Sofyan Amrabat, le petit flop du FC Bruges a bien grandi

L’international marocain, né aux Pays-Bas, réalise un Mondial sensationnel en sentinelle. Déjà convoité par Liverpool, il était passé chez nous au FC Bruges, à une époque où les Blauw en Zwart commencent à dominer le football national. Retour sur une évolution qui a pris du temps.

« J’ai été agréablement surpris par le numéro 8. Je ne me rappelle plus de son nom, j’en suis désolé… », a lancé Luis Enrique, sélectionneur déçu d’une Espagne sortie par le Maroc bien avant ce qu’elle avait prévu pour son voyage au Qatar. Avant d’ajouter, après que le nom d’Azzedine Ounahi lui ait été soufflé: « Mon Dieu, d’où sort ce gars? Il joue vraiment bien! Il m’a surpris ». Le milieu de terrain évolue à Angers et est l’une des révélations de ces Lions de l’Atlas protégés par leurs tours de contrôle Nayef Aguerd et Romain Saïss et dont les clés de la forteresse se trouvent bien gardées dans les gants de Yassine Bounou.

Devant ce trio, aux côtés de Ounahi, difficile de passer sous silence l’incroyable prestation du nettoyeur Sofyan Amrabat. « Quel joueur. Il est le moteur de notre équipe », affirme sans hésiter le sélectionneur du Maroc Walid Regragui. « Sans lui, nous n’aurions jamais obtenu ce résultat. Comme je suis heureux qu’il soit là. J’ai peut-être dû le convaincre, oui. Mais ce qu’il fait ici est céleste. Nous savions qu’il pouvait le faire, mais il fait encore mieux. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Peu à son affaire contre la Croatie, le joueur de la Fiorentina a depuis lors rectifié le tir avec des prestations solides contre la Belgique et le Canada avant d’écoeurer l’entrejeu de la Roja. « Amrabat, on le connaît déjà, il joue très bien aussi », avait d’ailleurs rajouté Luis Enrique au moment de féliciter les pièces maîtresses du Maroc. Avec 9 récupérations, 4 tacles réussis et une interception en 49 ballons touchés, il a muselé les milieux espagnols en remportant aussi sept duels et six possessions dans le dernier tiers adverse. C’est sans doute l’une des plus grosses performances individuelles de ce tournoi, même si elle n’a pas l’éclat des récitals joués par Kylian Mbappé et Lionel Messi au même stade de la compétition.

L’homme d’Huizen, en Hollande-Septantrionale, doit composer au Qatar sans son frère Nordin, qui évolue à l’AEK Athènes, et n’a pas été repris dans la liste des 26 de Regragui. De 9 ans son aîné, Nordin Amrabat a déjà connu les joies de la Premier League, un championnat qu’aspire à rejoindre prochainement Sofyan. Mais dans un cercle plus prestigieux et ambitieux que Watford puisque le Liverpool de Jürgen Klopp aimerait bien mettre la main sur l’une des grandes révélations de cette Coupe du monde.

Actuellement à la Fiorentina, la sentinelle d’Huizen est d’abord passée par le centre de formation d’Utrecht avant de poser ses valises à Feyenoord pour un contrat de quatre ans. Malgré une prestation catastrophique en Ligue des Champions contre Manchester City à un poste d’arrière droit qui lui jouera encore de mauvais tours par la suite, Il s’impose directement au milieu et est appelé pour la première fois en sélection nationale marocaine par Hervé Renard qui le titularisera pour une joute amicale contre la Tunisie à la fin du mois de mars 2017. Le nouvel international marocain estime avoir beaucoup appris de cette soirée cauchemardesque contre les Cityzens. « Il y avait un problème à ce poste. L’entraîneur m’a demandé si je pouvais y jouer. Personne ne voulait, donc j’ai donné mon accord. Je suis très critique envers moi même, c’est pour ça que j’avoue avoir fait d’énormes fautes dans ce poste. Heureusement que dans ma tête, c’est ‘on ne fait pas de fautes, on apprend », confiait-il à l’époque.

Après une bonne saison, Amrabat décide de s’en aller du Kuip, après que la formation néerlandaise ait été sortie avant même la phase de groupe de l’Europa League. Le FC Bruges, en quête d’un récupérateur, profite d’une bonne affaire estimée à 2 ou 2,5 millions pour renforcer l’effectif mis à disposition d’Ivan Leko.

