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« Go and win the Cup »

Il y a cinq ans, Leicester City réussissait le plus grand coup de l’histoire du football anglais en remportant le titre. Samedi prochain, les Foxes et leurs trois Belges, Youri Tielemans, Timothy Castagne et Dennis Praet, peuvent à nouveau secouer l’establishment en battant Chelsea en finale de la FA Cup.

Le 2 mai 2016, un peu après minuit, heure belge, Melton Mowbray, une bourgade du comté du Leicestershire, subit un véritable tremblement de terre. Les joueurs de Leicester City s’y sont réunis pour fêter leur titre en Premier League. L’onde de choc se fait sentir jusqu’à Londres, Manchester et Liverpool. Pendant que Jamie Vardy divertit ses partenaires dans sa maison de campagne de 550 mètres carrés, les grands clubs paniquent. Arsenal et Tottenham parviennent à limiter la casse. Ils terminent à respectivement dix et onze points des Foxes. Les deux clubs de Manchester, avec 66 points, occupent les quatrième et cinquième places, mais Liverpool et Chelsea voient l’Europe leur échapper. Le Big Six doit supporter l’intrusion de Leicester, mais il ne veut plus revivre pareille situation.  » Never again » devient le credo de ces clubs et ils tiennent parole. Du moins jusqu’à la saison passée, quand Leicester City a terminé cinquième et rompu l’hégémonie des six grands pour la première fois depuis 2016.

Pour des clubs comme Leicester City, la FA Cup reste le Graal.

Cinq ans après le titre, Leicester se prépare à écrire une nouvelle page d’histoire. Les habitants les plus âgés se souviennent de la dernière finale de Leicester City en 1969. Le club détient le record du plus grand nombre de finales disputées sans s’octroyer le trophée (quatre) et veut se défaire de cette étiquette de loser. « Tous les enfants de Leicester, garçons et filles, rêvent de voir leur club s’imposer. Nous avons grandi avec ce rêve », raconte Ian Stringer, un reporter de la BBC, né à Leicester. « Ce sera un des événements les plus importants de l’histoire de la ville et du club. »

Jadis, la FA Cup était l’événement le plus important du football anglais. La retransmission depuis Wembley débutait tôt le matin et le pays tout entier y consacrait sa journée. Depuis deux décennies, la riche Premier League a détrôné la Coupe. Les grands clubs ne s’y intéressent plus autant, mais pour des clubs comme Leicester City, elle reste cependant le Graal. En février 2019, les propriétaires thaïlandais du club ont confié une mission prioritaire à Brendan Rodgers lors de son embauche:  » Go and win the Cup« . Le président Aiyawatt Srivaddhanaprabha veut un vrai trophée, quelque chose qu’il peut afficher en vitrine. Contrairement à ses collègues-présidents, il ne considère pas la FA Cup comme un prix de consolation réservé aux moflés de Premier League. Srivaddhanaprabha connaît les rêves de ses supporters et c’est pour ça qu’il convoite la Cup. « Leicester City tient compte de l’avis de ses supporters. De ce point de vue, il est bien meilleur que les grands clubs », déclare Rob Tanner, du journal The Athletic. « Pendant le premier lockdown, on a lancé l’idée de faire payer un supplément aux supporters pour suivre un match en direct à la télévision, avec un système pay-per-view. Leicester City est le seul club de Premier League à avoir voté contre ce projet. Les propriétaires sont très proches des supporters, lesquels se sentent très impliqués. Les fans de Chelsea, Liverpool, Manchester United et Arsenal sont descendus en rue pour protester contre leur propre direction quand ils ont eu vent de la Super League, mais les propriétaires de ces clubs se fichent d’eux. Les supporters de Leicester apprécient leur propriétaire pour la manière dont il gère le club. On l’a vu lors du décès de Vichai, l’ancien président. »

