Guillaume Gautier

Fair-play à l’européenne

Guillaume Gautier Journaliste

L’édito de la semaine est signé Guillaume Gautier.

Le tirage au sort a la mine renfrognée des automnes pluvieux. Ceux qui nous font dire qu’on ne survivra pas à l’hiver qui doit suivre. Sur le tapis continental, Bruges touche un brelan de rois, et surtout une fresque grandeur nature du football de notre siècle. Il y a Leipzig, géant en pleine croissance du football allemand grâce à une recherche et un entraînement industrialisés des talents venus de toute la planète. Il y a surtout le PSG et Manchester City, encore renforcés à coups de centaines de millions d’euros cet été après avoir atteint le dernier carré, voire la finale au printemps. Battus par Chelsea lors de la dernière apothéose, les Citizens ont permis à Jack Grealish d’agrandir le club des joueurs achetés pour plus de cent millions d’euros. Les Parisiens, eux, ont offert des contrats gloutonnesques à Lionel Messi, Gianluigi Donnarumma, Georginho Wijnaldum ou Sergio Ramos, sans même évoquer les flancs dopés aux pétrodollars. Dans certains clubs, crise sanitaire n’a visiblement pas rimé avec maladie financière.

Et le fair-play financier, dans tout ça? Depuis qu’il a été gelé pour permettre aux clubs de traverser la crise du Covid sans trop de casse, on en parle beaucoup moins.

Et le fair-play financier, dans tout ça? Depuis qu’il a été gelé pour permettre aux clubs de traverser la crise du Covid sans trop de casse, on en parle beaucoup moins. Même du temps de sa « splendeur », les clubs les plus riches du continent ont toujours soigneusement contourné les sanctions sportives. Le dernier à l’avoir évoqué, c’est le nouveau président de l’ECA, l’association des clubs européens, Nasser Al-Khelaïfi. Le PDG du PSG, donc. L’adage a beau dire que les braconniers font les meilleurs garde-chasse, la double casquette cache mal quelques conflits d’intérêts. Mais bref, parole à Nasser: « Une nouvelle réglementation du fair-play financier sera mise en place avec pour objectif que le football des clubs européens reste au sommet du sport et du divertissement, tout en garantissant d’avoir une structure pyramidale du football stable, durable, inclusive. » Un discours toujours plus simple à servir quand il se déclame depuis le sommet de la pyramide, là où le prix d’entrée n’ouvre les portes qu’aux milliardaires.

Les nouvelles stars parisiennes.
Les nouvelles stars parisiennes.© BELGAIMAGE

Entre les lignes, le patron du PSG vend donc un système plus inégalitaire pour défendre un football dont l’essence aurait été menacée par les dissidents de la Super League. Ironie de l’histoire, les derniers partisans de ce projet de ligue fermée – ouvertement pointés du doigt dans le discours d’Al-Khelaïfi à l’ECA – ont vu leurs hommes forts changer d’air cet été: Messi a quitté Barcelone pour le PSG, Sergio Ramos a rejoint Paname depuis Madrid, et Cristiano Ronaldo s’est envolé d’une Juventus visiblement plus à la hauteur de ses ambitions. Parce que tous faisaient vivre leur club au-dessus de la raison en ces temps de crise, leurs dirigeants ont tenté de faire grimper leurs revenus irrationnels avec le projet de Super League avant d’être contraints de réaliser qu’il faudrait bien réduire leurs dépenses. Tout profit pour ceux qui restent capables d’aligner les milliards. Une certaine vision du fair-play.

Bruges pourrait évidemment s’en plaindre, depuis son statut de Petit Poucet du groupe A. Ce serait oublier qu’en Belgique, ce sont les Blauw en Zwart qui dominent la pyramide. Et que là aussi, le fair-play financier est resté entre parenthèses pour éviter la banqueroute collective en période de pandémie. À l’aise financièrement grâce à leurs participations successives à la lucrative C1, les Brugeois en ont moins profité qu’un Antwerp dopé aux millions de Paul Gheysens ou qu’un Anderlecht sauvé par les augmentations de capital au-delà des limites autrefois fixées et désormais évaporées. Tant pis pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un patron capable de mettre la main au portefeuille. Si seulement ils avaient été riches, ils auraient peut-être pu devenir assez puissants pour s’asseoir aux tables où l’on décide à combien de millions de dépenses se trouvent les limites du fair-play.

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