Comment l’araignée Julian Alvarez a déployé sa toile dans l’attaque argentine

Doublure de Lautaro Martinez en début de tournoi, l’attaquant de Manchester City a su profiter de la crise de confiance traversée par l’Interiste pour saisir sa chance en pointe de l’attaque albilceste. Et lui apporter un nouveau souffle. Analyse.

Frère d’attaque de Romelu Lukaku en pointe de l’attaque de l’Inter, Lautaro Martinez semblait être parvenu à résoudre le problème posé par le poste de numéro 9 au sein de son équipe nationale. Dans l’Argentine de Gabriel Batistuta ou d’Hernan Crespo, les générations qui se sont suivies pendant le règne de Lionel Messi n’ont jamais vraiment su offrir le profil d’avant-centre idéal au double champion du monde. Il y a pourtant eu les goleador, comme Gonzalo Higuain ou Mauro Icardi, qui faisaient trembler les filets chaque semaine en Italie sans reproduire leurs exploits en sélection. Ensuite, les faux numéros 9 comme Sergio Agüero et un Paulo Dybala dont le profil rappelle trop celui de la Pulga. Presque désespérée du manque de solutions, l’Argentine a même tenté le pari d’un Dario Benedetto, idole absolue de la Bombonera à Boca Juniors, mais qui est sans doute trop limité au niveau international. Comme en attestent d’ailleurs ses expériences européennes peu concluantes du côté de Marseille et d’Elche.

Lautaro est donc arrivé comme un sauveur, fort de ses prestations aux côtés de Lukaku, qui ont permis aux nerazzurri d’à nouveau s’offrir un Scudetto qui leur échappait depuis quelques années. Aligné en pointe de l’attaque de Lionel Scaloni lors de la Copa América, il ne s’illustre pourtant pas vraiment au début et est même renvoyé sur le banc lors de la troisième journée de la phase de groupe avant de planter trois pions de suite, notamment en quart et en demi-finale. Il marque encore 5 fois et délivre deux passes décisives lors des rencontres de la campagne de qualification pour la Coupe du monde. C’est donc logiquement qu’il figure dans le premier onze de base d’un pays qui a aussi remporté le nouveau concept de Finalissima, en marquant le premier but des siens et en en offrant un autre lors de la large victoire (3-0) contre l’Italie.

La malédiction du 9 argentin et les malheurs de Lautaro Martinez

« Lautaro peut être un grand numéro 9 pour Messi. Ses caractéristiques collent parfaitement au jeu de Leo. Dans la surface, par exemple, il est aussi opportuniste que Luis Suarez et lit bien les passes », analysait pour Mundo Deportivo, Fabio Radaelli, qui fut coordinateur des jeunes et entraîneur intérimaire du Racing Club, où Martinez fut formé à ses débuts en Argentine. « Messi est tellement bon que si tu ne bouges pas bien dans la surface, sans le vouloir, tu finis hors jeu. Il faut être très attentif à tout ce qu’il fait parce qu’à tout moment, il te met un ballon incroyable. Tu dois donc être prêt pour ne pas te mettre hors jeu. On dirait qu’il ne va pas le faire, mais il le fait quand même », poursuivait celui qui est désormais en charge des jeunes de Tigre, une autre formation de première division en Argentine.

Etre hors-jeu, Lautaro Martinez le fut à deux reprises contre l’Arabie Saoudite. Il fut ainsi privé deux buts (de belle facture) et son moral semble en avoir été affecté. Décevant contre le Mexique, Scaloni le remplace par Julian Alvarez qui va saisir sa chance et redonner un souffle à une attaque albiceleste en panne d’efficacité. Cantonné au banc depuis, l’Interiste a réalisé une prestation calamiteuse contre l’Australie quand il a pris le relais du nouvel avant-centre titulaire. Il a gâché au moins trois grosses occasions de but dont un caviar de Messi qu’il a expédié dans le ciel de Doha, alors qu’il avait tout le temps de cadrer sa frappe.

