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Comment Philippe Gilbert et Mark Cavendish continuent d’écrire des pages d’histoire du cyclisme

« Comme au bon vieux temps », titrait l’Equipe L’Equipe après la victoire au sprint de Mark Cavendish sur la 3e étape du Giro. Le bon vieux temps que Philippe Gilbert a également revécu, avec une victoire d’étape et finale dans les Quatre Jours de Dunkerque. Les deux anciens continuent de défier les années, avec notamment deux records impressionnants.

Tour de France 2011, cinquième étape arrivant au Cap Fréhel. Bien qu’André Greipel soit le sprinter désigné pour Omega Pharma-Lotto, Philippe Gilbert tente sa chance sur le sprint qui arrive en légère montée. Le champion de Belgique de l’époque n’a terminé qu’à la deuxième place et a été traité d’égoïste par Greipel.

Le directeur sportif Marc Sergeant doit désamorcer la bombe dans le bus de l’équipe. Gilbert s’excuse de ne pas avoir suivi la tactique convenue. Quatre jours après avoir remporté la première étape sur le Mont des Alouettes et pris le maillot jaune et avoir remporté un énième succès dans sa fabuleuse saison de 2011, le Remoucastrien avait encore faim et souhaitait aiguiser son appétit de champion.

L’homme qui a battu Gilbert, alors âgé de 29 ans, au Cap Fréhel, avec une ultime remontée dans les derniers mètres ? Mark Cavendish. Le citoyen de l’île de Man s’offrait le premier de ses cinq bouquets d’étape sur le Tour cette année-là. La saison du Manx Express, âgé alors de 26 ans, se terminera par un moment encore plus fort avec le maillot arc-en-ciel lors des Mondiaux de Copenhague. Un an avant que Gilbert en fasse de même à Valkenburg.

Mark Cavendish devance Philippe Gilbert (à droite) au Cap Fréhel lors de la cinquième étape du Tour de France 2011.
Mark Cavendish devance Philippe Gilbert (à droite) au Cap Fréhel lors de la cinquième étape du Tour de France 2011.© iStock

Up and downs

En 2011, Phil et Cav, étaient alors tous les deux au sommet absolu de leur art. Cette seule étape du Tour au Cap Fréhel reste cependant la seule fois où ils ont terminé premier et deuxième dans une course UCI. Logique, compte tenu de leurs qualités différentes, l’Anglais brillants dans les sprints massifs alors que le Belge chassait les classiques.

Depuis lors, le duo a connu de nombreux hauts, mais aussi des bas. Entre 2017 et 2020, Cavendish gagnera à peine deux courses, soit entre ses 32e et 35e anniversaires. L’Anglais a été infecté par le virus Epstein-Barr qui l’a longtemps diminué et a aussi avoué avoir été rongé par la dépression.

Le blues a frappé Gilbert plus tard. En 2020 et 2021, mais aussi lors du printemps des classiques 2022. Il a été fragilisé par une fissure de la rotule (après une chute lors du Tour 2020), une infection au coronavirus et d’autres maladies. Mais voilà, c’était sans doute dû aux années qui passaient. Le Wallon avait déjà 38/39 ans à cette époque et tout le monde ne boit pas le même élixir de jeunesse qu’Alejandro Valverde.

Cavendish encore meilleur que Petacchi

Les deux ont souvent été considérés comme « finis », mais ont finalement fini par résister à l’épreuve du temps, contre vents et marées. Comme au bon vieux temps.

En remportant quatre étapes du Tour de l’année dernière, Mark Cavendish a pleinement saisi la chance que lui avait donnée Patrick Lefevere chez Deceuninck-Quick-Step. Il compte quatre victoires à son actif en 2022 dont cette troisième étape du Giro, neuf ans après son dernier bouquet sur la course italienne de trois semaines et quatorze ans (en 2008 donc), après sa toute première victoire d’étape dans un grand tour.

Un beau cadeau d’anniversaire pour le Britannique qui fêtera ses 37 printemps le 21 mai prochain.Il est aussi devenu le premier coureur de l’histoire à s’imposer dans cinq sprints massifs sur un grand tour après ses 36 ans, soit un de plus qu’Alessandro Petacchi (4) et deux de plus qu’Erik Zabel (3) au même âge.

Neuf ans après son dernier bouquet au Giro sous les couleurs de Quick.Step déjà, Mark Cavendish a remis le couvert lors de la 3e étape de ce Tour d'Italie 2022 en devançant Démare et Gaviria au sprint.
Neuf ans après son dernier bouquet au Giro sous les couleurs de Quick.Step déjà, Mark Cavendish a remis le couvert lors de la 3e étape de ce Tour d’Italie 2022 en devançant Démare et Gaviria au sprint.© iStock

Il est probable que Cavendish remporte encore au moins une étape sur ce Giro, car il dispose du meilleur train pour l’emmener et du meilleur poisson-pilote avec Michael Morkov. Le ManxExpress semble avoir gardé les mêmes jambes que lors du dernier Tour de France. On ne gagne pas par hasard après un sprint de 320 mètres devant, à 72 km à l’heure…

Ce n’est pas par hasard puisqu’il s’est également préparé de la même manière qu’il y a un an en compagnie de son entraîneur grec Vasilis Anastopoulos. Celui-ci le soumet à de longues séances d’entraînement axée sur l’endurance et les combine à des séances de sprint spécifiques sur la piste. Anastopoulos est également un ancien coureur sur piste.

