© EMILIEN HOFMAN

Who let the dogs out ?

Battus par le plus petit écart par Herentals en la finale de la Coupe de Belgique, samedi passé, les Bulldogs Liège misent sur un premier titre en BeNe League en fin de saison. Immersion sur la glace pilée.

Accessoire stéréotype du Bordelais bon chic bon genre, le t-shirt noué autour du cou a également ses adeptes du côté de Liège. La frime en moins. Dans les allées de la patinoire de la Médiacité, des dizaines de supporters débarquent avec une vareuse bleu, blanc et rouge déployée dans leur dos.

Sur les basses d’une musique moderne directement issue de l’arène, la mascotte du club – un bulldog – imite le déhanché fessier de Romeo Elvis dans le clip  » Tout oublier « . Un adulte au béret profite du moment pour placer ses trois enfants dans les bras du chien devant la file d’entrée, mais son portable refuse d’immortaliser la scène.

À sa droite, la responsable du shop installe les gourdes, écharpes et autres casquettes à l’effigie du club mises en vente. Dans l’enceinte, les gradins sont déjà pratiquement remplis à vingt minutes du coup d’envoi. Appuyés sur la rambarde, deux ados se préfacent le match en parfaits connaisseurs :

 » T’as vu que Eden Branden était là ?  » –  » Ouais, y a Levi Houckes aussi.  » En contrebas, sur la glace, les joueurs des Bulldogs de Liège terminent leur échauffement, bientôt prêts pour cet affrontement avec les Ahoud Devils Nijmegen.

Marquer le coup maintenant

Ce duel belgo-néerlandais est le dernier de l’année 2018 en BeNe League. Créée en 2015, cette compétition rassemble douze équipes des deux plats pays. Après la phase classique organisée de novembre à fin février, les huit meilleures formations se disputent le titre en play-off.

 » Cette année, on vise la victoire finale.  » Installé sur une chaise bleue d’une salle de réunion blanche et épurée, Olivier De Vriendt ne pratique pas la langue de bois. Chemise blanche à traits rouges sur le dos, le président des Bulldogs Liège voit à travers ce potentiel succès l’aboutissement d’une progression entamée il y a quatre ans.

 » Lors de notre première année en BeNe League, on voulait se qualifier pour le tour final, on l’a fait. La deuxième année, on voulait dépasser les quarts de finale, on l’a fait. La saison dernière, on voulait aller au-delà des demis, on ne l’a pas fait. Du coup, ça ne sert à rien de perdre un an, autant à la fois se qualifier et gagner la finale cette année « , sourit-il.

Jordan Paulus n’a pas moins d’ambition. C’est d’ailleurs pour ça que ce facteur dans le civil est capitaine des Bulldogs depuis son transfert en provenance d’Herentals il y a trois ans.

 » Si on ne gagne pas cette saison, avec l’équipe et la maturité qu’on a, ça va devenir compliqué « , glisse le défenseur.  » Beaucoup de choses changent en un an : on prend de l’âge, on perd un peu de qualité, etc. Il faut marquer le coup maintenant pour pouvoir faire progresser le club.  »

Sous la férule d’un entraîneur américain

À son arrivée à la patinoire de la Médiacité en 2012, le club des Bulldogs Liège décide d’articuler sa politique autour de trois mesures bien précises : la réduction maximale des cotisations, la création d’une école des jeunes et l’embauche d’un entraîneur professionnel.

 » Le club a un statut amateur, tous les membres sont bénévoles, on dépend donc beaucoup de nos sponsors. Mais on essaie d’attraper de vraies habitudes de gestion « , lance Olivier De Vriendt, qui a découvert le hockey sur glace lors de ses études d’ingénieur au Canada.

Là même où Paul Vincent, l’actuel entraîneur américain des Bulldogs, a débuté sa carrière de hockeyeur professionnel en représentant le Toronto Maple Leafs en NHL (la National Hockey League, la compétition la plus relevée de la discipline, ndlr).

 » Paul est une véritable pointure pour la Belgique « , estime Jordan Paulus.  » Ça ne fait que trois ans qu’on est ensemble, on commence donc seulement à assimiler toutes les spécificités qu’il veut nous apporter. Mais quand on aura bien compris, on sera très très fort !  »

À la tête de la formation élite des Liégeois, Paul Vincent a également un contrat pour s’occuper de toutes les autres équipes du club, jusqu’aux plus jeunes âgés d’à peine quatre ans. Car il faut du temps pour maîtriser le hockey sur glace. Lorsqu’un gamin sait patiner, c’est comme s’il arrivait sur un terrain de foot en sachant seulement marcher. Il lui reste alors à apprendre le sport.

