Vonnder Woman

La femme la plus rapide à skis ne peut pas concourir contre les hommes pour le moment.

 » Elle peut introduire une demande pour effectuer la descente en forerunner « , selon le communiqué de la FIS, la Fédération Internationale de Ski, qui repousse ainsi la requête de Lindsey Vonn, de participer à la manche masculine de la Coupe du Monde, à Lake Louise, le 24 novembre.

Le forerunner est en fait un des skieurs qui effectuent la descente avant les participants officiels, afin de tester la visibilité et la sécurité de la piste. La championne américaine doit donc remiser un de ses plus grands rêves. Même si ce n’était pas son but, ce souhait a fait la une des journaux, conférant une belle animation au début de la saison de ski.

La chasse aux records

Ce n’est pas un hasard si Lindsey Vonn a choisi Lake Louise pour tenter de défier les hommes. Elle a déjà remporté cette descente à huit reprises lors des sept dernières années et elle y a ajouté un hattrick la saison passée : deux descentes et le super-G. Ce n’est qu’un des nombreux records de l’Américaine. Elle fait ainsi partie des cinq dames qui ont remporté une course dans chaque discipline alpine : descente, super-G, slalom géant, slalom et combiné. Elle a gagné la Coupe du Monde de descente cinq fois d’affilée, la Coupe du Monde de super-G quatre fois de rang et celle de combiné à trois reprises. Elle est même montée sur le podium des épreuves de slalom, qui requièrent pourtant une spécialisation poussée.

En 2008, 2009, 2010 et 2012, elle a gagné la Coupe du Monde générale, un trophée qu’elle a dû céder à l’Allemande Maria Riesch en 2011. Par ailleurs, ces deux dames forment un duo spécial : depuis les catégories d’âge, elles sont rivales mais cela ne les empêche pas d’avoir tissé de véritables liens d’amitié. Avec des hauts et des bas quand même, car elles se disputent les plus prestigieux trophées. Malgré tout, Vonn loge régulièrement chez le couple Höfl-Riesch à Garmisch. Le trio a même déjà célébré la Noël ensemble, ce qui est quand même spécial. On voit mal Serena Williams se glisser à la table de Maria Sharapova, par exemple…

Vonn est toutefois le numéro un incontesté de ce duo gagnant. Elle domine depuis des années les épreuves de vitesse. Le chiffre le plus éloquent ? Elle en est à 53 victoires en Coupe du Monde. Seules deux légendes la devancent encore : Annemarie Moser-Pröll (62 succès), la skieuse autrichienne des années 70, et la Suissesse Vreni Schneider (55), qui a surclassé le ski féminin des Jeux de Calgary en 1988 jusqu’à ceux de Lillehammer en 1994. La saison passée, avec 1.980 points en Coupe du Monde, elle a établi un nouveau record du monde féminin. Cette saison, elle vise le cap magique des 2.000 points, ce qu’un seul superman a réussi jusqu’à présent, Hermann Maier, Herminator.

En 2010, Lindsey Vonn a été élue Athlète de la Décennie par l’émission Universal Sports de la NBC. Côté masculin, c’est Usain Bolt qui a emporté l’élection.

La mémoire courte

La skieuse est née le 18 octobre 1984 à St. Paul, dans le Minnesota, sous le nom de Lindsey Caroline Kildow, mais elle a adopté le nom du skieur Thomas Vonn en 2007, après leur mariage. Elle pourrait bientôt changer à nouveau de nom car le couple s’est séparé fin 2011 et a entamé une procédure de divorce.

Lindsey a grandi skis aux pieds. Elle n’a que deux ans quand son père lui dispense un premier cours. Alan Lee Kildow a lui-même été champion de ski en juniors mais une grave blessure au genou l’a contraint à renoncer au sport. Rêvant de voir sa fille réussir là où il a échoué, Alan pousse Lindsey et l’inscrit dans une académie de ski réputée.

L’entraînement et les gènes livrent des résultats formidables. En 2002, elle effectue ses débuts aux Jeux de Salt Lake City. Un an plus tard, elle est vice-championne du monde en juniores. Pourtant, il manque quelque chose à cette fille qui s’appuie sur son seul talent. Cette chose, elle la découvre un peu plus tard. Alors qu’elle est en visite chez sa coéquipière Julia Mancuso, en Californie, le père de celle-ci les emmène faire une balade à vélo. Lindsey, peu coutumière du cycle mais surtout en piètre condition, est battue à plate couture par les Mancuso, à sa grande honte. Elle comprend qu’elle doit s’entraîner différemment, plus intensément, si elle veut émarger à l’élite absolue.

Son labeur porte ses fruits : en janvier 2004, Lindsey Vonn monte enfin sur le podium d’une manche de la Coupe du Monde. Elle est troisième de la descente de Cortina d’Ampezzo. Le même hiver, elle conquiert cinq podiums et en décembre 2004, elle ravit sa première victoire, à Lake Louise.

