Le foot international d’en-bas: San Marino et sans victoire

Le rideau s’est baissé sur la Coupe du monde depuis ce dimanche. Pendant cette dernière, certaines nations absentes en ont profité pour disputer des joutes amicales pour garder le rythme. C’est notamment le cas de quelques petits poucets, parmi lesquels Saint-Marin. La Sérénissime République avait disputé en novembre dernier ses deux premières rencontres hors-Europe de son histoire. Avec pour ambition de retrouver le goût d’une victoire qui lui échappe depuis… avril 2004. Raté.

Alors que l’Assemblée Nationale française s’embrase suite aux propos de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, qui a accusé la gauche d’avoir donné une réputation d’antisémitisme à l’Hexagone, l’heure est à la fête ce 28 avril 2004 du côté de Serravalle, localité d’un peu plus de 10 000 âmes, où se situe le petit stade national de Saint-Marin.

Le nom d’Andy Selva ne vous dit probablement rien et pourtant, vous pourriez le connaître si vous avez suivi notre équipe nationale au début du siècle. Cet attaquant né à Rome a trainé sa bosse au sein des divisions inférieures italiennes, où les clubs les plus connus dont il a porté la liquette sont SPAL ou Hellas Verone. International du miniscule état enclavé entre l’Emilie-Romagne et les Marches, il en a défendu les couleurs à 74 reprises, au cours desquels il a fait trembler les filets à 8 reprises. C’est le record de la sélection, bien loin des 98 buts internationaux de Lionel Messi. Mais surtout, par trois fois, Selva a trouvé la faille contre… la Belgique, soit 37,5% de sa production.

Son tout premier goal contre notre pays était d’ailleurs un splendide coup franc lors d’une lourde défaite 10-1 au stade Roi Baudouin, le 28 février 2001. « Les Diables rouges avaient quelque chose à se faire pardonner après leur Euro raté à domicile et nous en avons fait les frais. J’ai même reçu une attention de la part de la Fédération Belge : une plaque du match et un essuie », racontait-il à Gazet van Antwerpen le 6 septembre 2019.

Andy Selva a marqué 3 de ses 8 buts internationaux contre la Belgique. Il est surtout l’unique buteur de la seule victoire de l’histoire de son pays. (Photo credit should read GIUSEPPE CACACE/AFP via Getty Images)

Quelques mois après ce but, Selva remettait le couvert pour la venue des Diables dans la Sérénissime République. Il répondait à l’ouverture du score de Marc Wilmots avant que ce dernier ne plante une deuxième rose qui lancera les nôtres vers un succès plus facile, ponctués par deux autres buts signés Gert Verheyen et Wesley Sonck.

Quatre ans plus tard, Selva retrouve ses victimes préférées belges à Serravalle et répond au premier but signé Timmy Simons sur pénalty. Pourtant, en face de lui, il doit se frotter à deux défenseurs centraux de renom. « Lors de ce dernier duel international contre vous, j’étais opposé à Vincent Kompany et Daniel Van Buyten. Ils étaient deux défenseurs de classe mondiale et j’ai pu jouer contre eux. Et j’ai marqué en plus ! Ces gars me respectaient », racontait encore l’attaquant né à Rome dans les colonnes de Gazet van Antwerpen. Ces trois buts de Selva sont d’ailleurs les seuls de la Sérénissime au cours des huit duels qu’elle a livrées contre les nôtres.

Le couronnement national de Selva ne remonte cependant pas à ses performances contre les Diables rouges mais à ce 28 avril 2004. Le duel des « petits » du Vieux Continent entre Saint-Marin et le Liechtenstein est à peine lancé depuis 5 minutes quand l’attaquant, qui évolue alors à SPAL, ouvre le score. Ce sera la seule réalisation de la rencontre et un jour historique pour Saint-Marin. La plus ancienne république du monde (de manière continue du moins) s’offrait ainsi la toute première victoire de son histoire footballistique. Giampaolo Mazza reste donc le seul sélectionneur à avoir connu ce goût si particulier, même si son mandat, riche de 85 matches (le plus long de l’histoire du pays), compte surtout 82 revers.

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Il faut dire que dans cet état de poche, d’une superficie de 62 kilomètres carrés et, qui est à peine plus grand qu’un point sur la carte de l’Italie, le football n’est pas vraiment professionnalisé. Le vivier n’est naturellement pas celui de la France avec une population totale de 33000 habitants, dont 5500 étrangers majoritairement italiens. La quasi totalité l’effectif est composée de personnes qui enchaînent une journée de travail parfois complète avant de défier, dans la soirée, certaines stars du football européen. Un parfum que l’on peut retrouver de temps à autre dans des premiers tours de coupes nationales, mais qui est donc plus régulier pour les Saint-Marinais. Des rencontres et des duels atypiques qui doivent soulager quelque peu les locaux au moment de relativiser les défaites à répétition qu’ils essuient depuis de leur adhésion à l’UEFA en 1988.

