Le football en Croatie dure-t-il désormais plus de 90 minutes ? Comment les prolongations sont devenues le meilleur allié des Vatreni en Coupe du monde

Luka Modric et ses compatriotes ont atteint le troisième dernier carré de leur histoire en Coupe du monde au terme de deux séances de tirs au but consécutives. Et une nouvelle habitude pour le football croate, à l’échelle mondiale de s’illustrer dans un exercice qui lui réussit moins sur la scène continentale. Retour dans le passé.

Aura-t-on droit pour la deuxième édition consécutive à une finale identique en Coupe du monde ? Ce serait la seconde fois si la Croatie et la France venaient à bout de l’Argentine et du Maroc ce mardi et ce mercredi. On a déjà eu par deux fois des vainqueurs consécutifs (l’Italie en 1934 et 1938 et le Brésil en 1958 et 1962) ou des finalistes malheureux présents deux éditions de suite (les Pays-Bas en 1974 et 78 et l’Allemagne de l’Ouest en 1982 et 86). Pour trouver trace de deux nations qui se retrouvent au stade suprême de l’épreuve à quatre années d’intervalle, il faut remonter aux eighties quand l’Allemagne et l’Argentine s’étaient affrontées lors des derniers matches des éditions 1986 et 1990. Tout le monde était content puisque l’Albiceleste avait brandi la Coupe en 1986 et la Mannschaft quatre ans plus tard. La Croatie pourrait-elle faire pareil dimanche prochain en prenant sa revanche sur son bourreau de 2018 ?

Si retrouver la France le 18 décembre ne serait pas vraiment une surprise au vu de la qualité de son noyau (et ce malgré les absences de joueurs de la trempe de Karim Benzema, Ngolo Kante ou Paul Pogba), la présence des Vatreni en serait une. Considérée comme vieillissante avec ses nombreux trentenaires, la Croatie sortait d’un Euro moyen qui s’était terminé dès les huitièmes de finale. De plus, un parcours difficile l’attendait après avoir privé les Diables rouges de désert et de phase à élimination directe. Le Japon, qui venait de s’offrir les scalps de l’Espagne et de l’Allemagne et la perspective de retrouver un Brésil annoncé comme grandissime favori en quart de finale ne semblait pas prédestiner des Croates laborieux à une place parmi les quatre meilleures nations du tournoi. Deux séances de prolongations et deux séances de tirs au but plus tard, lors desquelles Dominik Livakovic a sorti le grand jeu, revoici le Damier dans le troisième dernier carré de sa jeune histoire. Rappelons que la Croatie ne fêtera que les 30 ans de son affiliation à la FIFA et de membre de l’UEFA que l’année prochaine.

Trois derniers carrés en même pas trente ans

Si elle a toujours compté de brillants joueurs dans ses rangs, la Croatie n’a pourtant jamais offert des festivals offensifs dans les grands tournois, et encore moins dans les matches à élimination directe. Et cela ne remonte pas qu’à cette édition 2022 de la Coupe du monde. Les Vatreni sont d’ailleurs redoutables dans ces matches couperets, puisqu’à l’exception de la finale perdue contre la France voici quatre ans, ils n’ont plus perdu, c’est-à-dire en ne tenant pas compte des résultats d’une éventuelle séance de tirs au but, depuis… 1998 en Coupe du monde. Lors des Championnats d’Europe, les matches de longues durées semblent moins convenir à la jeune nation issue de l’éclatement de la Yougoslavie.

Logiquement absents du Mondial américain de 1994, les Croates s’invitent à l’Euro disputé en Angleterre, en 1996. Ils terminent deuxièmes de leur groupe après avoir remporté leur première victoire dans l’épreuve contre la Turquie, grâce à un but de Goran Vlaovic. Après cela, ils s’offriront le scalp du tenant du titre de l’époque, le Danemark. Largement battue par le Portugal lors du troisième match de groupe, la Croatie subit logiquement la loi de l’Allemagne en quart. Cette dernière s’impose 2-1 en 90 minutes de jeu.

