Le football américain dans la tourmente : le sélectionneur national est renvoyé après des allégations de la famille d’un joueur star

La Coupe du monde laissera un arrière-goût amer dans la bouche de la sélection nationale américaine. Après des allégations de violence domestique, l’entraîneur fédéral Gregg Berhalter a été démis de ses fonctions. Et la famille d’un grand talent déçu n’est pas étrangère à cette polémique.

La sélection américaine s’était rendue à la Coupe du monde au Qatar avec un objectif clair. Cette très jeune souhaitait montrer au monde entier qu’elle était déjà prête en vue de l’édition 2026 qui se déroulerait sur ses terres, mais aussi au Canada et au Mexique. Hors de question pour le pays qui avait déjà organisé le tournoi en 1994 de réaliser un parcours plus mauvais que celui du Qatar cette année.

Pour les Américains, ce périple au Qatar a plutôt été un succès. Après avoir pratiqué un football parfois époustouflant en phase de groupe, l’USNT a terminé à la deuxième place de sa poule et a pu valider son billet pour les 1/8 de finale, où les Pays-Bas se seront avérés bien trop malins pour elle. L’équipe est donc rentré au pays la tête haute, mais l’euphorie et le calme auront été de (très) courte durée. Après que le sélectionneur national Gregg Berhalter, lors d’un séminaire sur le leadership responsable organisé le 11 décembre, soit huit jours après l’élimination de la Coupe du monde, ait ciblé « un joueur » de l’équipe, qui, selon lui, se montrait trop peu concerné à l’entraînement, c’est un petit séisme qui a secoué le pays du soccer.

Lors de ce séminaire, Berhalter a déclaré ceci : « Nous avons eu un joueur qui n’a clairement pas répondu à nos attentes. Tant sur le terrain qu’en dehors. Nous avons passé des heures à débattre de ce qu’il fallait faire avec lui. On a même envisagé de le renvoyer chez lui tellement son comportement posait question ».

Très vite, les médias ont découvert que l’élément concerné par ses propos était était Giovanni Reyna. Le milieu offensif de Dortmund aurait fait preuve d’un « manque d’engagement choquant » lors des séances d’entraînement, ce qui aurait énormément agacé ses partenaires. Cela explique donc pourquoi Reyna, malgré ses belles performances en Allemagne, n’a pratiquement pas eu de temps de jeu dans le Moyen Orient. Il a fallu attendre les dix dernières minutes du 1/8e de finale contre les Oranje pour le voir fouler la pelouse sous le tricot américain.

Les rumeurs se sont avérées peu de temps après. C’est Reyna lui-même qui a publié un poste sur son compte Instagram. « Juste avant la Coupe du monde, l’entraîneur m’a dit que je ne devais pas espérer beaucoup de temps de jeu au Qatar. J’étais dévasté. Je reconnais totalement avoir laissé mes émotions prendre le dessus et qu’elles ont influencé négativement mon comportement à l’entraînement pendant quelques jours. Je me suis excusé auprès de mes coéquipiers et de mon entraîneur pour cela, et on m’a dit que j’étais pardonné », a écrit le joueur du Borussia Dortmund.

Giovanni en action avec les Etats-Unis lors du 1/8e de finale contre les Pays-Bas. Il n’aura joué que 10 minutes dans ce match, ses seules de la Coupe du monde. (Photo by John Dorton/ISI Photos/Getty Images) © belgaimage

Violence domestique

Mais la polémique ne s’est pas arrêté avec cette publication et cette mise au point de Gio Reyna. Toujours le même jour, le 11 décembre, quelqu’un s’est adressé à la Fédération américaine de football en portant de graves accusations contre le sélectionneur national. Et pas des moindres, puisque Berhalter se serait rendu coupable de violences domestiques. L’histoire est restée secrète au sein de la fédération jusqu’au début de cette semaine. Mardi, l’entraîneur lui-même a répondu à ces allégations. Il a confirmé l’histoire selon laquelle, en 1991, alors qu’il avait 18 ans et qu’il était en première année à l’université de Caroline du Nord, il avait donné un coup de pied à sa femme Rosalind, après une dispute dans un bar. « En 1991, Rosalind et moi sortions ensemble depuis quatre mois. Quand nous sommes allés prendre un verre dans un pub, une dispute a suivi. Elle s’est poursuivieà l’extérieur. Là, c’est devenu physique et je lui ai donné un coup de pied dans les jambes », a admis celui qui avait été sélectionné à 44 reprises pour son pays quand il était encore joueur.

