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Flashback sur le parcours de Rashad Muhammed

Depuis 2017, Rashad Muhammed joue pour Sarpsborg. Cet attaquant de 25 ans arrivé en Norvège après des passages cabossés à Eppegem et Namur. Itinéraire d’une galère.

Chaussures, chaussettes, short. C’est parfois suffisant. « C’est tout ce que j’avais », lance Rashad Muhammed. Un rescapé qui voit le jour en septembre 1993, ou plutôt un aventurier, pour ne pas dire « galérien », qui renaît depuis son arrivée Norvège, à 22 ans.

Été 2013, il prend donc son balluchon pour rallier Bruxelles.

« Je me suis retrouvé à faire un match d’essai contre l’Union Saint-Gilloise. À mon avis, ce n’était pas l’équipe première », grince-t-il. « Je suis arrivé, on m’a mis dans le vestiaire, on m’a donné mon maillot et je suis monté sur le terrain. J’ai juste fait l’aller-retour depuis Paris. Tout ce que je voulais, c’était jouer au foot et percer, coûte que coûte. »

Si le jeu en vaut la chandelle, le natif de la région parisienne se brûle d’abord les ailes. Après un tour des clubs de la capitale de l’Hexagone, Rashad comble les rangs au PSG, chez la  » filière amateur  » des U19. Une saison, puis s’en va. Lille se présente, lui parle d’un prêt à Mouscron, mais l’affaire ne se conclut pas et il atterrit à Vannes, au troisième échelon français. Sans pour autant disputer la moindre minute avec l’équipe fanion.

« C’était un véritable échec », soupire l’attaquant, ailier de formation. « Je voulais prendre ma revanche, en France, mais quand on m’a proposé d’aller tenter ma chance en Belgique, je me suis dit que je devais la saisir. »

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Le voilà donc à Bruxelles, face à l’Union bis, ce fameux été 2013. Une formalité bouclée par un quadruplé, sans pression. « Je ne m’attendais pas à ce qu’Anderlecht vienne me faire signer, mais je me suis dit que j’avais peut-être tapé dans l’oeil de certains clubs. J’avais peut-être gagné mon passeport pour la Belgique. »

Pas faux. Son représentant, à l’époque, lui glisse l’intérêt du FC Malines, une aubaine. Mais pour rejoindre les Sang et Or, il doit se « former », six mois, au sein d’un « club satellite » : le KFC Eppegem, en… P1.

« Je regarde sur internet, je ne trouve pas de traces… Mais bon, c’était ça ou retourner à l’école », rembobine celui qui a ouvert le score pour Sarpsborg, lors de la réception de Besiktas, le 29 novembre dernier (2-3).

« Au final, je pense qu’il n’a jamais été question de Malines. C’était juste un moyen de m’attirer. » Appâté, Muhammed s’installe quand même dans le Brabant flamand, au-dessus de la pizzeria tenue par l’un des intermédiaires du transfert, actif dans le coin, Michel Culcasi.

« Ce n’était pas facile. Les conditions de vie étaient assez sommaires. J’avais juste une petite chambre, avec salle de bain. Tout seul, sans télé, les journées sont longues. On ne s’entraînait que trois fois par semaine, j’étais un peu perdu. »

Sur le terrain, il score, « un peu », et gagne le surnom de « Flash », pour sa vitesse. « J’ai fait une bonne première partie de saison. Sauf qu’en décembre, je n’avais pas de nouvelles, ni de mon agent, ni de Malines. On m’a dit d’attendre, encore, mais j’ai préféré rentrer à Paris. »

Infiltrations

De retour outre-Quiévrain, il tente un essai au Havre, en Ligue 2. En vain. Quand le téléphone sonne enfin, en mai 2014, l’UR Namur est à l’autre bout du fil. Les Merles, qui évoluent alors en Promotion, l’ont dans le viseur depuis son match contre l’Union. Rashad Muhammed fonce, mais passe ses deux premiers mois chez Jordan Tonnet, coéquipier et compatriote, faute d’appartement.

« Le club m’en a proposé un, mais c’était impossible d’y vivre. Pour donner une idée, il y avait une salle de bain commune à tout l’immeuble. Du coup, je vivais chez Jordan, il m’a beaucoup aidé. Mais il avait sa famille. Je me sentais un peu de trop, sachant qu’à la base, on ne se connaissait pas du tout. »

Entre-temps, Rashad démarre en fanfare. Un quadruplé et deux assists contre Jemeppe, en Coupe, puis un nouveau pion face à Tamines, au tour suivant. Avant de se blesser au pied et d’enchaîner des allers-retours chez un médecin qui lui administre des infiltrations.

« Au début, c’était magique. Je ne sentais plus rien. Jusqu’à ce que la douleur se réveille la nuit et que je n’en dorme plus. C’est simple, j’étais obligé de vivre sous infiltrations. J’avais 21 ans, le coach voulait que je joue et je me sentais important. »

En seizièmes, les Namurois affrontent Gand. Sur le pré, Muhammed provoque l’expulsion du portier buffalo, Brian Vandenbussche. Son équipe sort avec les honneurs : défaite 1-3.

« Ce match, je l’ai joué blessé. Je ne savais même plus frapper dans le ballon, seulement de mon mauvais pied, du gauche. Mais bon, contre Gand, la motivation vient directement. »

Survivant

Ses prestations finissent par en pâtir, tandis que les salaires tardent à tomber. L’UR Namur connaît des difficultés financières. « Je ne pouvais plus payer mon appartement. Avant la trêve, les dirigeants me disent que je ne suis pas bon et que ce n’est pas la peine que je revienne en janvier. Je suis rentré à Paris et je ne suis plus jamais revenu. »

Encore. Problème : sa blessure au pied lui provoque un déplacement de la hanche. L’ancien du PSG se retrouve sans club, out pour un an. Il souffle: « Je voulais arrêter le foot, je pensais que ce n’était pas fait pour moi ». Malgré tout, fin 2014, il reprend goût au ballon avec la réserve de Chambly, dans l’Oise, qui accepte de l’accueillir.

Le Floro SK, entité de D3 norvégienne, toque à la porte. Après un essai d’une semaine, il signe en janvier 2015 dans la ville la plus occidentale de Norvège, où s’abritent à peine 8.000 âmes.

« Je suis arrivé là-bas comme si je partais en vacances, avec une petite veste. Il faisait moins quinze degrés, ça m’a fait tout drôle. » Un mal pour un bien. Cette saison-là, il porte Floro jusqu’au titre de champion. « J’étais revenu dans le circuit », sourit celui qui se considère presque comme un survivant.

En août 2017, Rashad Muhammed s’engage en faveur de Sarpsborg, avec qui il découvre désormais les joies européennes. Mais il n’a pas oublié son nécessaire pour briller. Chaussures, chaussettes, short. Et l’envie de bouffer le monde.

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