THE UNBELIEVABLES

Les supporters ne peuvent s’empêcher de repenser à l’équipe championne en voyant la saison actuelle de Leicester City. Certes, le football de Rodgers n’est pas comparable. L’équipe 2015-2016 était une formation de contre, capable de piéger son adversaire. Le manager Claudio Ranieri savait que N’Golo Kanté allait conquérir le ballon et le transmettre à Riyad Mahrez ou Jamie Vardy. L’équipe était si bien ficelée qu’elle avait fonctionné 38 journées d’affilée, en 4-4-2 ou en 4-4-1-1, sans que les autres clubs ne parviennent à trouver la parade.

Beaucoup de gens pensent, à tort, que LCFC continue à jouer en contre, alors que Rodgers mise d’abord sur la possession du ballon et envoie ses défenseurs aux alentours de la ligne médiane, afin de bloquer l’adversaire dans son propre camp. Rodgers dispose de tellement de joueurs polyvalents qu’il peut insérer une série de variantes dans son jeu. Le Nord-Irlandais, âgé de 48 ans, a déjà joué avec quatre ou cinq défenseurs, avec des arrières latéraux, avec deux attaquants ou avec Vardy en pointe, flanqué de deux distributeurs. « Le noyau de Rodgers est nettement plus fort en profondeur que celui d’il y a cinq ans. Leicester possède aussi quelques brillants techniciens », analyse Mike McGrath, qui suit Leicester City pour le Daily Telegraph. « Mais en 2016, Leicester était impossible à arrêter. On aurait pu leur opposer les meilleures équipes qu’ils auraient quand même entamé le match avec la certitude de le gagner. C’est une mentalité innée, qui ne s’entraîne ni ne s’achète. Les joueurs avaient tous quelque chose à prouver. Ils avaient failli être relégués la saison précédente et on les traitait de losers. »

La finale de samedi doit être le point d’orgue des survivants des Unbelievables, un surnom attribué à Leicester en référence aux Invicibles de Preston North End (saison 1888-1889) et d’Arsenal (2003-2004). Il reste cinq joueurs de l’équipe championne en 2016: Wes Morgan, Kasper Schmeichel, Christian Fuchs, Marc Albrighton et Vardy. L’aventure de Morgan et de Fuchs au King Power Stadium s’achève cette saison. « Morgan et Fuchs ont obtenu une prolongation de contrat d’un an, pour les récompenser des services rendus au club, mais cette saison, ils n’ont guère joué et ils vont s’en aller », avance Tanner. « Schmeichel, Vardy et Albrighton peuvent encore jouer à ce niveau pendant quelques saisons, mais la finale de la Cup est le dernier chapitre de ce qui est devenu un best-seller. Ce serait fantastique pour eux de faire partie de l’équipe qui a gagné la Coupe, après le championnat. »

Youri Tielemans, le Danny Drinkwater belge

D’après Transfermarkt, Youri Tielemans vaut 55 millions d’euros, cinq de moins que le leader de Leicester dans ce domaine, James Maddison. Ce chiffre joue certainement un rôle durant les négociations récemment entamées pour revaloriser son contrat valable jusqu’en 2023. Leicester souhaite que le joueur, polyvalent, capable d’effectuer une passe à n’importe quel coéquipier depuis sa position, reste au moins un an encore au King Power Stadium. Tielemans est irremplaçable dans le système de Brendan Rodgers. Aucun autre joueur de Leicester City n’est capable de distiller ses passes. Dans l’équipe championne de Claudio Ranieri, Danny Drinkwater était le fournisseur attitré de Jamie Vardy. Ils se trouvaient les yeux fermés. « Leicester a découvert un nouveau fournisseur à Vardy », raconte Mike McGrath. « Mais je dois dire que Tielemans est une version plus élégante de Drinkwater. »