 » Nous laissons le temps aux enfants de voir si cela les intéresse vraiment en proposant des abonnements de dix séances « , reprend Olivier De Vriendt, conscient que la cotisation et l’équipement chiffrent aux alentours de 1000 euros. Un fameux investissement.

L’ancien Cercle des Patineurs Liégeois

Depuis peu, les Bulldogs collaborent également avec l’Athénée Royal Atlas à travers un sport-études.  » C’est la cerise sur le gâteau de notre politique de formation « , estime le président.  » Les enfants ont six heures de glace par semaine. C’est un joueur de l’équipe élite qui donne les cours pratiques et physiques.  »

La recette de la jeunesse porte jusqu’ici ses fruits : plusieurs jeunes Liégeois sont internationaux espoirs belges et les U19 des Bulldogs ont récemment été sacrés champions de Belgique. Une première dans l’histoire du club.

Alors que les Devils prennent le meilleur sur les Bulldogs, l’ambiance reste chaude en tribunes. Chaque interruption de match est ponctuée du déclenchement instantané de la sono, qui enflamme l’assemblée avec le titre  » Who let the dogs out ?  » des Baha Men. Un vrai show à l’américaine.

À la pause, les spectateurs qui ont au préalable acheté un puck (palet) sont invités à le lancer sur la glace pour le placer au plus près du centre. Le gagnant – qui a bien entendu attendu que tout le monde se soit débarrassé de son sésame pour positionner le sien – reçoit un lot.

La partie reprend, les supporters liégeois se mettent en voix à chaque duel brutal. Ils sont à peu près 1200 ce samedi. Une belle affluence, certes, mais malgré tout éloignée de celle des années 60. À l’époque, l’ancêtre des Bulldogs, le CPL (Cercle des Patineurs Liégeois) attire jusqu’à 3000 personnes à la patinoire de Coronmeuse.

 » Des gradins en fer servaient d’échafaudages « , se souvient Louis Letté.  » Ça faisait un bruit monstrueux quand les joueurs montaient sur la glace et qu’on tapait sur l’armature pour les encourager.  »

Du sang sur la glace avec les Liégeois

Gamin des sixties, Louis est en partie contemporain des grandes heures du CPL, dix fois champion de Belgique et vainqueur d’une Coupe d’Europe.  » J’en ai entendu des histoires « , assure-t-il.  » Parfois, c’était tout juste s’il n’y avait pas des chaises qui arrivaient sur la glace quand les joueurs néerlandais se montraient trop agressifs avec les Liégeois.  »

Plus tard, un hockeyeur néerlandais racontera que  » là où jouait Liège, il y avait toujours du sang à voir.  » Grand fan, Louis Letté endosse tour à tour les rôles de délégué et de soigneur de l’équipe première. Puis prend du recul en 1988 lorsque le CPL devient CPL Buffalo puis Bulldogs Liège en 1997 pour à nouveau se mêler à la foule de fidèles liégeois en tribunes.

 » Il y a toujours eu du hockey dans la Cité Ardente « , ajoute Olivier De Vriendt.  » Le fait d’être proche de la frontière, l’endroit où la plupart des patinoires belges se trouvent ( Herentals, Hasselt, Turnhout, Anvers, Malines, Heist-op-den-Berg, ndlr), a toujours facilité les échanges et la pratique de la discipline. Et puis, on est juste à côté des Pays-Bas et de l’Allemagne, deux pays où la culture du hockey sur glace est très importante.  »

Engagés toute l’année en BeNe League, les Bulldogs Liège disputent également le championnat de Belgique, organisé sur un week-end, et la Coupe. Ces derniers temps, les Liégeois ont d’ailleurs pris l’habitude de retrouver l’Era Renomar Hyc Herentals en finale des deux compétitions. En février 2018, ils ont d’ailleurs remporté la Coupe.

Cette rivalité avec Herentals se transpose aussi en BeNe League où les deux clubs figurent parmi les six favoris au titre cette saison. Un suspens qui fait du bien à la discipline après des années de vaches maigres.

