La chronique de Fred Waseige: les mouettes de Graham

Des années que j’ai envie de vous parler d’un faiseur de jeu, qui participe à un jeu dont il respecte les règles, tout en imposant les siennes pour le plus grand plaisir de ceux qui veulent voir l’enjeu de ce jeu supplanté par l’amour du jeu. Clair? Ce jeu, c’est le foot. Cet illuminé, c’est Graham Potter. Son club, c’est Brighton.

Brighton: ville mythique pour qui aime le rock and roll. Comme moi. J’ai dû attendre cinquante ans et des poussières pour la découvrir. Mai 2019, mon employeur adoré, nommé Voo, me demande si je veux aller commenter le match du titre du Manchester City de Kompany. Où? À Brighton! Tu parles. J’y suis déjà! Ce week-end-là, c’est mon annif. Ce week-end-là, c’est festival rock à Brighton. Certes sans William Sheller, mais je suis un homme heureux. Trente concerts par jour. Je suis chez moi. Même si l’accueil des autorités locales, j’ai nommé les mouettes, est moins festif. Première terrasse sur la plage et le cadeau de bienvenue ne met que quelques minutes à m’être transmis. Un beau « paquet » finit sur ma plus belle chemise. Celle des anniversaires. Un cadeau tombé du ciel. Comme ses deux jours. Brighton for ever.

Potter a un grain qui devient une graine.

À presque en oublier qu’on est là pour le foot. Manchester City sera champion le lendemain, mais ce sont les lendemains de Brighton qui prennent un nouvel envol. Quelques semaines plus tard, Graham Potter remplace Chris Hughton. Le foot ne sera plus jamais joué de la même façon dans cette ville. Même si Potter a plus la tête à porter le chapeau melon que le perfecto, cet homme envoi des riffs imparables, mélodieux et maintenant gagnants.

À l’image son parcours. Il met un terme à sa carrière de joueur à trente ans. Commence des études universitaires. Obtient une maîtrise en leadership et intelligence émotionnelle, mais pas uniquement. Pendant son cursus, il est directeur du développement foot à l’Unif’ de Hull. Devient adjoint de l’équipe nationale universitaire anglaise, tout en participant à la Coupe du monde féminine 2007 en tant que directeur technique de l’équipe du Ghana. Rock and roll, on vous disait. Il enchaîne en Suède. Reprend Östersunds, pensionnaire de division quatre. Quatre saisons plus tard, le club accède à la D1. Enchaîne avec une Coupe de Suède. Participe aux qualifs de l’Europa League. Élimine entre autres Galatasaray et le PAOK Salonique. Participe à la phase de groupes avec l’Athletic, Louhansk et le Hertha. Passe en seizièmes de finale. Élimination, mais après avoir battu l’Arsenal de Wenger à Londres. Un truc de ouf. L’Angleterre le découvre.

Après un passage à Swansea, il intègre la Premier League en mai 2019. Elle n’attendait que lui. L’extra-terrestre est dans le vaisseau amiral du foot mondial. Son foot m’est directement tombé dans l’oeil. En un match, t’as compris. Il y a quelque chose dans le jeu, dans les idées, dans l’application. Directement, tu vois la signature du coach au bas de la feuille de match. Ou plutôt des matches. Parce que les principes sont là. Fidèlement, obsessionnellement. Même au prix du résultat immédiat. Ça prendra du temps, mais on ne renonce à rien. Le terrain, mais aussi le p’tit grain. Potter aime emmener ses joueurs à des concerts de rap, mais aussi voir le ballet « Le lac des cygnes ». Il a un grain qui devient une graine.

La saison dernière, alors qu’ils ont trop longtemps lutté pour ne pas descendre, les Seagulls étaient l’équipe qui, mis à part City le champion, concédait le moins de tirs à l’adversaire. Les stats sont ce qu’elles sont, mais celle-là ne laisse aucun doute. C’est le fruit de l’organisation, de la mise en place, de l’application de la vision d’un visionnaire, qui a le talent de donner envie à tous ses joueurs de regarder dans la même direction. Viser juste pour ne pas devenir une cible. Ils se sont sauvés par le jeu et rien d’autre. Ah si: l’efficacité est aussi devenue offensive. Et ça continue cette saison. Brighton est dans le top 4. Quelque chose me dit que, si ça risque d’être éphémère pour les Seagulls, ça ne le sera pas pour Graham Potter, qui finira à la tête d’un grand d’Angleterre. Il a le temps. Ses certitudes lui offrent ce luxe.

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