Tielemans est le cerveau de l’équipe. Rodgers le considère comme son relais sur le terrain. En janvier, il a enfilé le brassard de capitaine pour la première fois, en Cup, contre Brentford. Il fait partie du leadership group du vestiaire, un peloton de six hommes qui représente le noyau dans les réunions avec Rodgers et le reste du staff. Tielemans est le seul membre non-britannique de ce syndicat et il fait entendre la voix des joueurs européens. Sa popularité va lui permettre d’être élu Leicester City’s Player of the Year, un prix remporté par Wes Morgan (2013), Esteban Cambiasso (2015), Riyad Mahrez (2016), Kasper Schmeichel (2012 et 2017), Harry Maguire (2018) ou Jamie Vardy (2020), pour ne citer qu’eux.

Dennis Praet, l’Andy King belge

Durant la saison du titre, Ranieri savait qu’il pouvait compter sur Andy King en toutes circonstances. King, un joker, a participé à 25 matches, dont dix dès le coup d’envoi. Désormais, c’est Dennis Praet qui occupe ce rôle de joker de luxe. Selon de nombreux observateurs, il est le plus Britannique de tous les Belges de Leicester. James Maddison et Ayoze Pérez sont les éléments créatifs de l’équipe, tandis que Praet, au numéro 10, court et plonge souvent dans le dos de Jamie Vardy. Il a l’art de créer des brèches au profit de ses coéquipiers.

Le médian de 26 ans a été la révélation des Foxes en début de saison, un début ponctué d’un neuf sur neuf, grâce à des victoires contre West Brom (3-0), Burnley (4-2) et Manchester City (5-2). Praet a ensuite perdu sa lutte pour une place au profit de Maddison, partiellement à cause d’une blessure. « Praet est moins créatif que Maddison et au numéro 6 ou au numéro 8, il entre en concurrence avec Wilfred Ndidi et Youri Tielemans. Brendan Rodgers ne peut pas le titulariser au sein de son système actuel », affirme Jordan Blackwell, du Leicester Mercury. « Toutefois, en le voyant jouer, on se dit qu’il devrait toujours être aligné. Les supporters considèrent qu’il est un des meilleurs joueurs, parmi ceux qui n’ont pas été titularisés régulièrement par Leicester. Rodgers a-t-il des projets pour lui? Si c’est le cas, ce serait le suivant: Praet joue quand Maddison n’est pas en forme. Rodgers a déjà envisagé d’associer Praet et Maddison si Vardy ou Kelechi Iheanacho étaient indisponibles. Praet vient juste après les onze titulaires de Leicester. »

Timothy Castagne, le Christian Fuchs belge

Après Danny Simpson, Christian Fuchs, Ricardo Pereira et James Justin, Timothy Castagne est le prochain back de Leicester City à être sur le point de devenir une référence en Premier League. Le staff a envisagé de l’aligner à l’arrière gauche, sur son mauvais pied, pour remplacer Ben Chilwell, transféré à Chelsea, mais il s’est distingué à droite dès son premier match de championnat. Castagne, qui a souffert pendant deux mois des ischio-jambiers, a rarement déçu cette saison. Même quand l’équipe était médiocre, il faisait partie des meilleurs.

L’Angleterre dépeint le Diable rouge comme un arrière latéral moderne, qui monte à bon escient et s’implique avec plaisir dans les combinaisons. On le compare donc plutôt à Fuchs qu’à Simpson, qui misait sur sa vitesse pour éviter les problèmes, mais apportait peu sur le plan offensif. « On ne savait pas exactement quoi attendre de Castagne », reconnaît Rob Tanner. « On pensait qu’il devait simplement renforcer le noyau en profondeur, mais c’était une erreur. Sa polyvalence et ses qualités athlétiques sont flagrantes. Il peut évoluer au poste de wing back, il tire son plan à droite et contre West Brom, il a même été posté à droite d’un trio défensif. Leicester a trouvé son flanc droit pour plusieurs années, avec Castagne et Pereira. »

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