Cela a toujours été la recette du succès pour Cavendish. Même à presque 37 ans. Après l’arrivée au lac Balaton en Hongrie, il a évoqué la clé de ses succès : « Je suis vieux, mais c’est toujours moi. J’aime la course et j’aimerai toujours la course ». Plus que jamais l’amour de la course et l’instinct du tueur sont encore bien présents dans les jambes du champion du monde de 2011.

Pourra-t-il convaincre son patron, Patrick Lefevere, de l’emmener sur le Tour, en tant que membre du train de Fabio Jakobsen ? Cela semble impensable d’un point de vue sportif, mais la valeur publicitaire pourrait être intéressante, puisque Cav‘ peut toujours ambitionner de devenir le seul détenteur du record du nombre d’étapes gagnées sur la Grande Boucle (une de plus qu’Eddy Merckx)

L’entraînement de Philippe Gilbert

À 1 400 kilomètres de là, Philippe Gilbert s’est vu poser la même question que Cavendish dimanche : « Et le Tour ? » Personne n’aurait osé lui demander cela il y a un mois à peine, alors qu’il errait comme une âme en peine sur les classiques du printemps, son ancien terrain de chasse préféré. Le Wallon affirmait encore souffrir des séquelles d’une série de maladies.

Son contrat de trois ans très bien rémunéré avec Lotto Soudal, que le directeur de l’équipe John Lelangue lui a proposé en 2020, avait été critiqué à l’époque. Gilbert l’a accepté, mais quel coureur l’aurait refusé après tout ?

Lors des quatre jours de Dunkerque, la détermination, le dynamisme et le sens de la victoire de Phil ont refait surface, comme s’ils n’avaient jamais été enterrés. Il a d’abord levé les bras lors de l’étape menant au Mont-Saint-Éloi, comme au bon vieux temps en se montrant le plus costaud dans un sprint en côte. Ce succès tombait…dix-sept ans après sa première victoire dans la course à étapes française en 2005. Un bouquet d’étape qui est à la base de sa victoire finale et de son maillot rose dans ce marathon de quatre jours dans le Nord de la France.

Gilbert, le plus âgé

C’est la huitième épreuve par étapes que Philippe Gilbert accroche à son impressionnant palmarès. C’est même sa plus longue en termes de nombre d’étapes, puisque les quatre jours durent… six jours. Le coureur de Lotto-Soudal est également devenu le Belge le plus âgé à remporter une course UCI depuis le succès de Niko Eeckhout sur la Schaal Sels en 2012. Il avait alors 41 ans.

Phil est aussi devenu le coureur belge le plus âgé, depuis l’après-guerre, à remporter le classement final d’une course par étapes. A 39 ans et 310 jours, il a 96 jours de plus que Lucien Van Impe, lorsqu’il s’était imposé en Espagne sur laVuelta a los valles mineros (Tour des vallées minières) en 1986. A l’époque, le « Ouistiti des Cîmes « , était âgé de 39 ans et 214 jours.

Au XXIe siècle, au niveau international, seuls Chris Horner (41 ans et 327 jours, ) et Oscar Sevilla (40 ans et 220 jours) étaient plus âgés lorsqu’ils ont triomphé respectivement sur le Tour d’Espagne 2013 et la Vuelta Comunidad de Madrid 2017.

« Je veux gagner davantage »

La victoire finale sur un grand tour, comme c’est le cas d’Horner, a certainement encore plus de valeur que la victoire finale aux Quatre Jours de Dunkerque, où le plateau des participants n’a pas le même éclat que celui du Tour d’Italie. L’indice de qualité donné par le site Procyclingstats.com le confirme d’ailleurs puisqu’il attribue un 159 pour la course française et 816 pour l’Italienne.

Mais, comme le dit souvent José De Cauwer : « Il faut déjà gagner une course. ». Surtout lorsque vous approchez de vos quarante ans comme ce sera le cas pour Philippe Gilbert le 5 juillet prochain.

Reste à savoir si le Remoucastrien fêtera cet anniversaire lors d’un Tour de France qui passera à Calais, non loin de Dunkerque, après une escale de trois jours au Danemark. Si le Belge était au départ de la Grande Boucle, il y aurait cependant peu de chances de le voir lutter pour la victoire d’étape comme c’était le cas au Cap Fréhel en 2011.

Néanmoins, le Wallon ne manque pas de motivation. « Je veux gagner davantage », a-t-il déclaré après son succès aux Quatre Jours de Dunkerque. Une noble ambition pour conclure en beauté une carrière qui en a fait le meilleur coureur belge du XXIème siècle.

Cela ne sera probablement pas possible au plus haut niveau. Mais après tout, ne disait-on pas pareil de Mark Cavendish quand il était pratiquement en train de mendier pour un contrat lors de l’hiver 2020 ?

On connaît la suite.

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