VITALité

L’adjoint de Marc Wilmots a fait sa carrière dans la discrétion. Mais quelle carrière ! Avec un cour gros comme ça.

J an Ceulemans ? Eric Van Meir ? Yves Vanderhaeghe ? Franky Van der Elst ? Tous busés ! Ils ont postulé pour une place sur le banc des Diables mais Marc Wilmots a donné suite à une autre candidature : Vital Borkelmans (49 ans). Qui croit savoir pourquoi :  » J’ai toujours joué vers l’avant, je suis un gars droit et positif, je pense que ça a joué dans la réflexion de Wilmots.  »

Borkelmans, un nobody ? Oui, seulement pour les moutards et les ados. Chez les plus anciens, il a une fameuse cote. Il a porté, jusqu’à ses adieux en D1 (à 41 ans !) le surnom de Mobylette. Référence à ses innombrables rushes sur le flanc gauche et à sa faculté à ne jamais être fatigué.

Pour résumer très fort : Vital Borkelmans, c’était un visage émacié, une dépense physique phénoménale, une rapidité au-dessus de la moyenne et plus de 500 matches en D1, la plupart avec le Club Bruges et dans un rôle de back. Chez les Diables aussi, il a fait un bout de chemin. Seulement dommage pour lui qu’il ait dû combattre autant de monstres sacrés, qu’il soit tombé dans une période où la Belgique avait encore des vrais bons latéraux ! Sans cette concurrence, il compterait plus que ses 22 matches avec le maillot belge.

Evocation du parcours sportif et humain d’un bosseur de notre foot.

Mineur miraculé

Toute sa famille est contre, lui est pour à 100 %, il kiffe la mine et le boulot des gueules noires. Dans sa région de Maaseik, au c£ur du Limbourg, c’est encore une activité en vogue quand il est adolescent. Il a toujours détesté l’école, a brièvement bossé comme plafonneur puis décidé de descendre dans le trou, à près de 1.000 mètres sous terre. Le chef de son équipe est le père de Manu Karagiannis. Borkelmans y accumule des images fortes pour la vie. Régulièrement, la nuit, il fait des cauchemars. A 5 heures, il se lève pour prendre l’ascenseur. Un jour, il y a le drame évité de justesse.  » J’étais remonté depuis une demi-heure quand il y a eu une terrible explosion. Sept collègues sont morts, le Roi est venu sur place,… Ce jour-là, je me suis demandé ce que je fabriquais dans ce milieu. Mon caractère a subitement fort changé. J’ai perdu ma joie de vivre, je suis devenu très dur, aigri, je me suis mis à vivre au jour le jour. Chaque fois que je descendais, je me demandais si, le soir, je remonterais vivant.  »

Il met fin à l’expérience quand il devient pro et découvre la première division avec Waregem. Après une dernière frayeur : juste avant de retirer définitivement son casque de sécurité, un wagon se retourne, il est touché mais s’en sort par miracle avec quelques égratignures. Il se rend compte, plus tard, que son passé de mineur a laissé des traces.  » J’ai eu une bête bronchite et on a vu que j’avais pas mal de poussière de charbonnage au niveau des poumons. « 

Technique de bac à sable, engagement XXL

Quand Borkelmans est nommé adjoint de Wilmots, une partie de la presse flamande s’interroge : a-t-il suffisamment de compétences tactiques pour occuper ce poste ? Assez de personnalité ? Son passé le rattrape. C’était avant tout un travailleur, pas un joueur fin. Il a débuté comme attaquant (comme successeur de Nico Claesen à Eisden) qui marquait une quinzaine de buts par saison puis a été rapidement converti en back gauche.

A Waregem, son prof particulier attitré était Marc Millecamps, ex-Diable Rouge voisin de défense. Parfois, Mobylette s’aventurait dans des petits dribbles inutiles en plein rectangle, ça a fait suer quelques entraîneurs parce que ses gestes n’avaient rien de naturel ou de rassurant. Borkelmans incarnait le footballeur moyen qui réussissait en utilisant au mieux ses maigres armes. Il avait besoin de courir, toujours courir :  » Danny Boffin disait qu’il devait dormir dix heures quand il était fatigué. Moi, si j’étais claqué, je mettais mes baskets et je partais au bois.  » Ou il s’offrait des séances de malade dans des escaliers. Il est parti à Waregem simplement parce que le Patro Eisden ne croyait pas en lui et refusait de lui offrir un nouveau contrat.