« C’était un moment embarrassant que je regrette encore aujourd’hui », poursuit Berhalter. « Les leçons que j’ai apprises de cette nuit sont devenues les fondements d’une relation d’amour, d’engagement et de soutien », a poursuivi Berhalter. Après l’incident, le couple s’est séparé pendant sept mois avant de se retrouver. Depuis, ils sont mariés depuis 25 ans et ont eu quatre enfants ensemble. Ils venaient de célébrer ce quart de siècle à deux pas plus tard que le week-end dernier. Pas vraiment dans l’ambiance qu’ils auraient rêvée.

Des règlements de compte entre anciens coéquipiers

On pouvait déjà sentir, au vu du timing, que le moment pour porter ces accusations n’était pas une coïncidence. La personne derrière toute cette histoire est la… mère de Giovanni Reyna, Danielle. Les Berhalter et les Reyna se connaissent depuis longtemps. Le père Claudio était d’ailleurs le capitaine de l’équipe nationale américaine à la Coupe du monde 2002 et le coéquipier de Gregg Berhalter entre 1994 et 2006. Danielle Reyna et l’épouse de Berhalter étaient colocataires et meilleures amies lorsqu’elles étaient à l’université.

Danielle a même fait une déclaration cette semaine, admettant qu’elle avait « balancé » Gregg Berhalter à la Fédération américaine de football. « Après ses déclarations sous-entendues sur mon fils, j’ai appelé Earnie Stewart (directeur sportif de US Soccer et lui aussi ancien coéquipier en équipe nationale de Gregg Berhalter). Je lui ai dit que nous étions choqués et que nous nous sentions même trahis par Gregg Berhalter. J’étais furieux de la manière dont il avait jeté Giovanni en pâture. Alors que nous le considérions comme un ami. J’ai dit au président de la fédération américaine qu’il était injuste que Gio soit traîné dans la boue alors qu’il s’était déjà excusé pour son comportement devant le groupe et le staff. Gregg demande maintenant le pardon pour des actes qu’il a commis au même âge mais qui étaient bien pires que ceux de mon fils », a tenté de se défendre Danielle Reyna.

Gregg Berhalter (3e en haut en partant de la gauche) a été le coéquipier de Claudio Reyna (capitaine avec le numéro 10 et premier en partant de la gauche) (Photo by PASCAL GUYOT/AFP via Getty Images)

« La violence de Berhalter est minimisée », poursuit Danielle. « A cette époque, j’étais la colocataire et la meilleure amie de Rosalind. Il m’a donc fallu beaucoup de temps pour lui pardonner, mais j’ai fini par y arriver. Je m’attendais donc à ce qu’il traite Giovanni avec la même dignité. Alors ça m’a encore plus blessé de voir que ce n’était pas le cas », a-t-elle encore affirmé.

Du chantage ?

Dès la fin de la Coupe du monde, le père Claudio Reyna serait allé voir la Fédération de football pour dire qu’il avait des informations compromettantes à donner sur le sélectionneur national. « A-t-on fait chanter Berhalter pour qu’il accorde plus de temps de jeu à Giovanni ? Non, il ne s’agit pas de ça », se défend Danielle. « Je ne voulais pas qu’il soit licencié et je ne l’ai pas menacé. Je n’ai rien à dire sur des tentatives de chantage. Je regrette que cette information soit devenue publique et je regrette d’avoir joué un rôle dans l’ouverture de ces blessures du passé », a encore déclaré la mère du jeune joueur du Borussia Dortmund.

Entre-temps, le mal est fait et Gregg Berhalter a été (temporairement) démis de son poste de sélectionneur des Etats-Unis. C’est son adjoint Anthony Hudson qui assurera le stage d’entraînement de janvier lors duquel se dérouleront des joutes amicales contre la Serbie (le 25/1) et la Colombie (le 28/1). Comment vont s’arranger les choses avec Greg Berhalter, dont le contrat a effectivement expiré le 31 décembre, mais qui aurait en principe dû prolonger son bail à la tête de l’US National Team. Quant à Giovanni Reyna, pas sûr que cette polémique aura renforcé sa popularité dans le vestiaire. On n’a en tout cas pas encore écrit le dernier chapitre de ce mauvais épisode de soap opéra.

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