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Les années folles sont de retour, sur deux roues.

Notre tout premier magazine de cyclisme est sorti en février 2004. Peter Van Petegem était en couverture. On y tenait à notre Peter. Il nous était bien utile. Tout simplement parce qu’il était le seul grand nom belge de l’époque. Victoire au Tour des Flandres, succès à Paris – Roubaix, médaille de bronze au Mondial, c’était quand même quelque chose.

Mais il était si seul… La carrière de Johan Museeuw tirait sur sa fin, et en plus, il était impliqué dans une sombre histoire de dopage. Celle de Frank Vandenbroucke était définitivement dans l’impasse. Tom Steels, touché par des soucis de santé, ne faisait pas mieux. Et on n’avait pas encore assisté à l’explosion de Tom Boonen, qui n’allait se révéler que quelques mois plus tard.

Les acteurs mériteraient un Oscar, mais le réalisateur n’est pas à la hauteur.

Bref, le vide, le désert. Même si le recours au dopage, chez certains, pouvait être vu comme une circonstance atténuante. Dans les classiques accidentées et dans les grands tours, les Belges n’étaient nulle part. Les premiers compatriotes au classement du Giro, du Tour de France et de la Vuelta en 2003? Accrochez-vous… Tom Stremersch (68e), Christophe Brandt (52e) et Jurgen Van Goolen (42e). Pas une seule victoire d’étape. Et à la fin de la saison, deux Belges seulement figuraient dans le top 50 du classement UCI: Peter Van Petegem (18e) et Dave Bruylandts (35e). C’était pire encore chez les femmes où notre meilleure représentante, Sharon Vandromme, pointait à la 97e place.

On se raccrochait aux autres disciplines. Filip Meirhaeghe avait été sacré champion du monde de VTT, pendant que Sven Nys et Bart Wellens brillaient en cyclo-cross. Sur piste, par contre, même désert que sur la route. Aucune médaille pour la Belgique aux Mondiaux. Seul Matthew Gilmore faisait illusion dans les Six Jours.

Quel contraste avec la moisson belge en 2022. Remco Evenepoel, Wout van Aert, JasperPhilipsen, Dylan Teuns et Lotte Kopecky ont mis fin à pas mal de frustrations. Et tout porte à croire que plusieurs jeunes ont les qualités pour nous offrir de nouveaux succès au cours des années à venir: Arnaud De Lie, Cian Uijtdebroeks, Alec Segaert, Vlad Van Mechelen, Julie De Wilde et Febe Jooris sur route ; Fabio Van Den Bossche et Jules Hesters sur piste ; ThibauNys et Joran Wyseure dans les labourés. Il faut remonter aux années septante pour voir les Belges briller dans autant de disciplines.

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Ce qui est encore plus beau, c’est que cette haute conjoncture survient à une période où le cyclisme est en plein boom. Les Roaring Twenties sont de retour, sur deux roues. Allusion aux années 1920 où tout souriait dans le monde entier. Les années rugissantes, les années folles. On revoit des champions charismatiques qui ajoutent le panache aux lignes sur leur CV. On en voit dans les classiques, on en voit dans les grands tours. On pense ici à Van Aert et Evenepoel, mais aussi à Tadej Pogacar, Primoz Roglic, Mathieu van der Poel, Tom Pidcock ou Biniam Girmay. Même le timide Jonas Vingegaard s’y est mis et a gagné le Tour de France.

Mais… Il y a un mais… Dans cette ambiance euphorique, on doit constater que le cyclisme est toujours dirigé sur un mode très amateur. Le business model n’est pas efficace. Le calendrier est surchargé et opaque. Le ranking mondial est basé sur un calcul des points alambiqué. Il y a des parcours dangereux, insuffisamment contrôlés et sanctionnés. Les retransmissions télévisées sont d’un autre âge, elles proposent beaucoup trop peu de data, un apport qui séduit les jeunes dans d’autres sports. Ce n’est pas un hasard si aucun coureur ne figure dans la dernière liste de SportsPro.com reprenant les 100 Most Marketable Athletes du monde, alors que vingt sports y sont représentés. Le dernier cycliste à y avoir figuré était PeterSagan, en 2017.

C’est la triste réalité du cyclisme d’aujourd’hui. Les acteurs mériteraient un Oscar, mais le réalisateur n’est pas à la hauteur et met mal le film en vitrine. C’est à cause de cette carence que seuls les Belges s’émerveillent devant Lotte, Remco et Wout. On attend donc la sortie de la série Netflix qui a suivi huit équipes avant et pendant le dernier Tour de France. Elle pourrait changer les choses.

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