Le reste semble couler de source mais en sport, on ne reçoit pas de cadeau. Et en ski encore moins que dans d’autres disciplines. Vonn subit maints contrecoups durant ses premières saisons. Comme lors de ses premiers championnats du monde, en 2005. Elle doit alors se contenter de places d’honneur dans trois disciplines mais ne franchit pas la ligne d’arrivée du slalom géant. Selon elle, c’est dû à la venue subite de son père, avec qui elle est en mauvais termes.

Ensuite, il y a les chutes et les blessures, inévitables en ski. Chaque fois, elle remonte à skis.  » Il vaut mieux avoir la mémoire courte pour skier dans des descentes pareilles « , confie-t-elle.  » On chute parfois lourdement. Mais je n’ai jamais peur, dévaler une pente à 130 km/h est bien trop chouette.  » Elle joint les actes à la parole. En janvier 2010, à l’approche des Jeux de Vancouver, où elle va remporter l’or en descente et le bronze en super-G, elle s’adjuge trois courses alors que son bras est enserré dans un brace, suite à une chute en décembre… Il n’est pas question d’observer le moindre repos. Elle a certainement eu un trou de mémoire, d’ailleurs, car elle a raté les Jeux de Turin, en 2006, suite à une chute à l’entraînement. À l’époque, malgré une luxation de la hanche et une douleur insoutenable, elle a pris le départ de la descente olympique, deux jours après l’accident. Elle a terminé huitième mais sa détermination lui a valu le prestigieux Olympic Spirit Award américain.

Elever des vaches

Le lauréat de cette distinction est élu par des collègues, d’anciens athlètes olympiques et des supporters. Vonn mérite évidemment ce trophée, qu’elle doit aussi à sa popularité. La skieuse a un physique avantageux, parfaitement mis en valeur par une séance photos de Sports Illustrated, et elle fait figure de rayon de soleil dans son petit monde : toujours souriante, aimable avec les supporters, elle leur consacre beaucoup d’attention car elle se souvient d’un événement qui s’est déroulé quand elle avait neuf ans.

Deux de ses idoles, membres de l’équipe américaine de ski, étaient venus distribuer des autographes à St. Paul. Le samedi, elle rencontre ainsi son grand modèle, Picabo Street.  » Poursuis tes rêves « , conseille-t-il à une Lindsey en pâmoison. Le lendemain, c’est le tour d’une autre idole, dont elle refuse de citer le nom. À la fin de la séance de dédicaces, hélas, il envoie paître Lindsey. La jeune fille est effondrée et ses parents doivent la consoler.  » Je n’ai jamais oublié ce moment.  »

Elle tente donc de consacrer du temps à ses supporters, même quand elle est fatiguée.  » Je n’y parviens pas toujours mais il est quand même plus agréable d’être positive. En tout cas, je me sens mieux comme ça.  » C’est ainsi qu’elle a offert la soirée de sa vie à un ado de seize ans. Au restaurant de l’académie de ski, Parker lui a demandé poliment mais avec une certaine dose d’audace si elle ne voulait pas être sa date au bal des étudiants. Désarmée par la question, elle a accepté et a donc dansé et ri le vendredi soir, lors d’un bal qu’elle avait elle-même toujours raté pendant ses études, à cause du ski et des voyages qui y sont liés.

Autre anecdote. En 2005, victorieuse à Val d’Isère, elle reçoit en cadeau promotionnel une vache. À l’issue de la cérémonie, on lui propose d’échanger la bête contre un chèque mais elle refuse : elle veut conserver la vache ! Malgré la confusion des organisateurs, la skieuse a eu sa vache. Elle l’a baptisée Olympe et lui a trouvé une étable à Kirchberg. Olympe a déjà mis bas quelques veaux, qui ont eu à leur tour leur propre progéniture aussi.  » Apparemment, j’ai maintenant un véritable élevage « , rit la skieuse. Depuis, on ne cesse de l’interroger sur son troupeau, ce qui est tout bénéfice pour sa popularité dans les Alpes.

Lindsey a maintenant 28 ans et elle commence à envisager la fin de sa carrière. Ce sera un cap difficile pour une femme qui n’a connu que le ski. D’aucuns lui ont suggéré d’embrasser la carrière d’actrice. Elle a déjà tourné des spots publicitaires et elle a joué un petit rôle dans son feuilleton favori, Law & Order. Mais avant d’y songer, elle veut encore réaliser quelques rêves sportifs, comme participer à une épreuve masculine. Ou faire la descente de Kitzbühel, qui ne figure qu’au programme masculin et qui est considérée comme une des plus dures et dangereuses du monde. Oui, elle compte négocier cette pente.  » Mais à la fin de ma carrière, quand je ne devrai pas me faire de souci à propos des blessures. Ce ne sera pas avant 2015.  »

PAR PETER MANGELSCHOTS – PHOTOS : RED BULL CONTENT POOL

Elle a offert la soirée de sa vie à un gamin de seize ans.

Lindsey Vonn domine les descentes depuis des années.

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