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Belgique – Égypte: trois buts, deux doutes et un héros

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse de la victoire des Diables rouges face aux Pharaons (3-0). Les doutes n’attendent même plus le coup d’envoi. La présence de Laurent Ciman dans le onze de base fait déjà voler les sarcasmes autour de Roberto Martinez. Le sélectionneur la justifie pourtant, affirmant que l’ancien Rouche a plus d’atouts de playmaker que Leander Dendoncker ou Dedryck Boyata.

Si Dedryck Boyata avait été choisi pour remplacer Vincent Kompany et défendre face à un Portugal aux attaquants menaçants, Martinez préfère Ciman pour jouer les architectes reculés contre des Égyptiens inoffensifs. Si Mohamed Salah avait été présent au coup d’envoi, le choix du Catalan aurait peut-être été différent.

Les premiers instants du match confirment le verdict. Les Pharaons d’Hector Cuper abandonnent rapidement le ballon et du territoire, pour cadenasser leur rectangle avec une défense à six précédée d’un milieu de terrain très agressif. Le genou d’Eden Hazard est menacé après moins d’une minute, signe que les Égyptiens sont prêts à faire honneur à leur réputation de défenseurs agressifs. Comme les Italiens ou les Grecs, l’autre grande civilisation de la Méditerranée antique se rappelle qu’elle a conquis ses plus belles victoires en sachant avant tout comment se défendre.

Pour contourner la pyramide adverse, construite en 6-3-1 une fois le ballon perdu, Martinez fait confiance à son onze de gala, à l’exception de la présence de Ciman. Le joueur de Los Angeles peut-il se mettre à rêver de Coupe du monde ? Il est en tout cas la preuve que le 24e homme d’une sélection peut avoir plus de chances de jouer que les numéros 22 et 23 du décompte national.

Freestyle et Eden

La Belgique du début de match se heurte à l’un de ses problèmes traditionnels. Face à un bloc très bas, les dribbleurs nationaux demandent tous le ballon dans les pieds, et privent leur onze d’espaces déjà rares en se tournant systématiquement vers le porteur du ballon. À la manoeuvre, Kevin De Bruyne jette les yeux et les ballons partout, semblant désespérément chercher les appels en profondeur que Leroy Sané, Raheem Sterling ou Sergio Agüero ont l’habitude de lui offrir de l’autre côté de la Manche. Jamais, dans cette posture, l’adversaire n’est contraint au dilemme. Pourtant, c’est seulement quand un défenseur doit choisir une option qu’il augmente considérablement ses chances de faire une erreur.

Les Diables prennent le ballon, et attaquent le rectangle chacun à leur tour, combinant parfois mais dribblant très souvent. On dirait presque un concours de freestyle hébergé par un stade national. Et évidemment, à ce petit jeu, malgré la bonne volonté d’un Yannick Carrasco très entreprenant ou les efforts héroïques des défenseurs égyptiens, c’est toujours le numéro 10 qui gagne.

Eden Hazard est de toutes les tentatives dangereuses. Le capitaine gratte des fautes, voyage balle au pied entre des Pharaons impuissants, et laisse planer cette ambiance de but imminent pendant une petite demi-heure, où tout semble devenir possible à chacune de ses prises de balle. Le roi du football belge finit par offrir la faille à Romelu Lukaku, buteur opportuniste sur une frappe qu’Hazard s’est créée tout seul et que le gardien adverse n’a pu que repousser.

Contraint de décrocher jusqu’à sa ligne médiane pendant le règne de Marc Wilmots, Eden s’est rapproché du but depuis que Martinez a pris les rênes de la sélection. Le schéma tactique du Catalan donne à Hazard ce que les inventions de Lucius Fox offrent à Batman : une force de frappe décuplée, indispensable pour faire le plus de mal possible à l’adversaire. À la base du premier but, le numéro 10 claque le deuxième au fond des filets, au bout d’un dribble ambitieux, d’une récupération opportuniste et d’un centre en retrait parfait de Carrasco.

Perte de terrain

Et l’Égypte, dans tout ça ? Le rare danger qu’elle crée arrive sur deux centres, décochés depuis le flanc droit belge, pourtant réputé plus imperméable que celui de Carrasco. Des ballons facilement adressés dans la surface, sans réelle opposition pour le centreur, qui sont la conséquence du nouveau plan national, adopté depuis la fin des qualifications et encore imparfait, malgré une série d’invincibilité dont le compteur grimpe désormais à 390 minutes pour les gardiens nationaux.

Une fois le ballon perdu, le bloc belge se disloque. Boulimiques de ballons, De Bruyne et Lukaku emmènent le pressing, accompagnés par un Mertens courageux et un Hazard à l’implication variable. Pendant ce temps, Meunier et Carrasco se replient, pour reformer au plus vite une défense à cinq, histoire que ces moments où les ballons en profondeur adverses affluaient dans leur dos appartiennent au passé. Pressé sans tomber dans une situation inconfortable, vu les courses opposées des Diables, l’adversaire peut alors trouver la faille sur les côtés, et gagner facilement une cinquantaine de mètres sans réel affrontement. Le territoire est perdu, mais le dos des joueurs de couloir et la protection du rectangle sont renforcés. Le choix est discutable, dans la perspective de rencontres où le terrain conquis peut valoir cher, mais il permet pour l’instant aux Belges d’enchaîner les matches sans encaisser.

La solidité diminue en seconde période, quand Hazard quitte la pelouse et demande une implication offensive plus nombreuse des Diables pour pallier l’absence d’un joueur capable d’en digérer trois à lui tout seul. Carrasco et Meunier montent de concert, souvent alertés par un Adnan Januzaj aussi facile qu’élégant ballon au pied. Le gaucher alterne entre les dribbles à l’intérieur du jeu et les appels le long de la ligne, qui offrent à Meunier un espace à conquérir balle au pied. Démesurément offensive, la Belgique offre des espaces et des ballons chauds à Trezeguet et Sobhy, sauvés par une sortie de Courtois et un retour en folie de Carrasco.

Le Brésil d’Hazard

Au bout d’un dribble fabuleux de Michy Batshuayi, qui consacre une nouvelle fois cette Belgique de Brésiliens née sur les terrains urbains de la capitale, Marouane Fellaini plante le dernier but d’une soirée réussie. Le deuxième au bout d’un centre en retrait, arme fatale face à une défense désarçonnée par un dribble latéral. Les un-contre-un deviennent plus fréquents quand la fatigue s’invite dans les jambes adverse, et rares sont les nations qui peuvent profiter mieux que la Belgique de cette inévitable réalité.

L’Égypte du rigoureux Hector Cuper n’encaisse que 0,56 but par rencontre depuis l’intronisation de son leader argentin. Elle quitte pourtant Bruxelles avec trois claques dans les valises, sans jamais avoir donné l’impression de pouvoir changer le cours de la rencontre. Deux ans après avoir arraché un partage laborieux face à la Finlande dans un contexte semblable, la Belgique rappelle à ses observateurs que ces 24 derniers mois lui ont permis d’évoluer.

Les ballons de Kevin De Bruyne, désormais plus reculé, font briller les pieds avancés d’un Eden Hazard qui semble plus insaisissable que jamais. Reste à Dries Mertens à compléter la chorégraphie en écartant les lignes par ses appels de balle, pour rendre l’espace vital de son numéro 10 un peu plus respirable…

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