Quinten Hermans, le vrai plan B de Wout van Aert aux Mondiaux ?

Fabien Chaliaud Journaliste

Spécialiste du cyclo-cross comme van Aert, Hermans s’est complètement affirmé cette saison et avait devancé le meilleur cycliste belge du moment sur Liège-Bastogne-Liège avant de terminer juste derrière lui à Hambourg ce dimanche. Il faudra sans aucun doute compter sur lui à Wollongong le 25 septembre prochain. Mais dans quel rôle ?

Wout van Aert effectuait sa rentrée post-Tour de France ce dimanche à Hambourg. Le citoyen d’Herentals entamait dans la ville portuaire allemande sa tournée préparatoire qui doit l’amener à son meilleur niveau pour les championnats du monde de cyclisme qui se tiendront le 25 septembre prochain à Wollongong. Après son échec de Louvain, pas question de prendre part à un petit tour cette fois. Il se contentera donc quatre courses d’un jour pour peaufiner sa forme. Après Hambourg, WvA sera au départ de la Bretagne Classic-Ouest-France le 28 août avant de s’offrir un périple québecois : au Grand Prix de Québec, le 9 septembre, et au Grand Prix de Montréal, le11 septembre. Après cela, il s’envolera à destination de l’Australie pour son dernier grand objectif d’une saison déjà bien remplie en victoires et places d’honneur.

Pour son retour à la compétition, Wout van Aert n’a pas tardé à impressionner les observateurs, comme à son habitude, dira-t-on. Même si cette fois, contrairement au Grand Prix Het Nieuwsblad et sur la première étape du Dauphiné Libéré, ses deux précédentes courses de reprise, il a dû se contenter de la deuxième place, surpris par un Marco Haller bien plus malin au moment du sprint final à cinq dans les rues d’Hambourg. Le maillot vert du dernier Tour s’offrait ainsi un 250e podium si l’on prend en compte tant les courses sur route que dans les labourés.

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Dans un premier temps, van Aert était annoncé derrière Quinten Hermans avant que le classement ne soit rectifié par la suite en attribuant la seconde place à l’ancien champion de Belgique sur route. Il n’empêche qu’il s’en est fallu de peu pour que le spécialiste du cyclo-cross de la formation Intermarché-Wanty-Groupe Gobert ne devance le N.1 des labourés belges pour une deuxième fois cette saison. Et au regard de son profil, Hermans serait une carte très intéressante à jouer pour Sven Vanthourenhout à Wollongong en cas de défaillance de son leader principal comme à Louvain l’an dernier.

Les progrès enregistrés par le coureur qui vient de fêter ses 27 ans récemment sont d’ailleurs assez bluffants, même si certains de ses résultats en 2021 pouvaient mettre la puce à l’oreille. S’il n’avait pas tenu la dragée haute à van Aert lors de la saison hivernale de cross (un peu comme tout le monde), l’Anversois s’était signalé par une belle régularité en s’offrant dès le mois d’octobre, aux Etats-Unis, la manche de Coupe du monde de Fayetteville et en prenant la troisième place à celle de Waterloo. Troisième à Tabor pour la manche tchèque, il signera ensuite quelques 4e et 5e places lors des cross que van Aert honorera de sa présence.

Quinten Hermans lors des championnats de Belgique de cyclo-cross qu’il terminera à la 3e place derrière Wout van Aert et Laurens Sweeck. (Getty)

En 2022, il ne signait que deux fois la 7e place lors des manches de Coupe du monde d’Hulst et Hoogerheide avant de prendre la troisième place des championnats de Belgique remportés par qui vous savez. En l’absence de ce dernier, Quinten Hermans était certainement l’une des belles cartes à jouer pour le Mondial de Fayetteville, en raison de sa victoire lors de la manche de Coupe du monde disputée sur le même parcours quelques mois plus tôt. Un test positif au covid à quelques jours de l’envol vers le pays de l’oncle Sam aura finalement raison de ses chances de victoire. Si rien ne dit qu’il aurait été capable de suivre le rythme effréné de Tom Pidcock ce jour-là, l’Anversois s’est probablement servi de cette grosse déception pour rebondir par la suite.

