Yannick Agnel, visage déchu de l’âge d’or de la natation française

Sacré double champion olympique à 20 ans, Yannick Agnel, mis en examen samedi pour « viol et agression sexuelle sur mineure de 15 ans », est un des visages de la génération dorée de la natation française, à la réussite à la fois fulgurante et éphémère.

L’ancien nageur a reconnu « la matérialité des faits reprochés », a déclaré lundi la procureure de la République de Mulhouse, mais Yannick Agnel a affirmé ne pas avoir eu « le sentiment qu’il y (avait) eu contrainte » à l’encontre de la victime, Naome Horter. Celle-ci est la fille de Lionel Horter, alors entraîneur d’Agnel, et était âgée de 13 ans à l’époque des faits en 2016, alors que le nageur avait 24 ans, a spécifié lors d’une conférence de presse Edwige Roux-Morizot.

Contactée dans la foulée par l’AFP, l’avocate de Yannick Agnel s’est refusée à tout commentaire.

La carrière de l’ex-nageur nîmois, âgé aujourd’hui de 29 ans et retiré des bassins depuis 2016, culmine dès 2012 aux Jeux olympiques de Londres, où la natation française connaît les résultats les plus fastes de son histoire. Des sept médailles qu’elle y obtient, il est impliqué dans trois: or sur 200 m et avec le relais 4×100 m, et argent avec le 4×200 m.

Après Laure Manaudou et Alain Bernard, et avec Camille Muffat, Florent Manaudou ou encore Camille Lacourt et Jérémy Stravius, Agnel, silhouette longiligne qui dépasse les deux mètres, qualités aquatiques d’exception et image d' »intello » cultivée à souhait à coups de références littéraires, incarne cet âge d’or. Il a seulement 20 ans.

A 17 ans déjà, il affirme une certaine singularité: quand tous nagent en combinaisons en polyuréthane en 2009, lui s’en tient au classique maillot de bain. « C’est un solitaire. On devient solitaire pour ne pas être freiné », a dit de lui quelques années plus tard Fabrice Pellerin, l’entraîneur qui l’a mené jusqu’à l’or olympique.

– Tournant sinueux –

« Ça commence à 14 ans quand il décide de venir à Nice et de s’éloigner de ses parents » parce qu’il « avait le sentiment que c’est là qu’il pourrait construire sa carrière. C’est cette autodétermination qui m’a convenu », poursuivait alors Pellerin. Les résultats arrivent vite pour Agnel, sacré champion d’Europe du 400 m en 2010, à 18 ans, dès ses premiers championnats internationaux en grand bassin, puis double champion olympique deux ans plus tard – un doublé assorti d’une prometteuse place au pied du podium du prestigieux 100 m.

Mais quand tout porte à croire qu’il a les moyens de devenir un des poids lourds de la natation mondiale, qu’il rêve d’élargir sa palette du 100 m au 400 m, sa trajectoire prend un tournant sinueux.

Au printemps suivant les Jeux de Londres, à bout de souffle et « arrivé à un point de non-retour », il rompt brutalement avec Pellerin, qui l’entraînait depuis sept ans, et songe même à tout arrêter.

Agnel, malgré tout sacré double champion du monde à l’été 2013 (sur 200 m et 4×100 m) – ses derniers titres internationaux -, croit alors à l’aventure américaine auprès de Bob Bowman, l’emblématique mentor de Michael Phelps, à Baltimore, mais il s’y épuise et l’expérience ne dure qu’un an.

Avec les Jeux de Rio en tête, il rentre en France, à Mulhouse précisément, à l’automne 2014.

– Premier roman –

C’est dans la ville alsacienne qu’il travaillera jusqu’en 2016 sous la direction de Lionel Horter – l’entraîneur qui a conduit Roxana Maracineanu, l’actuelle ministre des Sports, à devenir la première nageuse française championne du monde en 1998. C’est là aussi qu’il est aujourd’hui poursuivi pour des faits présumés de viol sur mineure remontant à 2016.

Sa carrière s’achève tristement, à 24 ans, sur des JO-2016 calamiteux, entre qualification rocambolesque, élimination dès les séries du 200 m, et critiques de ses équipiers du 4×200 m pour son absence.

« Vu les quatre dernières années que je viens de passer, si je m’en retape encore quatre comme ça, vous allez me retrouver entre quatre planches. Donc il ne vaut mieux pas » continuer, lâche alors l’ancien Niçois. « Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça a été difficile. J’ai vécu des moments de bonheur qui m’ont sauvé la peau, mais sportivement, ça n’a pas été une mince affaire », avoue-t-il.

Le nageur a aussi été affecté début 2015 par le décès dans un accident d’hélicoptère sur le tournage d’une émission de télé de Camille Muffat, longtemps sa partenaire d’entraînement.

Agnel était consultant pour France Télévisions depuis 2019. Il s’est aussi investi dans le e-sport: il est directeur sportif d’un club et, depuis quelques mois, chroniqueur pour franceinfo, mais le média public a annoncé jeudi « suspendre (cette) collaboration jusqu’aux conclusions de l’enquête ».

Son premier roman, intitulé « Les racines du soleil », doit être publié en janvier.

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