© Tim De Waele

Septième étape: Troyes – Nuits-Saint-Georges

Si ça ne dépend que du paysage, ce sera une étape grand cru, puisqu’elle se déroule en Bourgogne, une région classée depuis 2015 patrimoine mondial de l’UNESCO. Le vin de l’arrivée, Nuits-Saint-Georges, est une des appellations les plus réputées. Une bouteille peut coûter plus cher que le vélo de course le plus perfectionné. Pendant la finale, les coureurs passent aussi par le Gevrey-Chambertin et le château du Clos Vougeot.

Nous sommes donc sûrs d’avoir de belles images aériennes mais le paysage n’intéressera pas les coureurs. D’après le concepteur du tracé, Thierry Gouvenou, il peut y avoir formation d’éventails dans les 40 derniers kilomètres quand, à la sortie de Dijon, le peloton effectuera un tournant en U jusqu’à l’arrivée à Nuits-Saint-Georges. Sans vent, Marcel Kittel et Cie pourront s’offrir un quatrième sprint pour la victoire. Le soir, à l’hôtel du vainqueur, on fêtera peut-être la journée avec un vin des Côtes de Nuit à la place du champagne.

LES FRASQUES DE MARIO

De nos jours, il est tout à fait normal que les porteurs de maillots roulent avec des casques, des lunettes, un cuissard et même des pièces de vélos assorties. Les équipes des candidats à la victoire ont d’ailleurs tout prévu : les accessoires de la bonne couleur sont stockés dans le camion, même si on n’en touche pas mot, par superstition. Ne croyez donc pas un mot des récits de mécaniciens qui ont parcouru des centaines de kilomètres jusqu’au service course de l’équipe pour se procurer un vélo jaune.

On ne fait plus de foin à ce sujet non plus. Ce n’était pas le cas en 1997. Mario Cipollini avait fait la une de tous les journaux en courant la première étape du Tour, un 7 juillet aussi, dans un cuissard aux couleurs du drapeau des États-Unis – le sponsor vélo de l’équipe, Cannondale, était américain. C’était une infraction au règlement et le jury avait infligé une amende à Cipollini et à Saeco, son équipe : 200 francs suisses, soit 184 euros, au coureurs, 1.000 francs ou 920 euros au sponsor.

L’Italien s’en était bien moqué, surtout après avoir sprinté vers la victoire à Forges-les-Eaux et conquis le maillot jaune. Le lendemain, d’ailleurs, Cipollini avait attiré l’attention encore un peu plus en se dirigeant vers la ligne de départ, entouré d’une nuée de caméras. Il chevauchait un Cannondale CAAD 4 jaune canari au guidon orné d’un ruban jaune et aux roues Spinergy agrémentées de la même couleur. Lui-même était tout de jaune vêtu : cuissard, gants, chaussettes… mais avec des chaussures vertes, puisqu’il emmenait aussi le classement à points. Et sans casque – il n’était pas encore obligatoire, ce qui lui permettait de laisser ses cheveux flotter au vent.

Sa tenue a valu une nouvelle amende au coureur et à son équipe. Ils s’en sont de nouveau acquittés avec le sourire : le retour publicitaire en valait le coup. En plus, Super Mario a encore gagné la deuxième étape, à Vire. L’Italien regorgeait de confiance car il avait fait faire ses attributs jaunes dès le mois de décembre.

Yvan Vanmol, qui avait suivi Cipollini quand il était chez GB-MG, n’était pas surpris. Des années auparavant, le coureur avait invité le médecin chez lui, à Lucca. Pour le piloter, il avait revêtu un costume sur mesure confectionné par une boutique de la ville, il portait un chapeau, des chaussures coûteuses et un parapluie.  » Cipollini tendait la main à tous les gens qu’il croisait comme s’il était le bourgmestre « , avait ri Vanmol.

DES CHAUSSURES BLANCHES

Jean-Marie Leblanc, le patron du Tour, tolérait les frasques du Roi des Lions, malgré les amendes.  » Mario est une des dernières stars du peloton « , avait-il déclaré. Jacques Goddet, le directeur du Tour jusqu’en 1986, avait été moins flatteur à l’égard du prédécesseur de Cipollini, Angel Arroyo. Au Tour 1984, celui-ci portait des chaussures blanches. C’était un péché à l’époque : les chaussures de course devaient être noires. L’Espagnol écopait d’une amende jour après jour, amende que son sponsor payait avec le sourire.

Jean-Marie Leblanc a perdu le sourire quand Cipollini a dit arrivederci au Tour 1997, juste avant les Pyrénées. Ce n’était pourtant pas une première : aucun coureur n’a fait aussi souvent ses valises durant un grand tour : à 14 reprises en vingt tours. Le Toscan n’a achevé qu’une course, le Giro, à six reprises. Il n’a jamais vu les Champs-Élysées. Le Beau Mario était depuis longtemps à la plage, à moins qu’il ne se balade en chapeau dans les rues de Lucca. Comme un bourgmestre.

Si ça ne dépend que du paysage, ce sera une étape grand cru.

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