Les deux seuls buts de Lilian Thuram en Coupe du monde sont synonymes de dernière défaite croate en match à élimination directe de la Coupe du monde. Avant une finale du moins. (Photo by HASLIN Frederic/Corbis via Getty Images)

Deux ans plus tard, les Vatreni viennent surprendre le monde entier en France et se hissent jusqu’en demi-finale. Ils sortent en deuxième position d’un groupe où seule l’Argentine en vient à bout. En 1/8e, ils n’ont besoin que des 90 minutes pour passer l’obstacle roumain avant de prendre une revanche sur l’Allemagne et de lui infliger une véritable déroute (0-3). Contre le futur vainqueur du tournoi, la France, la Croatie mènera 0-1 grâce à Davor Suker avant d’être retournée par deux buts de l’improbable Lilian Thuram, qui n’avait jamais marqué jusque là avec les Bleus ne le fera plus par la suite. C’est à partir de ce match que beaucoup de choses vont changer pour le football dans le pays du Damier, d’abord en mangeant pas mal de pain noir après le retrait de la génération dorée (ou bronzée) des Suker, Zvonimir Boban, Robert Prosinecki et consorts.

La Croatie redescend violemment les pieds sur terre en ne parvenant pas à s’inviter lors du championnat d’Europe organisé dans notre pays et aux Pays-Bas. La suite sera à peine mieux avec une sortie précoce dès le premier tour du Mondial 2002, malgré une victoire contre l’Italie, finaliste du dernier Euro. Le résultat sera identique lors de l’Euro 2004 et la Coupe du monde de 2006. Néanmoins la jeune nation parvient toujours à être présente en phase finale et toutes ne peuvent pas en dire autant.

La Croatie doit attendre 2008 pour vivre sa première prolongation

Après le Mondial en Allemagne, Slaven Bilic, l’un des joueurs présents lors de l’épopée de 1998 en France, prend place sur le banc et va donner une nouvelle couleur aux Vatreni. Ceux-ci survolent leur groupe de l’Euro 2008 avec trois victoires avant de défier les Turcs en 1/4 de finale. Les deux équipes filent aux prolongations et Ivan Klasnic pense offrir une première demi-finale européenne à son pays en faisant trembler les filets turcs à la 119e. Mais dans la foulée, Semih Sentürk ramène la Turquie à hauteur de son adversaire et ce sont les tirs au but qui décideront du vainqueur. Les joueurs du Bosphore marquent leurs trois tentatives tandis que le jeune Luka Modric (23 ans à l’époque), Ivan Rakitic et Mladen Petric échouent devant l’emblématique gardien turc Reçber Rüstü. Si le bonheur n’est pas au bout du chemin, la Croatie s’offre son premier match non perdu au-delà des 90 minutes du temps réglementaire. Mais ce sera aussi le seul sur la scène continentale.

Lors de l’Euro 2008, la Croatie dispute sa première prolongation en grand tournoi mais s’incline aux tirs au but contre la Turquie. (Photo by Clive Mason/Getty Images)

Deux ans plus tard, les Croates ne voient pas l’Afrique du Sud et n’iront pas plus loin que la phase de groupe lors de l’Euro suivant, après avoir été placés dans le groupe de l’Italie et l’Espagne, qui seront d’ailleurs les deux finalistes d’une édition organisée conjointementpar la Pologne et l’Ukraine. Lors de la Coupe du monde au Brésil, les Vatreni doivent plier bagage dès le premier tour du tournoi avant de s’offrir des prolongations en 1/8e de finale lors de l’Euro disputé en France. Dans un match terne et ennuyant, ce sont les prolongations qui doivent décider du qualifié. C’est le futur champion d’Europe portugais qui sort gagnant de l’exercice grâce à un but tardif de Ricardo Quaresma. C’est la première des deux défaites de la Croatie avant le coup de sifflet des 120 minutes.