Un impatient « gangster »

Difficile cependant de trouver sa place de titulaire au sein d’un entrejeu où Mats Rits et Ruud Vormer entourent le meneur de jeu Hans Vanaken. Le Club enchaîne les résultats et le Néerlandais se blesse en plus à la cheville en octobre. « Nous n’avons pas douté une seconde de son énorme talent », confiait l’un des adjoints de Leko à l’époque, Rudi Cossey, dans les colonnes de Gazet van Antwerpen. « Mais nous disposions d’un milieu de terrain solide. Grâce à son talent inné, Sofyan aurait pu prendre sa place, mais il manquait de discipline tactique. De plus, il était venu de Feyenoord en supposant qu’il allait être directement important chez nous. Il pensait que ça viendrait naturellement. Ce n’était évidemment pas le cas du trio Rits-Vormer-Vanaken, qui se trouvait au-dessus de lui dans la hiérarchie », estime celui qui était encore l’adjoint d’Edward Still à Charleroi en début de saison.

Sofyan Amrabat devra attendre le 29 novembre 2018, et le prestigieux cadre de la Ligue des Champions, pour recevoir sa chance dans le onze de départ. Préféré à Rits et aligné aux côtés de Marvelous Nakamba, il permet aux Brugeois d’obtenir un point et de conserver leurs filets inviolés. Il est aussi nommé homme du match et devient incontournable dans l’équipe. « Le gangster dont j’avais besoin », dira le technicien brugeois après cette prestation marquante sur la pelouse du Signal Iduna Park.

« Le gangster » Amrabat contre Axel Witsel qu’il avait défié lors du Mondial et en compagnie d’Hans Vanaken. (Photo by Lars Baron/Bongarts/Getty Images,)

La maturité en Italie

A partir de janvier, Leko le délocalise en défense centrale où il doit évoluer à droite dans le triangle et couvrir le flanc qui est occupé par le très offensif Krépin Diatta. L’entraîneur croate du FC Bruges ne semble pas envisager l’international marocain au coeur de son jeu, surtout que les défections s’accumulent dans son arrière garde. « Sofyan compte beaucoup pour le club. Peu importe où il joue, il se donne à fond pour l’équipe, ce que j’apprécie beaucoup« , déclarait le sulfureux croate. « Sa prestation en tant que défenseur central à la place de Brandon Mechele était très bonne. Il a encore mieux joué qu’à droite. Mais son vrai poste se trouve au milieu de terrain. Mais quand Matej Mitrovic, Mechele et Saulo Decarli ne sont pas là, tu dois trouver d’autres solutions et Amrabat en est une bonne.« 

Si son coach semble s’en contenter, beaucoup estiment que ces prestations livrées à une position qui ne correspondait pas à ses qualités auront raison de son aventure en Venise du Nord, où il devient indésirable. La suite de l’histoire, avec une participation au Mondial 2018 entre les deux, s’écrira à l’Hellas Vérone, avec le numéro 34 qu’il a pris en hommage à Abdelhak Nouri, son ami dont la carrière sportive avait brusquement pris fin après un arrêt cardiaque. Il va s’imposer en Italie, tout en prenant plus de place en sélection, même si Ounahi lui est plus souvent préféré par Vahid Halilhodzic, le sélectionneur des Lions de l’Atlas. « Ce n’était pas un garçon facile », se remémore Cossey dans son interview à GvA. « Il était impatient et voulait sauter les étapes. Avec Arnaut Danjuma (aujourd’hui à Villarreal), ils formaient un duo à part dans le groupe. Leur attitude négative a pris le dessus. Ce n’était plus tenable. Ils sont donc partis tous les deux après cette saison », affirme Rudy Cossey.

Malgré cet épisode peu réussi de sa carrière, Amrabat a gardé de bons contacts avec ses anciens partenaires brugeois. « Vanaken m’a félicité », déclarait la sentinelle des Lions de l’Atlas après le duel contre les Diables. « Vous auriez pu l’utiliser lors de cette Coupe du monde car je pense que c’est un très bon joueur », estimait-il encore.

Sofyan Amrabat avec Vincenzo Italiano, son entraîneur à la Fiorentina. (Photo by Jonathan Moscrop/Getty Images) © belga

« Parfois, il faut être dur sur le terrain et j’essaie d’être ce joueur, je suis quelqu’un qui n’a peur de personne », avait avoué Sofyan Amrabat lors de son passage en Flandre-Occidentale. Il l’a démontré en Italie où il est monté en grade en devenant une pièce essentielle de la Fiorentina depuis 2020. La Viola ne semble être qu’un lieu de passage pour celui dont la carrière pourrait s’écrire chez un potentiel adversaire dans le dernier carré, l’Angleterre. Mais pour cela, il faudra venir à bout d’une impressionnante Seleçao das Quinas qui a passé six buts à la Suisse au tour précédent. Mais Sofyan Amrabat n’a-t-il justement pas dit qu’il n’avait peur de personne, alors que son duel attendu face roi actuel de la dernière passe au Qatar, Bruno Fernandes, sera l’une des clé d’un choc qui pourrait devenir historique pour le football marocain et africain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire