Philipp Lahm

La chronique de Philipp Lahm: l’EURO, un rassemblement pacifique

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On dit parfois que les matches entre équipes nationales ne sont plus de ce temps. Pour des raisons historiques, le concept de « nation » a, en effet, pris une connotation négative en Europe. Mais ils peuvent aussi favoriser une forme d’identification. Une compétition entre différentes nations, avec la joie du football comme point central, peut aussi renforcer le sentiment d’appartenance à l’Europe.

Le passé a démontré qu’un championnat d’Europe, et le sport en général, peuvent avoir un effet rassembleur sur les nations. C’est, pour commencer, un point de rencontre entre l’Est et l’Ouest. Le premier championnat d’Europe en 1960, au temps de la guerre froide, a été remporté par l’URSS. En 1976, le ciel s’est éclairci au-dessus de Belgrade avec la victoire de la Tchécoslovaquie. En 1996, lorsque le nombre de membres de l’UEFA s’est considérablement accru suite à la chute du Rideau de Fer, nous avons vu à l’oeuvre des équipes confiantes issues de nouvelles nations comme la Croatie et la République tchèque. Et au milieu des années 2000, l’UEFA a traduit l’extension de l’UE vers l’Est en confiant l’organisation de l’EURO 2012 à la Pologne et à l’Ukraine.

Le Covid permettra de voir ce qui rend les nations si fortes: la solidarité et la justice.

Paradoxalement, le charme d’un EURO ou d’une Coupe du monde réside souvent dans le fait que le niveau tactique est inférieur à ce qu’il est dans les compétitions de clubs. Simplement parce que les sélectionneurs ont moins de temps pour préparer un plan de jeu avec les joueurs et qu’il n’est pas possible d’investir dans une équipe nationale. On ne doit pas s’étonner que certaines positions ne soient pas occupées par des spécialistes. Il faut composer avec ce que le pays peut offrir. C’est pourquoi en se surpassant, certaines petites équipes peuvent parfois aller très loin. Dans un tournoi, l’esprit d’équipe, la discipline et la passion sont souvent déterminants.

Prenons le cas de l’EURO 2016 en France, où l’inspiration est venue d’une petite île de 350.000 habitants. La dynamique de groupe et l’esprit d’équipe de l’Islande ont fait merveille. Avec le soutien de dizaines de milliers de fans habillés en Vikings et en trolls, qui encourageaient leurs troupes en frappant des mains, les bras au ciel, les joueurs islandais sont entrés en ébullition comme la lave d’un volcan. C’était du sport dans sa forme la plus pure.

Mais un championnat d’Europe fait aussi penser aux livres d’Astérix, où l’on met l’accent sur les stéréotypes des Bretons, des Helvètes et des Goths ( peuple germanique de l’Est, ndlr). Parfois, le sentiment d’appartenance est tellement fort qu’il débouche sur un parti-pris pour les autres. Pourtant, c’est la diversité qui rend un EURO si particulier. Et la beauté du football réside aussi dans le fait que personne ne doit se départir de ses origines. Être différent est accepté, aussi et surtout parce que les règles du football sont les mêmes pour tout le monde.

Sur le terrain, j’ai entendu retentir 113 fois mon hymne national et je l’ai toujours ressenti comme un moment très émouvant. L’argent et les contrats individuels comptent moins en équipe nationale que dans la vie quotidienne au sein des clubs. Les valeurs qui prévalent sont la collectivité, l’amitié et la fraternité. On écrit l’histoire lors d’un championnat d’Europe ou d’une Coupe du monde. Et cela m’amène aux Finlandais qui, grâce à l’extension à 24 nations, participeront pour la première fois. Ou encore à la Macédoine du Nord, qui est allée s’imposer 2-1 en Allemagne en mars, et qui effectuera aussi ses débuts. Ils voudront d’abord montrer qui ils sont et qui ils veulent être. Je trouve que c’est une belle motivation dans un tournoi aussi relevé.

Le Covid n’a délégué aucune équipe. Pourtant, c’est devenu une puissance mondiale qui, au cours des prochaines semaines, permettra de voir ce qui rend les nations si fortes: la solidarité et la justice. Bien sûr que ce virus influencera le tournoi. Mais, malgré tout, nous devons être en état de considérer cet EURO comme un rassemblement pacifique entre nations.

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