Dès que son passage au Gaverbeek a été officiel, il a honoré une vieille promesse :  » J’avais dit que si j’arrivais en D1, je ferais à pied le trajet entre Maaseik et Hasselt, une cinquantaine de kilomètres.  » Il a encore embarqué des camions de doutes quand il est ensuite parti à Bruges, on lui prédisait au mieux une place sur le banc. Dans les deux cas, il s’est imposé. Au Club, avec Georges Leekens déjà, il a pris la place d’une petite icône : Dennis van Wijk. Finalement, il marquera quand même 35 buts en D1. Et il donnera un paquet d’assists, presque toujours de la même manière : un bon centre après avoir parcouru tout son flanc et pris ses adversaires de vitesse.

Gros palmarès brugeois

Pendant ses 11 années au Club, Borkelmans aligne des chiffres qui tuent. Il est quatre fois champion, gagne trois Coupes et six Supercoupes, il dispute deux éditions de la Ligue des Champions. Il marque 23 buts. Et il dispute 350 matches de D1 : ça fait près de 94 % du temps passé au jeu. On lui a mis pas mal de belles pointures dans les pattes mais il s’en est toujours tiré à son avantage. Il a fait partie des meubles, l’estime qu’on a toujours pour lui là-bas vaut ce qu’on pense d’un Ceulemans, d’un Van der Elst ou d’un Gert Verheyen.

A Bruges, Borkelmans se sent chez lui alors qu’il est si loin de son Limbourg. Dès le premier jour, il a pourtant espéré que ce ne serait que sa dernière étape vers l’Angleterre, le pays qui l’a toujours fait rêver.  » Quand j’ai quitté Waregem pour le Club, j’ai dit à mon père que je me rapprochais des côtes anglaises, que j’allais pour ainsi dire les apercevoir.  » Quand il quitte, des larmes coulent. Il peut rester, mais pour un an seulement. Il a 37 ans, préfère se mettre à l’abri et signe pour deux saisons à La Gantoise où il ne sera jamais aussi heureux qu’au Club. Il connaît vite une période où on le trouve subitement trop vieux, trop usé, trop ceci, trop cela. Il ne comprend pas :  » Pendant mes 11 saisons à Bruges, j’ai fait partie huit fois de la meilleure défense de Belgique et je ne me sens pas moins fort qu’à l’époque. « 

Il gagne à nouveau sa bataille contre les doutes, et au bout du compte, il joue encore près de 60 matches. Il terminera son parcours au Cercle, comme médian défensif : un an en D2, puis la promotion et une nouvelle campagne en D1. Il ne raccrochera qu’à 41 ans.

Diable en deux épisodes

Quand il est appelé pour la première fois chez les Diables en 1989, Borkelmans n’a jamais fait partie d’une sélection de jeunes. Le premier à parler de lui en équipe nationale a été Raymond Goethals :  » Un moteur pareil, ça peut toujours servir.  » Neuf ans plus tard, il est encore dans le noyau lors de la Coupe du Monde en France (où il joue nos trois matches) après avoir entre-temps aussi participé à l’aventure aux Etats-Unis en 1994. Mais son compteur n’affiche que 22 matches. La faute à quelques backs de haut niveau : Rudi Smidts, Philippe Léonard, Nico Van Kerckhoven, Pascal Renier,…

La faute aussi à deux années blanches : il n’est pas convoqué une seule fois en 1995 et 1996. A ce moment-là, pour lui, c’est mieux comme ça. Il en a ras-le-bol d’être une roue de secours et a claqué la porte. Il déclare alors :  » Les Diables, c’est fini pour moi. Définitivement. On me trouvait trop vieux mais on n’a jamais osé me le dire en face, on a fait passer le message via les journaux. J’aurais sans doute pu conserver ma place dans le groupe si j’avais fait la grande gueule, il y en a qui ont agi ainsi et ça a marché. Très peu pour moi. On a beau me rappeler, je ne changerai pas d’avis. Et pourtant, je sais que j’ai encore largement le niveau.  » Il reviendra sur sa décision et portera le maillot belge jusqu’à l’âge de 35 ans.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » J’étais remonté de la mine depuis une demi-heure quand il y a eu une terrible explosion. Sept collègues sont morts. « 

Quand il signe au Club Bruges, on lui prédit au mieux une place sur le banc. Il jouera 350 matches de D1 en 11 saisons.

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