VERS LE CIMETIÈRE

Le génie du football va traverser l’Atlantique. Est-ce un nouveau départ ou la fin de sa carrière ?

Une ère prend fin. Pendant plus d’une décennie, il a enchanté les fans de football anglais à Manchester United et les aficionados espagnols au Real Madrid. Bientôt, David Beckham va mettre le cap sur l’Amérique. Est-ce un bon choix ? On estime qu’il gagnera plus de 200 millions d’euros durant ses cinq années en Californie (contrats de club et publicitaires cumulés). Il n’en fallait pas davantage pour que le quotidien londonien The Independant titre : Leaving real life for LA-LA-land.

Certains experts ès football prétendront que Beckham vit déjà depuis un certain temps en plein LA-LA-land. Ou du moins que le personnage est devenu plus encombrant que le joueur. En 1998, Beckham a brisé le c£ur de toute une nation, en demi-finales de la Coupe du Monde, en donnant un coup de pied à l’Argentin Diego Simeone, dans un élan d’humeur. Son exclusion a fait fondre l’Angleterre en larmes. J’étais dans un pub londonien et jamais je n’ai vu autant d’hommes adultes dans un tel état. Ensuite, il y a eu son mariage avec Posh Spice. Ce fut le mariage de l’année, avec trône en or pour les époux et couronne pour Sa Majesté. Sponsorisée par tout un chacun, de Gillette à Motorola, la marque Beckham a largement dépassé la popularité du footballeur ces dernières années. On trouve des maillots frappés de son nom de Bangkok à Buenos Aires (ironie du sort, compte tenu de la rivalité entre l’Argentine et l’Angleterre).

En 2003, le Real a avoué l’avoir embauché pour son aptitude à remplir des tribunes et à doper le merchandising bien plus que pour son fabuleux pied droit. Il possède sa propre chaussure Adidas. Il existe une eau de toilette Beckham (Instinct, de Coty). Il a acquis une telle valeur qu’il est représenté par Simon Fuller, celui qui a fait la célébrité des Spice Girls et créé la série télévisée Pop Idol, avant de vendre le concept dans le monde entier.

Que propose-t-il en échange de 250 millions de dollars ?

Malgré tout ce tapage, les véritables supporters veulent conserver un autre souvenir de Beckham. Celui du timide garçon aux manières douces issu de Londres Est qui a gravi les échelons, à partir de l’école des jeunes de Manchester United, pour devenir un des footballeurs les plus créatifs de l’histoire du jeu. Peu de joueurs auraient pu inscrire ce but de la ligne médiane contre Wimbledon, en 1996, et son football éblouissant sous le maillot de Manchester United dans les années 90, alors qu’il était à son apogée, a encore fait monter son étoile. Il est devenu de plus en plus un spécialiste des coups francs mais peu d’autres footballeurs peuvent se vanter d’adresser des longues passes aussi parfaitement calibrées à un partenaire.

Becks est-il prêt pour les Etats-Unis ? Fort probablement car à 31 ans, il n’est plus vraiment au sommet de son art. Il a été bouté de l’équipe nationale d’Angleterre après la Coupe du Monde 2006 et au Real, il n’est qu’une star parmi d’autres. Commercialement, son transfert constitue une affaire en or. (La majeure partie des 250 millions de dollars viendrait de contrats de sponsoring, de la vente de maillots et de pourcentages sur les bénéfices du club plutôt que du Galaxy. Tom Payne, le directeur financier du club, a refusé d’entrer dans les détails du contrat). Beckham va donc pouvoir pratiquer le jeu qu’il aime sans subir la double pression du fanatisme et des compétitions internationales.

Naturellement, reste à savoir si l’Amérique est prête pour Beckham. Gavin Smith, de NRG Marketing, une société qui travaille avec le Galaxy, pense que l’Anglais va accroître l’intérêt des Américains pour la Major Soccer League, essentiellement celui des jeunes et plus encore des jeunes filles, grâce à son look, et que, d’un point de vue commercial,  » il va attirer des marques plus jeunes, plus modernes, plus importantes  » vers le championnat. Cela reste à voir. Des superstars étrangères comme Pelé et Franz Beckenbauer ont déjà essayé, sans succès, de gagner l’Amérique au football et le pays de toutes les chances est en train d’acquérir la réputation d’un cimetière pour les ex-grands du football.

De fait, Beckham a déjà trébuché. En 2003, sa première incursion en Amérique a été accueillie avec indifférence. En compagnie de Posh Spice, il y remettait le prix de la meilleure percée transatlantique aux MTVMovie Awards. Cette année-là, j’ai aussi été témoin d’un événement similaire. Alors que le film Bend it like Beckham crevait l’écran à Manhattan, j’ai entendu une dame parler du film à sa fille adolescente, en sortant d’une salle :  » J’ai adoré « , dit-elle,  » mais qui est donc David Beckham ? »

Elle finira par le savoir… si la machine de marketing de Becks opère aux States la même magie qu’ailleurs.

MALCOLM BEITH AVEC PATRICK FALBY (NEWSWEEK)

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