Pourquoi Remco Evenepoel a choisi le Giro en 2023 (et pourquoi il l’annonce dès maintenant)

C’est désormais officiel : Remco Evenepoel prendra (sauf circonstance exceptionnelle) le départ du Giro en 2023. Pour mieux comprendre ce choix, nous avons posé trois questions à notre spécialiste cycliste, Jonas Creteur.

Pourquoi Remco Evenepoel annonce-t-il officiellement sa participation dès le 30 novembre ?

A l’origine, le manager de l’équipe, Patrick Lefevere, avait déclaré qu’Evenepoel n’informerait pas les médias de son choix entre le Giro et le Tour avant la présentation de l’équipe qui doit se tenir au début du mois de janvier. Un choix que le champion du monde avait déjà affirmé avoir réalisé avant même la présentation du parcours du Tour de France, fin octobre. C’était déjà significatif.

Ces dernières semaines, de nombreuses informations ont également montré que le programme d’Evenepoel était déjà fixé. Futur membre du Wolfpack, Jan Hirt, avait même joint le geste à la parole dans la presse tchèque, en y déclarant qu’il allait épauler le prodige belge sur la course italienne de trois semaines.

Dès lors, attendre jusqu’en janvier n’avait plus guère de sens. En l’annonçant maintenant, vous attirez l’attention des médias un jour où l’actualité est plutôt en berne. Du moins dans le cyclisme. Cette attention existera toujours lors de la présentation officielle de l’équipe à Plopsaland, en janvier prochain.

Il est aussi difficile de conserver un secret alors qu’Evenepoel effectue clairement les repérages de quelques étapes du Giro depuis quelques jours. Il a posté toutes ses séances d’entraînement sur Strava depuis la fin de l’année dernière, y compris sa sortie dans la région d’Amalfi le matin de l’annonce de sa participation au Giro. Et s’il avait encore attendu avant de s’exprimer officiellement, des questions se seraient déjà posées sur les réseaux sociaux : qu’est-ce qui ne va pas avec Remco, etc ?

Tôt ou tard, des vidéos du champion du monde s’entraînant sur les routes italiennes auraient été diffusées sur les réseaux sociaux. Si celles-ci coïncidaient alors avec le parcours du Giro, pas besoin d’être Sherlock Holmes pour vous faire un dessin…

© belga

Pourquoi le choix du Giro et non du Tour de France ?

Le manager de l’équipe, Patrick Lefevere, a toujours eu un plan A en tête : d’abord la Vuelta en 2022, puis le Giro en 2023 et le Tour seulement en 2024. Il ne voulait pas brûler les étapes avec sa pépite, même si après sa victoire finale en Espagne, arrivée plus tôt que prévue dans un grand tour, certaines voix se sont élevées dans la formation belge pour qu’Evenepoel envisage une participation à la Grande Boucle dès l’année prochaine. Lefevere a quand même obtenu gain de cause, même si le choix personnel d’Evenepoel a aussi favorisé le fait que la décision soit mieux acceptée. Et ce n’était pas si difficile, car il y avait de nombreux arguments pour préférer le Giro au Tour en 2023.

Le premier, presque 50 km de plus en contre-la-montre (70,6 km contre 22 km au Tour), ce qui constitue un gros avantage pour un spécialiste de l’effort en solitaire comme Evenepoel, par rapport aux autres coureurs visant un classement. Après tout, il est capable de grappiller des minutes dans les trois contre-la-montre.

Vu ses énormes progrès en montagne, il ne devrait pas trop perdre d’avance dans les étapes au dénivelé gargantuesque prévues dans la dernière semaine. La concurrence à ce niveau devrait aussi être plus faible que sur le Tour puisque les meilleurs grimpeurs du peloton, Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et Enric Mas, participeront plus que probablement au Tour. Mais les étapes de montagne les plus relevées du Giro 2023 seront beaucoup plus ardues que lors de sa Vuelta victorieuse, puisque plusieurs cols seront au programme dans la même journée. Evenepoel passera un « nouveau test » à cet égard.