184 défaites et une première hors Europe peu concluante

Il est évident que cette dernière est la zone footballistique la plus relevée à l’échelle mondiale et qu’il n’est pas évident pour des amateurs de s’imposer contre des nations plus structurées et professionnalisées. Surtout que vu le statut de ses joueurs, la Sérénissime n’a pas vraiment l’occasion de voyager sur d’autres continents pour affronter des adversaires qui pourraient être plus à leur portée.

La réalité chiffrée est là, cruelle et implacable : 193 matches, 1 seule victoire, 8 partages,184 défaites et une peu envieuse lanterne rouge au classement FIFA qui compte pourtant 211 nations. Depuis ce succès contre le Liechtenstein, ils ont traversé comme des ombres 127 matches sans connaître à nouveau la même ivresse. Un bilan de zéros du gazon comme on en voit parfois dans les équipes réserves du dernier niveau provincial. Et encore.

Pourtant, il y a eu du mieux récemment grâce à l’internationalisation du calendrier pour le dernier de classe du monde du ballon rond. Lors de la réception des Seychelles, le 21 septembre dernier, Saint-Marin a mis un terme à sa série de 18 défaites de rang, sans parvenir cependant à remporter le deuxième duel de son histoire (0-0). Le 17 novembre, c’est un très long déplacement à Sainte-Lucie, un état insulaire des Antilles bordé par la mer des Caraïbes, qui attendait les joueurs de Saint-Marin. Des rencontres à la saveur particulière puisqu’il s’agissait des toutes premières disputées hors de la zone Europe pour les joueurs de la Sérénissime. Mais pas question pour autant de prendre des vacances. Face à un adversaire plus à sa portée, Saint-Marin devait enfin vaincre le signe indien. Mais, il ne fallait pas pour autant sous-estimer une Sainte-Lucie qui restait sur deux succès, contre la… Dominique et Anguilla. Ce dernier, miniscule archipel se trouvant aussi dans les Caraïbes, devance justement les Saint-Marinais au classement de la FIFA.

Et le bilan final de ce périple au milieu de la mer des Caraïbes se sera soldé par un partage arraché dans les arrêts de jeu et une défaite. Lors du premier choc entre Sainte et Saint, Lorenzo Lazzari a sauvé les meubles pour les siens après le but d’ouverture signé du bien nommé Donovan Jn Baptiste. Le dimanche suivant, c’est un pénalty de Kurt Frederick qui ajoutera un nouveau revers à la besace déjà bien remplie en la matière de la Sérénissime. Des performances qui n’ont guère intéressé la presse locale qui a à peine relaté ce duel de mal lotis entre la 172e nation au ranking FIFA et la lanterne rouge.

A moins que d’autres joutes amicales soient programmées d’ici là, Saint-Marin commencera son parcours qualificatif pour le prochain Euro avec la réception de l’Irlande du Nord le 23 mars prochain. Pas vraiment l’adversaire qui laisse entrevoir une chance de l’emporter. A l’exception du Danemark, qui reste quand même lauréat du championnat d’Europe en 1992 et demi-finaliste de la dernière édition, les autres adversaires du groupe ne sont pas les pays les plus redoutés du Vieux Continent: Finlande, Slovénie, Kazakhstan. Mais les Saint-Marinais seraient certainement déjà contents de prendre un point au cours de cette campagne. Leur dernier partage dans le cadre d’éliminatoires pour l’Euro remonte à plus de 8 ans, quand ils avaient contraints l’Estonie à un triste 0-0 dans un stade de Sarravale probablement aux anges. Du moins pour les rares spectateurs qui peuplent encore les quelques 5000 places de l’enceinte bordée par une piste d’athlétisme qui ne contribue pas à créer une chaude ambiance.

Une raclée 13-0 contre l’Allemagne mais un but très rapide contre l’Angleterre

L’histoire du pays est donc remplie de quelques raclées de minimum dix buts. La Belgique fait partie des sept équipes qui y sont parvenues, alors que le record du plus large succès appartient à l’Allemagne (13-0, le 6 septembre 2006).

Paradoxalement, si Saint-Marin marque peu, Saint-Marin marque vite. Le 17 novembre 1993, le micro-Etat avait fait trembler les filets après seulement 8,3 secondes contre les Anglais. Si les Three Lions répondront à l’affront signé Davide Gualtieri en enfilant ensuite sept buts au gardien saint-marinais, c’était le signe annonciateur d’une équipe qui n’allait pas être en mesure de décrocher son billet qualificatif pour la Coupe du monde disputée chez le cousin américain. « Le coach nous avait bien dit de jouer de suite le premier ballon, d’attaquer, car on aurait très peu d’opportunités durant le match. D’ailleurs, la façon dont l’action se développe ne laisse place à aucun doute. Ce but n’est pas juste un coup de chance », tenait à préciser le héros de sa soirée lorsqu’il sera retrouvé par So Foot en 2015.

Parmi les souvenirs de cette modeste carrière internationale qui ne compte que 9 appels sous les couleurs nationales, l’attaquant a conservé le maillot rouge floqué du numéro 3 de Stuart Pearce, le défenseur anglais coupable d’une passe en retrait ratée sur le but saint-marinais. « Il a été très sympa à la fin du match, la colère lui était passée et on a pu s’échanger nos maillots», racontait celui qui fera d’ailleurs plusieurs fois l’objet de reportages des médias anglais comme la BBC ou le Times.

Pendant vingt-trois ans, Gualtieri et la Sérénissime ont donc possédé un record international qui leur sera finalement enlevé par la… Belgique. Le 10 octobre 2016, sur la pelouse de Gibraltar, Christian Benteke, dans le second maillot diabolique aux couleurs cyclistes, débloquait le compteur après seulement 7 secondes. Davide Gualtieri, désormais âgé de cinquante ans, perdait ainsi une bien belle histoire à raconter aux clients de son magasin spécialisé dans le matériel informatique.

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Dans les records négatifs, il y a aussi cette disette de buts entre octobre 2008 et août 2012 où Saint-Marin ne marquera pas pendant 20 matches. Cela constitue toujours un record européen.

Le 14 octobre 2020, Saint-Marin arrachait un partage sur un score nul et vierge sur le terrain du Liechtenstein. Un résultat qui permettait aux Saint-Marinais d’arrêter une hémorragie de 40 défaites consécutives. C’était aussi la première fois depuis avril 2001 que la Sérénissime ne s’inclinait pas hors de ses bases. Une performance réussie en rencontre officielle puisqu’il s’agissait d’une joute de Ligue des Nations. Il fallait à l’époque remonter au 15 novembre 2014 pour trouver trace d’un match sans défaite au bout du compte. Là encore un 0-0, contre l’Estonie à l’occasion des éliminatoires de l’Euro 2016. Deux équipes qui figuraient d’ailleurs dans le groupe de la Belgique. Ce résultat contre les Estoniens mettait déjà un terme à une série de 61 défaites d’affilée. Une loi des séries décidément tenace pour l’enclave perdue entre l’Emilie-Romagne et les Marches.

Sans oublier cette série de rencontres sans victoires dont le chiffre est désormais passé à 127, après la 184e défaite de l’histoire contre Sainte-Lucie. La statue d’Andy Selva à Serravalle attendra encore un peu avant d’être remplacée.

Un doublé contre son camp pour des jumeaux

Dans la petite république, l’on a vécu quelques histoires cocasses. Vu le faible nombre d’habitants, il fallait naturellement que deux jumeaux arrivent en même temps sous les couleurs nationales. Et qu’ils se distinguent au même moment. Evidemment, pas en marquant pour leurs couleurs mais contre… Aldo et Davide Simoncini jouent respectivement comme gardien et défenseur central du Micro-Etat. Le premier fut même gardien réserviste de Cesena lorsque le club évoluait en Serie A voici dix ans.

Le 7 septembre 2010, la Suède de Zlatan Ibrahimovic inflige un score de tennis (6-0) à Saint-Marin et l’actuel attaquant de l’AC Milan plante un doublé. Seuls les frères Simoncini feront aussi bien ensemble. Le défenseur trompe son gardien de frère à la 12e avant que ce dernier, ne rétablisse l’égalité de sa fratrie en réussissant à marquer contre son camp, chose assez rare pour un gardien, sauf boulette phénoménale. Quitte à écrire l’histoire du pays, autant utiliser tous les moyens possibles.

Le Polonais Lukasz Piszczek (gauche ) ) la lutte avec les jumeaux (ça se voit pas, c’est vrai) Davide Simoncini (centre) et Aldo Simoncini (droite), auteurs d’un doublé d’auto-buts contre la Suède en 2010. (Photo credit should read FILIPPO MONTEFORTE/AFP via Getty Images) © belga

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