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L’Équateur ou le Chili à la Coupe du monde ? Le contexte de l’affaire Byron Castillo

Enrico Castro Montes
Enrico Castro Montes Etudiant en doctorat d'histoire à la KU Leuven.

La possible usurpation d’identité de Byron Castillo ravive la rivalité entre l’Équateur et le Chili. Ce n’est pas nouveau dans l’histoire du football. Lors des matchs de qualification pour la Coupe du monde de 1966, un incident similaire avait déjà eu lieu entre les deux pays.

Il y a une semaine, un journaliste colombien a affirmé sur une radio nationale qu’il existait des preuves légales que Byron Castillo, défenseur latéral droit de l’équipe nationale équatorienne, est en réalité colombien et a trois ans de plus que ce qu’il prétend. La Fédération chilienne de football a alors décidé de porter officiellement plainte auprès de la FIFA.

L’avocat brésilien Eduardo Carlezzo, mandaté par la Fédération chilienne de football, affirme disposer de preuves solides affirmant que Castillo est né en Colombie et que l’usurpation d’identité était connue de la Fédération équatorienne de football. Si tel est le cas, l’Équateur perdrait les matches dans lesquels Castillo a joué. Cela permettrait au Chili, qui n’a terminé que septième des qualifications sud-américaines pour la Coupe du monde au Qatar, de faire un bond à la quatrième place du classement et de reprendre ainsi à l’Équateur le dernier billet direct qualificatif de la zone sud-américaine pour la Coupe du monde 2022.

Infestations d’insectes et côtes cassées

Ce n’est pas la première fois qu’une polémique a lieu entre le Chili et l’Equateur pour une place à la Coupe du Monde. Lors des éliminatoires de l’édition 1966 en Angleterre, le Chili, la Colombie et l’Équateur se trouvaient dans un groupe de qualification pour obtenir un billet pour ce Mondial. Après deux victoires contre la Colombie, l’Équateur est en tête, suivi du Chili qui a gagné une fois et perdu une fois contre la Colombie. Un duel entre les deux pays doit décider de la victoire du groupe. Ce match sera rempli d’incidents.

Avant le premier match, le Chili s’est plaint d’une prétendue infestation d’insectes à Guayaquil, la grande ville portuaire de la côte équatorienne où se déroulait le match. Ce dernier a été très difficile. Selon la presse sportive équatorienne de l’époque, le gardien de but de La Tri a souffert de trois côtes cassées et d’un poumon affaissé, suite à une charge intentionnelle et violente d’un agressif attaquant chilien. L’arbitre brésilien n’a pas non plus sifflé un penalty évident lorsqu’un Chilien a déchiré le maillot du meilleur joueur équatorien, Jorge « El Pibe » Bolaños. Cette manche aller s’est soldé par un partage 2-2 et l’Équateur s’est incliné lors du retour au Chili 3-1. Les deux pays se retrouvaient donc à égalité de points et un match sur terrain neutre à Lima (Pérou) devait décider de l’attribution du billet pour la Coupe du monde 1966.

Un jour avant le départ de l’équipe nationale équatorienne, le Chili a déposé une plainte similaire à celle qu’il a déposée la semaine dernière pour Byron Castillo. La Fédération chilienne de football affirmait qu’Alberto Spencer, le meilleur joueur de l’Équateur à l’époque, possédait la nationalité uruguayenne. Spencer est né à Ancón, une ville située sur la côte équatorienne. Sa mère était équatorienne, mais son père était originaire de la Barbade et était arrivé en Équateur comme ouvrier colonial par les Britanniques de la société Oilfields. Le père d’Alberto Spencer a aussi joué dans l’un des meilleurs clubs d’Uruguay, Peñarol. Il avait aussi joué à quelques reprises pour l’équipe nationale uruguayenne, mais seulement des rencontres d’entraînement. Les autorités compétentes ont donc ignoré la plainte. L’Équateur a finalement perdu le match décisif 2-1 et le Chili a pu à participer au Mondial anglais.

Afro-équatoriens

En plus des querelles juridiques, les deux histoires comportent également une composante ethnique. Byron Castillo et Alberto Spencer sont tous deux Afro-Équatoriens, un groupe qui ne représente que 5 % de la population. Pourtant, depuis les années 1990, ils composent en grande majorité le noyau de la sélection nationale. Cette situation a également suscité une controverse lors de la Coupe du monde 2002, lorsqu’ Hugo « El Loco » Gatti, un ancien gardien de but et populaire animateur d’un talk-show consacré au football argentin et ancien gardien de but, a demandé une enquête de la FIFA parce que l’Équateur aurait aligné une équipe de « Nigérians nationalisés ».

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null© iStock

La forte représentation de joueurs noirs dans l’équipe nationale équatorienne ne correspond pas à l’image que les étrangers, et certainement une grande partie de la population locale, se font de leurs représentants nationaux. La plupart des gens considèrent que l’Équateur est un pays comptant une importante population indigène et métisse (mélange de racines espagnoles et indigènes). Les pays voisins ont tendance à soupçonner rapidement l’équipe nationale équatorienne de naturaliser des joueurs noirs, comme on a pu le voir dans les cas de Spencer et Castillo.

Coupe du monde des moins de 17 ans

La Fédération équatorienne de football (FEF) dément cependant catégoriquement les accusations actuelles du Chili. La FEF a mené une enquête en 2019 après que des doutes aient été émis sur la nationalité du joueur. Après tout, Castillo a été formé au Club Norte América qui fut sanctionné en 2018 pour plusieurs cas d’usurpation d’identité. De plus, la mère de Byron Castillo est colombienne. Comme Alberto Spencer, il a donc aussi un parent étranger.

Byron Castillo lors de la Coupe du monde U17.
Byron Castillo lors de la Coupe du monde U17.© iStock

La confusion proviendrait finalement de l’acte de naissance de son frère décédé. Bayron (avec A) Javier est né en 1995 à Tumaco, une ville située sur la côte pacifique de la Colombie, près de la frontière de l’Équateur. Le certificat de naissance de l’international équatorien, daté de 1998, indique Byron (sans A) et un autre deuxième prénom (David). Pour jouer la sécurité, le sélectionneur national n’a néanmoins pas retenu Byron Castillo pour les matches éliminatoires de 2021. La procédure judiciaire s’est finalement achevée plus tard en 2021 et a confirmé que Castillo était né dans le canton de Playas, une ville de la côte équatorienne. La FEF est donc pleinement convaincue que tout est en règle.

De plus, Castillo a déjà joué pour La Tri en 2015 lors de la Coupe du monde U17 au Chili. Cette participation à un tournoi officiel de la FIFA validée par la FIFA, il semble désormais peu probable qu’elle intervienne dans ce cas et empêche l’Équateur de participer au Mondial au Qatar.

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