic, et ajoute soigneusement une croix à son compteur.

Les jumeaux et l’opportunisme

S’il a moins souvent fait chavirer les coeurs face à l’autel qu’aux filets, Pelé n’a pas oublié d’alimenter les pages des journaux people au crépuscule de sa carrière. Au mitan des années nonante, son union avec la chanteuse de gospel Assiria Lemos Seixas lui permet de regoûter aux joies de la paternité assumée avec la naissance de Joshua et Céleste.

L’avantage des jumeaux, c’est surtout d’être deux. Comme les poteaux. Opportuniste comme à ses plus belles heures sur le pré, Pelé profite d’un après-midi ensoleillé lors duquel sa moitié répète ses vocalises et d’un passage de la nounou par les toilettes pour disposer Joshua et Céleste à quelques mètres l’un de l’autre dans l’immense jardin familial, s’emparer d’un ballon qui traîne forcément à proximité, et le glisser soigneusement entre ses deux progénitures. La tentative de doublé, perturbée par le retour trop rapide de la nounou, échoue malheureusement sur le poteau. C’est dur de vieillir.

Pelé se marie avec Assiria Seixas Lemos, devant 600 personnes à Recife
Pelé se marie avec Assiria Seixas Lemos, devant 600 personnes à Recife© belga

Petit Pelé, l’héritier bien tombé

8 février 2009, un jeune inconnu de 21 ans monte au jeu pour le Sporting de Charleroi après 63 minutes à la place de Geoffrey Mujangi Bia sur la pelouse du Cercle de Bruges. Les hommes de John Collins sont une fois de plus à la rue, mais trouvent ce soir-là en Petit Pelé Mboyo leur sauveur d’un soir. Au bout d’un exploit individuel de toute beauté ponctué avec sang-froid face à Bram Verbist, « Pelé » s’offre son premier but en pro et le point du nul à ses couleurs. Il n’y a pas de petit profit. Il n’y a pas non plus d’homonyme tout claqué. Le « vrai » Pelé ne le sait que trop bien et rajoute une barre à son compteur but.

Un petit coup de pub

Chez Louis Vuitton, on aime voir les choses en grand. À l’approche de la Coupe du monde 2010 en Afrique du sud, la maison française rassemble Pelé, Diego Maradona et Zinedine Zidane autour d’un baby-foot. Avec plus de crucifix autour du cou que de Mondiaux au palmarès, l’Argentin annonce un duel entre l’enfant des quartiers de Marseille et le génie brésilien. La suite est floue. Des gros plans sur la balle, les joueurs, les mains et les visages. On perçoit quelques cris, l’esquisse d’un sourire, et la poignée de main finale est plus enjouée côté auriverde. Les signes d’un succès?

Sur son lit de mort, Diego Maradona aurait fini par cracher le morceau sur l’un des plus grands mystères des années dix. Le mythique numéro 10 argentin, toujours très rigoureux avec le règlement, a refusé à Zizou un but marqué avec ses milieux de terrain à cause d’une moulinette, mais n’a rien pu faire pour contester la frappe de Pelé, arrivée au fond des filets via les talons du gardien du camp français. « Quand Pelé a sorti son carnet, je lui ai d’abord dit que c’était un but contre son camp. Mais je dois être honnête: le but lui revient », aurait lâché El Diez dans son dernier soupir. De toute façon, O Rei n’avait pas attendu l’aval de Dieu pour s’accorder une rose supplémentaire.

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La cour des grands

Tous les yeux du monde sont braqués sur le Brésil, centre de la planète foot au coeur de l’été 2014. Pancarte publicitaire géante, le seigneur Edson prend évidemment sa part de projecteurs. Dans les ruelles étroites de la favela de Jacarezinho, à Rio De Janeiro, le triple champion du monde inaugure du terrain de football, dessiné juste à côté d’une école.

Jamais lassé d’humilier des gamins encore incapables de compter deux par deux, Pelé invite trois bambins pas encore sortis de la maternelle à venir tâter le ballon en sa compagnie. Un peu présomptueux, car ses 74 berges l’empêchent de monopoliser le cuir, et le jeu en perte de balle n’a jamais été son fort. Malin, O Rei laisse l’insolent trio faire trembler ses filets, et profite de leur joie commune pour envoyer le ballon entre les perches, à l’autre bout du terrain. Les enfants ont la mine circonspecte de ceux qui se sentent floués, mais n’osent pas contester l’égalisation. L’avantage d’être une légende.

Le jeu de la statue

Icône mondiale, Pelé dissémine des lieux de culte aux quatre coins de la planète. Au coeur des années dix, la ville de Luhansk, à l’extrême-est de l’Ukraine, inaugure le Pele Museum. Devant la façade, peinte dans un immanquable vert qui rappelle la couleur dominante du drapeau brésilien, les visiteurs prennent la pose devant l’imposante statue de bronze qui représente le mythique numéro 10 auriverde. Forcément, certains viennent sur les lieux avec leur ballon.

Le petit Oleg est l’un de ceux-là. Malgré les nombreuses recommandations de son père, qui s’inquiète des dégâts qu’il pourrait occasionner dans un lieu aux allures sacrées, l’impertinent décoche un dégagement spectaculaire, qui s’en va frapper de plein fouet le sommet de la statue. Loin d’être Peter Shilton à l’heure de se servir de ses mains, le paternel est malheureusement incapable de dominer le rebond, qui échoue entre ses jambes et hors de sa portée. Averti dans un e-mail rédigé à grands renforts descriptifs par le propriétaire des lieux, Pelé ne néglige pas l’offrande. Après tout, cette statue était vraiment très ressemblante.

Les complices de Pelé prennent la pose avec l'idole
Les complices de Pelé prennent la pose avec l’idole© belga

Un chien au Zoute

Quand le temps libre s’allonge, il faut parfois pouvoir le tuer. Confiné dans sa villa de Knokke avec son chien pour seule compagnie au printemps dernier, Michel Preud’homme finit par céder à la tentation d’une petite partie de football dans le jardin avec son ami à quatre pattes. Le jeu de jambes du Cavalier King Charles vient rapidement à bout de l’énergie de l’ancien portier, qui a enfilé ses gants de jardinage pour l’occasion.

À soixante-deux ans, l’ancien meilleur gardien du monde n’a évidemment plus ses réflexes d’antan. Les dribbles déroutants du chien finissent par mettre MPH sur les genoux, et c’est donc sans opposition que le canidé pousse la balle du museau contre la porte du chalet de jardin, préalablement désigné comme but de fortune. « Bien joué, Pelé », concède celui qui vient tout juste d’annoncer sa décision de lâcher les rênes du banc rouche. Des félicitations qui ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. De passage au Zoute, pour profiter du soleil printanier de la Côte belge et de la quiétude relative de la « place M’as-tu vu », O Rei ajoute un 1283e but à son boulier compteur. Sans doute pas le dernier.

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