Cette maladresse inhabituelle dans son chef lui a valu moultes moqueries sur les réseaux sociaux. L’agent de Martinez, Alejandro Camacho, est monté au créneau pour défendre son poulain. « Lautaro joue sous infiltration« , a-t-il expliqué à la radio La Red. « Il souffre beaucoup de la cheville. Il travaille dur pour faire disparaître cette douleur et dès que cela arrivera, il volera à nouveau sur le terrain. Martínez est l’un des meilleurs buteurs du monde », a poursuivi Camacho. Ce dernier explique aussi que son client a été affecté par les deux réalisations qui lui ont été refusées lors de l’entrée dans la compétition de l’Argentine. « Lautaro est très fort dans la tête, mais ces buts refusés étaient durs à avaler », estimait l’homme de confiance de l’Interiste. « Lautaro et Julián se renforcent dans la concurrence, ils se font du bien », a-t-il conclu.

Le joueur de Manchester City, âgé de 22 ans et qui a traversé l’Atlantique cet été en provenance de River Plate, a depuis lors marqué deux fois. Celui qui posait, quand il n’avait que onze ans, en compagnie d’Angel Di Maria et Léo Messi les aide désormais dans leur quête d’un sacre mondial. Dans une vidéo toujours en ligne, où on le voit dans un maillot du Club Atletico Calchin, l’équipe de sa ville natale, le petit Julian explique alors son rêve de jouer une Coupe du monde. Son idole est celui qui est désormais son capitaine dans le maillot rayé bleu et blanc. Le rêve est désormais devenu réalité pour celui qui doit incarner l’avenir du football argentin et en est déjà le porte-bonheur comme en attestent les statistiques suivantes.

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Spécialistes des « premières » en club et en sélection

Julian Alvarez a trouvé le chemin des filets à neuf reprises lors de ses 12 dernières titularisations, tant sous le maillot de Manchester City que de l’Argentine. Il a aussi marqué six fois d’affilée lors des six dernières rencontres dans lesquelles il a été aligné d’entrée par ses entraîneurs. Le buteur de Calchin n’a pas réalisé la prestation quatre étoiles et bluffante d’un Gonçalo Ramos contre la Suisse, mais pourrait s’inscrire dans la durée, à commencer par ce tournoi mondial.

Alvarez a en tout cas toujours soigné ses entrées. Le 29 mars dernier, il est titularisé pour la première fois en équipe nationale, contre l’Equateur. Il n’atted que 24 minutes pour planter sa première rose dans les parterres internationaux. Dans l’ombre d’Erling Haaland chez les Cityzens, il patiente jusqu’à la cinquième journée pour recevoir sa chance dès le premier coup de sifflet d’une joute de Premier League, contre Nottingham Forest. Le résultat ? Il signe un doublé. En Ligue des Champions, le joueur formé à River Plate est titularisé lors des quatre dernières rencontres de la phase de groupe et trouve la faille dès la première, contre un FC Copenhague qui avait déjà relégué sa victime de samedi, Mathew Ryan, sur le banc. Contre la Pologne, il est présent au coup d’envoi et double la mise après un service parfait d’Enzo Fernandez, l’autre grande promesse argentine intégrée au onze de base et qui a aussi quitté River Plate cet été. Ce dernier avait ouvert son compteur international lors du duel contre le Mexique, après avoir été servi par un Messi qu’il suppliait, dans un post Facebook ressorti depuis des entrailles du net, de ne pas prendre sa retraite internationale après l’échec de son pays en finale de la Copa América.

Les deux jeunes hommes, passés entre les mains d’un technicien réputé comme Marcelo Gallardo, ont en tout cas parfaitement digéré leur traversée de l’Atlantique. Le transfert d’Alvarez, conclu dès le mois de janvier de cette année, était presque passé inaperçu, éclipsé logiquement par la venue plus bling bling d’Erling Haaland pendant les mois estivaux. Pour s’attacher les services de l’attaquant argentin, les milliardaires de City n’avaient dépensé que 18,5 millions d’euros. Preuve qu’en plus de disposer de fonds quasi illimités pour attirer des stars, les Cityzens possèdent une cellule de scouting capable de dénicher d’autres pépites à prix plus raisonnables.