« C’est très dur mentalement. J’ai eu des nuits blanches depuis dimanche. Je ne me suis pas senti malade du tout. Toute ma préparation pour le Mondial est tombée à l’eau. J’étais vraiment prêt pour Fayetteville, où j’ai déjà gagné un cross de Coupe du monde. Je n’ai pas le droit de défendre mes chances à cause d’un test légèrement positif. C’est la plus grande déception de ma carrière.« , expliquait Quinten Hermans à l’époque après l’annonce de ce contrôle positif au coronavirus.

Heureusement, le cyclisme est un sport qui permet d’oublier rapidement les déceptions grâce à l’enchaînement des courses. La saison sur route allait complètement relancer l’Anversois, sans doute au-delà de ses espérances. En 2019, Quinten Hermans avait dominé la Flèche du Sud, une course par étapes disputée aux Luxembourg en s’offrant trois étapes en plus du classement général. La concurrence n’était cependant pas féroce chez nos voisins puisqu’il avait devancé un autre spécialiste des épreuves dans les labourés: Toon Aerts.

L’année d’après, le coronavirus a fortement réduit son calendrier et la saison dernière, il s’est offert quelques places d’honneur. A commencer par une neuvième place sur la 4e étape du Tour du Pays Basque, devançant d’ailleurs un certain Alejandro Valverde. Il terminera ensuite 20e de l’Amstel Gold Race remportée par van Aert et 14e au sommet d’un mur de Huy dompté une nouvelle fois par Julian Alaphilippe.

Cap ensuite sur l’Italie pour son premier grand tour. On le verra souvent passer à l’offensive et il décrochera son meilleur classement à Gorizia, lors d’une 15e étape remportée par son compatriote Victor Campenaerts. Hermans termine finalement à la 43e place de son premier grand tour avant de s’offrir un peu de repos et de revenir en force sur le Tour de Wallonie. Il prendra la sixième place au classement général. Au Tour de Pologne, quelques semaines plus tard, il s’offre encore une sixième place sur la 5e étape.

Des résultats intéressants, mais qui ne présageaient pas directement de ceux qui allaient couronner son année 2022 jusqu’à présent. Après un abandon au Tour du Pays Basque, lors duquel il avait signé la troisième place de la 2e étape remportée par Alaphilippe, il va surprendre tout le monde sur Liège-Bastogne-Liège en se classant entre les stars du Royaume que sont Remco Evenepoel et Wout van Aert. Il permettait ainsi à la Belgique de s’offrir son premier podium 100% noir-jaune-rouge sur la Doyenne depuis 1976. Sa prestation était la cerise sur le gâteau de sa formation Intermarché-Wanty-Groupe Gobert qui concluait ainsi en beauté un printemps prolifique qui l’avait vu déjà placer deux coureurs, Tom Devriendt (4e) et Adrien Petit (6e) dans le top 10 de Paris-Roubaix, une semaine auparavant. Malgré son statut de cyclocrossman, Hermans n’a en revanche jamais participé à l’Enfer du Nord. Il semble préférer les courses de puncheurs avec des montées courtes et assez difficiles où il peut faire parler son explosivité et une certaine vitesse de pointe dans des sprints en comité restreint.