 » Jusqu’en 2015, il n’y avait plus grand-chose en Belgique alors que la D1 néerlandaise était professionnelle « , place Olivier De Vriendt.  » Mais les clubs n’ont plus pu suivre financièrement et ont commencé à dépérir. La Fédération a donc décidé de faire un pas en arrière en créant une compétition amateur qui intègre certaines formations belges.  »

Le centre de formation, un vivier indispensable

Outre Herentals et Liège, les autres représentants du Royaume pour 2018-19 sont les Chiefs Leuven, les Mechelen Gold Sharks et les Antwerp Phantoms.

La règle des deux seuls étrangers (non belges ou néerlandais) autorisés par équipe est censée assurer le statut amateur du championnat.

 » Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez de Belges voire même de Néerlandais de top niveau « , déplore Olivier De Vriendt.  » D’où l’importance de notre centre de formation.  » Un outil indispensable si les Bulldogs veulent rivaliser. Surtout que la BeNe League devrait logiquement accueillir trois équipes allemandes dès l’année prochaine. De quoi augmenter le niveau, le nombre de matchs intéressants et surtout ajouter de l’expérience.

 » L’Allemagne a terminé deuxième aux derniers JO d’hiver « , rappelle Jordan Paulus.  » Là-bas, les clubs de D1 sont capables d’affronter des représentants de la NHL devant 17 000 personnes, c’est démentiel.  » Les clubs pressentis pour rallier la BeNe League seraient quant à eux issus de la D3.

Le club le plus populaire en Belgique

Lors d’une collision avec un adversaire de Nimègue, un stick liégeois se brise en deux. Gisant quelques instants sur la glace, il est ensuite ramené par l’arbitre au bord du terrain puis transmis à un supporter en tribunes. Une maigre consolation compte tenu de la prestation des Liégeois, en passe de s’incliner.

Dans le même temps, le n°44 de l’équipe adverse, Marcel Kars, provoque l’ire des spectateurs locaux par son attitude jugée trop rugueuse. Son deuxième envoi par l’arbitre sur le banc de pénalité réjouit l’assemblée, qui se met à chanter d’une seule voix :  » Rentre chez toi, ta mère a fait des gaufres !  »

 » On est le club qui possède le plus de supporters en Belgique « , se réjouit Olivier De Vriendt.  » Ça tourne entre 500 et 600 personnes de moyenne avec des pics à 1800 pour la finale de la Coupe de Belgique. La création de deux fan clubs, les Fanabulls et les OldBastards, nous a fait du bien parce qu’ils drainent du monde.  »

Debout en tribunes, Cédric décrit son groupe des Old Bastards comme  » une bande de vieux cons qui a envie de se marrer pendant deux heures.  » Il y a quatre-cinq ans, ces gars-là jouaient encore au hockey pour le plaisir, mais ils préfèrent désormais se revendiquer comme supporters accros.

 » Ici, c’est la famille, c’est la guerre. On boit des bières, on se dépense « , prêche Cédric, dont les vacances familiales se planifient en fonction des lieux où son fils peut participer à des stages de hockey sur glace. Un exemple d’investissement qui plaît à Louis Letté, le vieux de la vieille.

 » Moi qui suis nostalgique de l’ambiance du Standard de Liège des années 70-80, je la retrouve à la patinoire « , annonce-t-il fièrement.  » Il y a une vraie symbiose entre les supporters et les joueurs, qui se retrouvent à la buvette après les matchs. Dommage qu’elle ferme à minuit !  »

La déception de la défaite quelque peu digérée, Olivier De Vriendt évoque les tenants et aboutissants de son sport favori en Belgique.  » Pour continuer à avancer, il faudrait plus de patinoires à travers le Royaume, ce qui n’est pas évident. Récemment, l’équipe de Turnhout a été dissoute parce que sa patinoire a été récupérée par son propriétaire pour en faire un outil de jeu pour les enfants. Le club s’est ensuite installé dans un hangar, mais ça n’a pas duré.  »

Dernier habillé, Jordan Paulus salue ses coéquipiers… et ajoute un dernier mot sur l’importance de cette saison 2018-19.  » Si on veut continuer à progresser, il faut gagner des titres. Les titres amènent du public, de l’attention médiatique, de l’argent, de nouveaux membres, etc…  » Un véritable aboiement d’un capitaine convaincu des capacités de sa meute.

Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.© EMILIEN HOFMAN
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.© EMILIEN HOFMAN
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.© EMILIEN HOFMAN
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.
Les Bulldogs peuvent toujours compter sur une belle chambrée à la patinoire liégeoise de la Médiacité et comptent même deux fan clubs : les Fanabulls et les Old Bastards.© EMILIEN HOFMAN

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