Passé par la Cantera de River Plate, Julian Alvarez aurait pourtant pu porter les couleurs du Real Madrid et Boca Juniors, deux clubs qui seront quelque part liés à l’une de ses premières apparitions dans un contexte important. A onze ans, il passe même un test chez les Merengue et marque deux buts en cinq matches lors d’un tournoi de jeunes remporté par le géant espagnol. Ce dernier n’a cependant pas voulu lui offrir de contrat car il n’engage pas d’étrangers avant leurs treize ans.

Le fils de Gustavo, qui travaille dans une usine fabricant des céréales et de Mariana, institutrice dans un jardin d’enfants, a été lancé pour la première fois avec l’équipe fanion des Millonarios, le 27 octobre 2018, à l’occasion d’une rencontre de championnat contre Aldovisi où il remplace Rodrigo Mora peu après l’heure de jeu. La première titularisation tombe la journée suivante lors d’une défaite contre l’Estudiantes, où il est aligné sur le flanc gauche. La première passe décisive est délivrée lors de sa troisième apparition contre Gimnasia, une équipe qui avait sorti River Plate en demi-finale de la Coupe quelques jours plus tôt et contre laquelle Alvarez était monté au jeu. Deux semaines plus tard, il prend l’avion avec les Gallinas en direction l’Estadio Bernabeu.

Julian Alvarez n’a que 4 matches pros dans les guiboles lorsqu’il monte en finale de la Copa Libertadores 2018 remportée par River Plate. (Photo by Quality Sport Images/Getty Images,)

Pas pour défier le Real Madrid, mais Boca Juniors, l’éternel rival et voisin de Buenos Aires en finale de la Copa Libertadores, la Ligue des Champions version sudaméricaine. Suite aux nombreux incidents dans les rues de la capitale argentine qui ont émaillé la manche aller, le retour est délocalisé de l’autre côté de l’Atlantique. Alvarez remplace Exequiel Palacios, présent lui aussi au Qatar, à la 97e, alors que les deux équipes doivent se départager au cours des prolongations. Quelques minutes plus tard, Juan Fernando Quintero et Gonzalo Martinez permettent de ramener celle qu’on surnomme parfois la Coupe aux petites oreilles à l’Estadio Monumental. En seulement quatre apparitions, le natif de Calchin a déjà porté bonheur aux siens en leur permettant de soulever le trophée le plus convoité du continent.

Repris pour le Mondial des clubs dans la foulée, Alvarez offre un caviar à Gonzalo Martinez sur l’un des trois buts du club de Buenos Aires, lors du duel pour la médaille de bronze, contre Kashima Antlers. La première rose plantée chez les professionnels par Julian Alvarez le sera dans le jardin d’Independiente le 17 mars 2019. Il s’agit du club argentin le plus titré de l’histoire de la Copa Libertadores devant Boca Juniors. Dans cette dernière compétition, c’est lors d’un match de groupe au début du mois de mai qu’il trouve la faille pour la première fois, contre le club brésilien d’Internacional.

L’Araignée tisse sa toile

Petit à petit, le prodige devient une valeur sûre dans le onze de départ de Marcelo Gallardo. Lorsqu’il dira au revoir aux fans à l’Estadio Monumental, la Araña (l’araignée en espagnol) présente un bilan de 54 réalisations et de 31 passes décisives en 122 apparitions pour River Plate. Il a marqué toutes les 146 minutes et a été impliqué dans une réalisation de son équipe toutes les 93 minutes. En championnat, il a un pied dans une rose plantée par les Millonarios toutes les 83 minutes (22 buts et 10 assists). En Copa Libertadores, il est un rien moins performant, mais son implication toutes les 102 minutes dans un goal de River Plate, confirme qu’il est désormais un membre vital du cador argentin.

Il est déjà membre de la sélection nationale qui soulèvera la Copa Libertadores en 2021, même s’il doit se contenter des miettes en termes de temps de jeu, avec seulement 34 minutes en phase de groupe contre la Bolivie. Les qualités de Julian Alvarez sont évidentes, aussi bien pour Gallardo et Pep Guardiola que pour Scaloni. Ce dernier a changé son fusil d’épaule après les deux premières sorties ratées de Lautaro Martinez au Qatar, toujours avec pour idée de placer son stratège Lionel Messi dans les meilleures conditions. Rio Ferdinand estimait après le 1/8e contre l’Australie que le numéro 10 albiceleste avait signé la plus belle prestation individuelle de cette cuvée 2022 du Mondial.