Le deuxième argument est que l’équipe Soudal-Quick-Step pourra également défendre plus facilement un éventuel maillot de leader sur le Giro que sur le Tour. Après tout, seul Jan Hirt a été engagé pour renforcer le pôle articulé autour des épreuves par étapes. Pour se frotter à des équipes beaucoup plus puissantes et riches, comme Jumbo-Visma, UAE Emirates et INEOS Grenadiers, au Tour, Lefevere a encore besoin de temps. Au moins jusqu’en 2024. Les contrats de toute une série de coureurs touchant un certain salaire n’expirent qu’à la fin de la saison prochaine. Le grand manitou du Wolfpack pourrait alors en profiter pour reconstruire une armada davantage concentrée sur les grands tours que sur les classiques, comme c’est toujours le cas aujourd’hui.

Le troisième argument est la possibilité d’une éventuelle victoire au Giro. Evenepoel pourrait ainsi effacer le souvenir désagréable de sa participation et de son abandon lors de l’édition 2021. Il pourrait ainsi commencer le Tour en 2024, avec moins de pression sur les épaules grâce à des succès en poche dans les deux autres grands tours. Il pourrait ainsi se concentrer sur une éventuelle trilogie et la perspective d’égaler des coureurs de la trempe de Vincenzo Nibali, et naturellement d’Eddy Merckx.

Le quatrième atout du Giro est qu’Evenepoel pourrait en être la principale attraction. Cela apporterait beaucoup de retour publicitaire pour les sponsors de l’équipe. Sur le Tour, cette attention est de toute façon plus fragmentée entre les nombreuses stars présentes au départ. La pression sera dès lors plus importante sur ses épaules, mais le Brabançon a prouvé à la Vuelta qu’il était quand même en mesure de la supporter.

La prime de départ (non officielle) que l’organisation du Giro verse à ses meilleurs coureurs est aussi un argument, le cinquième, à prendre à compte. Le peloton des participants au Tour d’Italie n’est pas aussi fort que sur la Grande Boucle. Et puis, il faut des moyens financiers pour attirer des vedettes.

Chris Froome aurait même reçu, selon certaines sources, jusqu’à deux millions d’euros pour s’aligner en 2018 sur l’épreuve transalpine. Le patron du Giro, Mauro Vegni, a toujours nié ce montant, mais il devait néanmoins s’agir d’un bon paquet d’euros. Comme pour Mathieu van der Poel lors de la dernière édition.

Vegni sera également heureux d’ouvrir son portefeuille pour qu’Evenepoel soit content de s’aligner en Italie. Le Belge est déjà une grande star de l’autre côté des Alpes, surtout maintenant qu’il est également champion du monde.

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Un champion du monde en titre qui participe au Tour d’Italie : c’est exceptionnel, non ?

C’est assez rare, mais c’est déjà arrivé dans le passé. La dernière fois remonte à 2012, lorsque Mark Cavendish avait remporté trois étapes. Au XXIe siècle, seuls Cadel Evans (2010), Paolo Bettini (2007 et 2008), Igor Astarloa (2004) et Mario Cipollini (2003) se sont alignés dans la botte avec le maillot arc-en-ciel sur les épaules. Le dernier Belge champion du monde qui figurait sur la liste de départ du Tour d’Italie était Freddy Maertens en 1977.

Les porteurs du maillot irisé qui ont également remporté le classement final sont encore plus rares. Le dernier était Beppe Saronni en 1983. Avant cela, seuls Eddy Merckx (1968 et 1972) et Alfredo Binda (1938 et 1942) y étaient parvenus. Une possible victoire finale d’Evenepoel le placerait donc sur une liste de noms illustres.

Fin avril, Sport/Cyclisme Magazine débarquera dans les librairies et magasins avec un guide du Giro, le deuxième d’une série de quatre hors-série cyclistes qui paraîtront en 2023. Vous trouverez également le traditionnel guide de la saison (début février), le guide du Tour de France (mi-juin) et le spécial automne (mi-octobre).

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