Plus aucune victoire en 90 minutes depuis 2018 en matches à élimination directe

En Russie, les Flamboyants prendront leur revanche de manière éclatante sur le sort, en faisant des rencontres de longues durées leur nouvelle spécialité. En 1/8e contre le Danemark, Mario Mandzukic répond seulement 180 secondes plus tard au coup de froid jeté dès la première minute par Mathias Jörgensen. Malgré ce début tonitruant, ce sont les tirs au but qui décideront du pays qui rejoindra les quarts. Les Croates l’emporteront 3-2 grâce à un Danijel Subasic en état de grâce et auteur de trois arrêts. Une performance qu’égalera Livakovic contre le Japon.

Contre l’hôte russe, l’égalité est totale après 90 minutes de jeu (1-1) et les prolongations verront Mario Fernandes redonner de l’espoir à une Sbornaïa qui avait concédé un second but des oeuvres de Domagoj Vida, idéalement servi par le métronome Modric. Lors des tirs au but, les Croates feront preuve de plus maîtrise, à l’exception de Mateo Kovacic, et s’imposeront 4-3.

Dans le dernier carré, c’est l’Angleterre qui se dresse sur la route des hommes de Zlatko Dalic. Les Three Lions pensent avoir réalisé le plus dur en prenant l’avance dès la cinquième minute grâce à Kieran Trippier. Malheureusement pour eux, Ivan Perisic rétablira l’égalité à la 68e avant d’offrir à Mario Mandzukic et à la Croatie, encore dans les prolongations, un billet historique pour la grande finale. Lors de cette dernière, le ressort est cassé et le Damier s’incline finalement 4-2 au terme des 90 premières minutes réglementaires.

Mario Mandzukic of Croatia commemorates victory at the end of the 2018 FIFA World Cup Russia Semi Final match between England and Croatia at Luzhniki Stadium on July 11, 2018 in Moscow, Russia. (Photo by Raddad Jebarah/NurPhoto via Getty Images) © belga

Lors du dernier Euro, les Vatreni terminent deuxièmes de leur groupe et retrouvent l’Espagne en 1/8e de finale. Le match est assez spectaculaire puisque la Roja mène 3-1 avant de voir son adversaire remonter à sa hauteur dans les arrêts de jeu, grâce à Mario Pasalic. Comme cinq ans plus tôt, contre le voisin de la péninsule ibérique, la Croatie craque dans les 30 minutes supplémentaires. Alvaro Morata et Mikel Oyarzabal assoment les finalistes du Mondial dès la première mi-temps des prolongations. A croire que les duels de longue haleine disputées sur la scène continentale semblentmoins inspirer. Alors qu’ils affichent un bilan de 5/5 au Mondial, signé au cours de leurs cinq derniers matches à élimination directe, le bilan est moins reluisant à l’Euro. En trois séances de prolongations, la Croatie a concédé deux défaites avant les 120 minutes et un échec aux tirs au but.

Difficile de trouver une explication rationnelle à cela, surtout que l’échec européen de l’an dernier intervenait après les 3 sur 3 réalisé en Russie et le 2 sur 2 de cette année. En attendant, l’Argentine, qui retrouve le dernier carré de la compétition mondiale pour la première fois depuis 2014, n’aura pas intérêt à sous-estimer ces accrocheurs balkaniques. Parole de Brésiliens, les plus grands rivaux de l’histoire albiceleste.

La Croatie lors des Coupes du monde

Editionsrésultat finalmatches à éliminations directesnombre qui se sont finit aux prolongationsinvaincus/gagnants après 120 minrésultats séances de tirs au but
19983e3000
20021er tour0000
2006 1er tour0000
2010absent
20141er tour0000
2018finale4332/2
20221/2 finale2222/2
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