Gabriel Batistuta pense aussi que le profil d’Alvarez n’y est pas étranger. Au micro de TyC Sports, l’ancien grand attaquant argentin expliquait ceci: « Scaloni a décidé de déployer Julian car il s’associe mieux avec Messi, Di María et Alexis Mac Allister. Il sait comment lier le jeu et se déplacer sur les flancs et dans les zones préférées de passes de Messi. Scaloni cherchait ces caractéristiques et les a trouvées chez Julian », estime Batigol, qui considère Lautaro comme un finisseur pur à son image.

Julian Alvarez, l’attaquant au profil idéal pour faire briller le sens de la passe de Lionel Messi ? (Photo by Visionhaus/Getty Images)

Lionel Scaloni pourrait-il changer son fusil d’épaule et son système de jeu pour mettre à l’épreuve la solide organisation défensive néerlandaise en quart de finale ? Batistuta pense que non: « Pour moi, les deux attaquants ne sont pas compatibles. Je pense qu’il n’y a pas de place pour les deux sur le terrain et l’Argentine n’en a pas besoin, sauf si elle devait se retrouver dans une situation où il faudrait marquer trois ou quatre buts. Les deux sont capables de faire trembler les filets en jouant seuls en pointe. C’est une qualité que les autres pays n’ont pas nécessairement .Cela me donne l’espoir de voir l’Albiceleste tenir la distance à la Coupe du monde. »

Contre le Mexique, alors que l’Argentine peinait à bousculer le bloc adverse, l’attaquant de City a effectué une course en diagonale dans la surface de réparation pour distraire les deux défenseurs centraux d’El Tri. De quoi offrir quelques secondes et des mètres d’espace supplémentaires à La Pulga aux abords des 16 mètres et de lui permettre de décocher le tir qui allait finir sa course dans le coin inférieur gauche des cages de Guillermo Ochoa. Les premières pages des journaux de l’état sudaméricain allaient pouvoir afficher sur leur Une cette image du jeune Julian célébrant ce but de son idole de toujours et auquel il avait contribué sans faire usage du ballon.

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Contre l’Australie en 1/8e de finale, c’est lui qui inscrira le second but argentin en pressant, en compagnie de Rodrigo de Paul, un Mathew Ryan qu’il poussera à la faute. La capacité d’Alvarez à harceler les adversaires quand ils sont en possession du ballon en font un profil précieux et intéressant pour contrôler les événements en perte de balle. Surtout qu’il couple cette qualité à un passing précis et efficace tant quand il part en profondeur que quand il décroche. Capable d’évoluer en pointe ou en soutien d’un avant-centre, Julian Alvarez n’est-il pas au final le vrai faux numéro 9 tant convoité par Pep Guardiola depuis des années ? Mais aussi ce joueur capable de changer certaines notes de la partition tactique pourtant millémétrée du compositeur de football catalan.

Compatible avec Messi mais peut-être aussi Haaland

L’endurance de la nouvelle pépite albiceleste est aussi un autre atout majeur. Rarement blessé, il pourrait ainsi apporter sa contribution à Manchester City, où le colosse norvégien Haaland semble parfois avoir des pieds d’argile. Entre le 25 octobre et le 9 novembre, Alvarez a commencé six matchs consécutifs pour les Cityzens et a laissé une bonne impression, même s’il souffre parfois de la comparaison avec son rival, déjà érigé au rang de future star mondiale du football. Rien ne dit non plus que Guardiola ne décidera pas d’aligner son duo de concert car leurs profils sont compatibles à ses yeux. L’amoureux de l’hyper possession a parfois évolué ces dernières années vers plus de verticalité en mettant aussi l’accent sur une meilleure gestion des moments sans ballon. Et dans ce registre, Julian Alvarez a déjà démontré toutes ses qualités.

Et si d’aventure, le natif de Calchin devait porter le bleu ciel et blanc argentin sur le toît du monde, peut-être qu’il viendra ensuite tisser une autre toile bleue ciel sur une Coupe aux grandes oreilles qui fait tant fantasmer l’Etihad Stadium.

 

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