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La polémique du stade aux couleurs arc-en-ciel embrase la planète foot…et politique

L’UEFA a défendu son point de vue mercredi tout en parant son logo Twitter d’un arc-en-ciel. Le président du club hongrois de Ferencvaros souhaite voir tous les stades du pays avec les couleurs nationales. Wijnaldum portera un brassard arc-en-ciel pour le 1/8e des Pays-Bas à… Budapest. Enfin, du côté des Diables rouges, Thomas Meunier est aussi revenu sur cette polémique qui assombrit les relations entre les pays européens et la Hongrie.

L’UEFA a défendu mercredi son refus de laisser le stade de Munich s’illuminer aux couleurs de la communauté LGBT pour recevoir la Hongrie, mais a paré sur Twitter son propre logo d’un arc-en-ciel en réaffirmant son « engagement ferme » contre l’homophobie.

Sous le feu des critiques depuis mardi, de la diplomatie allemande jusqu’à l’Elysée, l’instance européenne a assuré que sa décision n’était pas « politique », à la différence de la demande de la mairie de Munich destinée à protester contre une loi hongroise récente jugée discriminatoire envers les homosexuels. Cette requête était « liée à la présence de l’équipe de football de Hongrie dans le stade pour le match face à l’Allemagne », rappelle l’UEFA, alors que la rencontre doit boucler mercredi soir la phase de poules du tournoi tenu dans onze villes-hôtes de onze pays, dont Munich et Budapest.

UN ARC-EN-CIEL SUR LE LOGO MAIS PAS SUR LE STADE DE MUNICH

L’instance, qui compte 55 fédérations membres dans des pays aux paysages politiques variés, s’efforce de tenir les questions politiques à distance tout en affichant ses « valeurs » égalitaires, un équilibre dont l’affaire du stade de Munich a révélé la fragilité. « Pour l’UEFA, l’arc-en-ciel n’est pas un symbole politique, mais le signe de notre ferme engagement pour une société plus diverse et inclusive », affirme ainsi l’organisation dans un bref texte posté sur Twitter. L’instance a donc encerclé son logo des couleurs qu’elle refuse de voir arborées face aux Hongrois, estimant que l’arc-en-ciel « symbolise (ses) valeurs », soit « une société plus juste et égalitaire, tolérante de tous, peu importe leur histoire personnelle, croyances ou genre ».

La Hongrie a adopté mardi dernier un texte interdisant la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs, suscitant l’inquiétude des défenseurs des droits, alors que le gouvernement souverainiste de Viktor Orban multiplie les restrictions visant la communauté LGBT.

DES LIEUX STRATÉGIQUES DE MUNICH DÉCORÉS

Le refus de l’UEFA a déclenché un vaste mouvement de solidarité en Allemagne et la ville de Munich a prévu de pavoiser ses sites les plus emblématiques aux couleurs de la communauté LGTB mercredi soir. L’Hôtel de ville mais aussi une imposante éolienne visible du stade de l’Allianz Arena, où sera donné le coup d’envoi, devaient s’illuminer de manière similaire en soirée. La capitale bavaroise entend ainsi s’élever contre le vote mi-juin d’une loi en Hongrie, à l’initiative du parti souverainiste du Premier ministre Viktor Orban, interdisant la diffusion aux mineurs de contenus sur l’homosexualité notamment.

En Allemagne, plusieurs stades de Bundesliga vont aussi s’illuminer en signe de solidarité en soirée, de Francfort à Cologne, en passant par Wolfsburg, Augsbourg et le stade olympique de Berlin. Avant le match, les organisateurs de la marche des fiertés de Munich, associés à Amnesty International, prévoient de distribuer 11.000 drapeaux arc-en-ciel aux spectateurs (seules 14.000 places seront occupées, en raison des restrictions dues au Covid-19).

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MEUNIER: « JE PENSE QUE BEAUCOUP ONT PEUR DE SE MOUILLER »

Un brassard aux couleurs de l’arc-en-ciel se trouvait aux côtés de Thomas Meunier mercredi en conférence de presse. Logiquement interrogé sur le sujet, le Diable Rouge a été l’auteur d’une sortie dont il a le secret. « Nous sommes au 21e siècle, les idées moyenâgeuses ont fait leur temps. Il faut accepter les gens comme ils sont, c’est vraiment regrettable ce qu’il se passe », a dit le latéral droit.

« Du côté des personnes décisionnaires, certains ont des oeillères. Ce n’est pas afficher une pancarte « no to racism (non au racisme, ndlr) » sur les bords des terrains qui va changer. Il faut agir. Je pense que beaucoup ont peur de se mouiller. Pour moi, il est nécessaire de changer les choses. Tout le monde a le droit d’avoir ses idées, ses envies. Et il faut les respecter« , a ajouté Meunier en critiquant en filigranes l’UEFA.

L’Union belge de football (RBFA) a déployé un drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel au centre national du football à Tubize. La RBFA a publié une photo du drapeau sur les réseaux sociaux mardi.

La même initiative a été prise à Gand où le club local a paré son stade, la Ghelamco Arena aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Le capitaine néerlandais troquera son brassard jaune pour un aux couleurs de l'arc-en-ciel pour le match de 1/8e de finale des Pays-Bas à Budapest.
Le capitaine néerlandais troquera son brassard jaune pour un aux couleurs de l’arc-en-ciel pour le match de 1/8e de finale des Pays-Bas à Budapest.© iStock

WIJNALDUM AVEC UN BRASSARD ARC-EN-CIEL À BUDAPEST

Le capitaine des Pays-Bas Georginio Wijnaldum portera un brassard spécial avec le message « One Love » lorsque son équipe jouera son huitième de finale de l’Euro 2020 à Budapest dimanche, a déclaré mercredi la fédération néerlandaise.

« Nous sommes contre toute forme d’exclusion et de discrimination », a déclaré Wijnaldum dans un communiqué mercredi. « Nous espérons ainsi soutenir tous ceux qui se sentent discriminés partout dans le monde. »

LES STADES HONGROIS AUX COULEURS NATIONALES

Plusieurs clubs de football hongrois vont éclairer leur stade aux couleurs du drapeau national pendant le match de l’Euro Allemagne-Hongrie prévu mercredi soir à Munich, sur fond de querelle autour de lumières arc-en-ciel.

Par cette décision, l’instance européenne a déchaîné les critiques et suscité un mouvement de solidarité, une controverse désignée par les Allemands comme le « Rainbow-gate » (rainbow pour arc-en-ciel en anglais). Plusieurs sites emblématiques de Munich seront ainsi parés dans la soirée de couleurs symboliques, de même que plusieurs stades de Bundesliga dans le pays.

Kubatov, tout à gauche sur la photo est le vice-président du parti de Viktor Orban (au centre), mais aussi le président du Ferencvaros, l'un des clubs historiques de la Hongrie.
Kubatov, tout à gauche sur la photo est le vice-président du parti de Viktor Orban (au centre), mais aussi le président du Ferencvaros, l’un des clubs historiques de la Hongrie.© iStock

Gabor Kubatov, le président du plus grand club hongrois, Ferencvaros, a appelé à « colorer tous les stades en rouge-blanc-vert », dans un message publié mardi sur Facebook. Selon ce responsable, qui occupe également la vice-présidence du parti Fidesz de Viktor Orban, l’idée répond à une requête de leurs supporteurs ultras face aux « provocations » de Munich.

Parmi les autres clubs qui participent à cette initiative, figurent le MTK à Budapest ou encore Debrecen dans l’est du pays, tous deux liés à des politiciens du Fidesz. Une des annexes musicales de l’Opéra d’Etat de Budapest sera également éclairée. Le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto avait salué mardi « une bonne décision » de l’UEFA, qui a refusé de « participer à ce qui aurait été une provocation politique envers la Hongrie ». Le Premier ministre souverainiste Viktor Orban, qui a promis l’instauration d’une « nouvelle ère » culturelle illibérale, a durci au fil des ans la législation contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.

TREIZE ÉTATS MEMBRES DE L’UE MONTENT AU CRÉNEAU, LA COMMISSION FUSTIGE LA HONGRIE

Treize États membres de l’Union européenne ont dénoncé mardi, à l’initiative de la Belgique, l’adoption par la Hongrie de nouvelles dispositions légales discriminant les personnes LGBTQI, et ont exhorté la Commission européenne à saisir la Cour de justice de l’UE.

« Nous exprimons notre profonde inquiétude quant à l’adoption, par le Parlement hongrois, d’amendements discriminatoires à l’égard des personnes LGBTQI et violant le droit à la liberté d’expression sous prétexte de protéger les enfants », affirme cette déclaration initiée par la ministre belge des Affaires étrangères et européennes, Sophie Wilmès, pour le Benelux qu’elle préside actuellement. « Ces amendements à un certain nombre de lois hongroises (loi sur la protection de l’enfance, loi sur l’activité publicitaire des entreprises, loi sur les médias, loi sur la protection de la famille et loi sur l’éducation publique) introduisent une interdiction de la ‘représentation et de la promotion d’une identité de genre différente du sexe à la naissance, du changement de sexe et de l’homosexualité’ pour les personnes de moins de 18 ans », dénonce cette déclaration.

Des voix s'élèvent dans le monde politique européen, notamment belges avec la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès.
Des voix s’élèvent dans le monde politique européen, notamment belges avec la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès.© iStock

UNE FORME FLAGRANTE DE DISCRIMINATION

Pour les 13 pays signataires, cette loi promue par le gouvernement nationaliste-conservateur du populiste Viktor Orban « représente une forme flagrante de discrimination fondée sur l’orientation, l’identité et l’expression sexuelles et mérite donc d’être condamnée. L’inclusion, la dignité humaine et l’égalité sont des valeurs fondamentales de notre Union européenne, et nous ne pouvons pas transiger sur ces principes. » « Ces amendements violent également la liberté d’expression, en limitant la liberté d’avoir des opinions et de recevoir et de communiquer des informations sans ingérence de l’autorité publique, comme le prévoit la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La stigmatisation des personnes LGBTQI constitue une violation manifeste de leur droit fondamental à la dignité, tel que prévu par la Charte de l’Union européenne et le droit international », poursuit la déclaration.

« Nous devons rappeler que l’Europe n’est pas à la carte », a commenté à Belga la ministre belge des Affaires étrangères et européennes, Sophie Wilmès, qui a porté ce texte devant le Conseil des Affaires générales de l’Union européenne, réuni ce mardi à Luxembourg. « Nous avons des traités qui garantissent que l’Union est fondée sur des valeurs. Cette loi est en contradiction frontale avec ces valeurs », a ajouté la cheffe de la diplomatie belge, pointant du doigt la terminologie « extrêmement préoccupante » de la loi hongroise. Cette loi est « indigne de l’Europe », a fustigé le ministre luxembourgeois Jean Asselborn. « Les gens ont le droit de vivre comme ils veulent, on n’est plus au Moyen Âge », a-t-il ajouté. La loi hongroise « viole clairement les valeurs de l’UE », a renchéri le ministre délégué allemand aux Affaires européennes Michael Roth, précisant que son pays se joignait à l’initiative du Benelux. Idem pour l’Irlande, dont le ministre des Affaires européennes Thomas Byrne s’est déclaré « très préoccupé » par l’adoption d’une législation qui constitue un « moment très dangereux pour la Hongrie ainsi que pour l’Union ». La France, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lituanie, l’Espagne, la Suède et la Lettonie sont les autres pays signataires. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait fait part de sa préoccupation la semaine dernière, ajoutant que l’exécutif européen était en train d’examiner si cette loi « enfreint la législation européenne ».

DES FAKES NEWS POUR LA HONGRIE

Ces accusations ont été rejetées mardi à Luxembourg par le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto, qui a dénoncé des « fake news » et fait valoir « une compétence nationale qui ne devrait pas être remise en question ». Le Parlement européen, de son côté, critique depuis longtemps l’incapacité du Conseil (États membres) à faire avancer, ne fût-ce que dans son volet préventif, le processus dit « article 7 » (risque de violation ou violation des valeurs fondatrices de l’UE) contre les gouvernements de Pologne et de Hongrie, régulièrement pointés du doigt pour atteintes à l’État de droit. L’assemblée européenne dénonce aussi l’incapacité de la Commission européenne à avancer sur le nouveau mécanisme conditionnant les subsides européens au respect de l’État de droit.

L’exécutif européen a en effet accepté un compromis entre États membres qui, pour dépasser la menace de blocage du plan de relance et du budget de l’UE par Varsovie et Budapest, l’engageait à ne pas utiliser le nouveau mécanisme tant qu’il n’aura pas été validé par la CJUE.

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