Quinten Hermans avec Remco Evenepoel et Wout van Aert sur le podium du dernier Liège-Bastogne-Liège (Getty)

Cet exploit sur la Doyenne ne sera pas resté sans lendemain puisqu’à défaut de trouver la clé de la victoire, il terminera à trois reprises dans le top 10 (2 fois cinquième et une fois sixième) d’étapes du Tour de Romandie. La consécration arrivera un peu plus tard au mois de juin avec un bouquet sur l’étape reine du Tour de Belgique et une troisième place finale. Cette performance aurait dû logiquement offrir à Quinten Hermans une place dans l’escouade de Jean-François Bourlart pour le Tour de France, mais son départ quasiment annoncé en 2023 pour l’Alpecin-Fénix de Mathieu van der Poel lui vaudra de suivre la course la plus médiatisée du monde derrière son écran de télévision…

Il est donc revenu en août à la compétition lors d’un Tour de Pologne qu’il a terminé à la 20e place non sans avoir pris les 3e et 4e place lors des 3e et 4e étape de l’épreuve. Il a poursuivi sur sa lancée avec une 8e place finale à l’Arctic Race of Norway où il a pris par deux fois la 6e place lors des dernières étapes.

C’est fort de cette préparation avec du volume pour compenser son absence au Tour qu’il s’est présenté à Hambourg ce dimanche. Et manifestement, les jambes ont répondu présent lorsque van Aert a allumé la mèche dans le Waseberg à 17 kilomètres de l’arrivée. Il sera l’un des quatre coureurs à suivre son compatriote, avec Jonathan Narvaez et le duo de l’équipe Bora, Patrick Konrad et le futur vainqueur Marco Haller. Annoncé deuxième du sprint final, Hermans sera finalement troisième mais ce résultat confirme encore ses progrès des derniers mois.

Evidemment, si l’on reproche parfois à Wout van Aert de ne pas tout gagner, on ne va certainement pas ériger Quinten Hermans en leader absolu de l’équipe belge qui défendra les couleurs du Royaume en Australie, à la fin du mois de septembre. Mais en l’absence de Tiesj Benoot mis au tapis après une lourde chute en Italie, van Aert aura certainement besoin d’un homme capable de l’épauler dans la finale et être capable de l’emmener si nécessaire dans le dernier sprint. Un rôle qui pourrait être aussi rempli par Dylan Teuns, sauf que ce dernier ne possède pas une pointe de vitesse aussi intéressante que celle du spécialiste du cyclo-cross. Les deux coureurs, issus de la même discipline, semblent aussi s’apprécier et le puncheur d’Intermarché-Wanty-Groupe Gobert, a déjà été habitué à être au service de WvA pendant de nombreux mondiaux de cyclo-cross.

A moins que le jeu des équipes de marque ne soit déjà d’application à ce moment et que Mathieu van der Poel, le futur leader d’Hermans, puisse en profiter. Pour l’instant, les doutes sur la condition physique du Néerlandais, contraint à l’abandon sur la dernière Grande Boucle sans avoir été en mesure de peser sur la course, ne permettent pas encore de prendre en compte cette possibilité. Mais de l’eau aura coulé sous les ponts d’ici le coup d’envoi de ces Mondiaux.

Sven Vanthourenhout devra bien prendre en compte tous ces aspects au moment de composer sa sélection finale et de définir les rôles de chacun. L’an dernier, on se souvient que Remco Evenepoel n’avait pas vraiment su s’en tenir au plan de départ et avait favorisé, involontairement ou non, le jeu de son coéquipier d’équipe de marque, Julian Alaphilippe.

Aligné sur un contre-la-montre auquel Wout van Aert ne participera pas, le petit cannibale de Schepdaal, qui sortira sans doute légèrement émoussé de la Vuelta, pourrait sacrifier ses chances personnelles sur la course en ligne s’il n’a pas ses meilleures jambes. Quinten Hermans fera-t-il de même ou essaiera-t-il de profiter du marquage sur van Aert pour tirer les marrons du feu ? Il est encore trop tôt pour le dire.

Mais une chose est sûre si d’aventure, et nous ne le souhaitons pas, van Aert devait manquer à ses devoirs le 25 septembre, il ne faudra pas griller la cartouche Hermans aussi bêtement que le fut celle d’un Jasper Stuyven qui n’a sans doute pas été en mesure d’aller chercher plus qu’une quatrième place à Louvain après avoir donné quelques beaux relais pour un WvA qui n’était pas au sommet de son art.

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