Une gifle salutaire

Humiliés à Charleroi, les Hurlus ont eu le sursaut d’orgueil que leur entraîneur attendait en battant Anderlecht.

Jamais encore, l’Excelsior Mouscron n’avait battu Anderlecht au Canonnier. C’est chose faite depuis dimanche. Lorenzo Staelens attendait un sursaut d’orgueil après la gifle reçue à Charleroi la semaine précédente. Il s’est produit. Signe de a combativité retrouvée: le nombre de fautes commises. 26 déjà en première mi-temps dans le chef des Mouscronnois et 36 sur l’ensemble des 90 minutes. L’entraîneur avait revu son dispositif tactique en revenant au 4-5-1, avec l’objectif de ne pas encaisser de but. L’objectif a été atteint.

Le milieu de terrain Tonci Martic a son idée sur les raisons de ce redressement.

Mouscron avait filé du mauvais coton ces dernières semaines. Que s’était-il passé?

TonciMartic: Un peu de tout. Des blessures, des moments d’égarement. Nous avons traversé une mauvaise période mais nous avions connu cela la saison dernière également et cela ne nous avait pas empêché de vivre une belle saison. Je veux donc rester optimiste. Pas question de parler de crise. Mais, je l’admets: il est urgent de redresser la tête. Je suis confiant. Mbo Mpenza et Marcin Zewlakow reviennent de blessure. Il faut leur laisser le temps de retrouver toutes leurs sensations. Après deux mois d’absence, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut aussi stabiliser la défense. Nous encaissons trop de buts. La faute n’incombe pas uniquement aux défenseurs. Dans le football moderne, les dix joueurs de champ ont une tâche défensive à accomplir. Chacun doit mettre la main à la pâte. Une bonne équipe doit être capable de prendre des points en jouant mal et ce n’est pas le cas de Mouscron. C’est dans l’adversité qu’on démontre son caractère. Invoquer les décisions arbitrales, l’état du terrain ou la malchance est trop facile. Les raisons de nos contre-performances doivent être cherchées chez nous, dans nos têtes. L’équipe actuelle est la même que celle qui avait battu Charleroi 6-0 lors du premier tour. La même aussi, à l’une ou l’autre exception près, qui avait terminé quatrième et finaliste de la Coupe de Belgique lors de la dernière campagne. Mais, lorsqu’on accumule les défaites, c’est clair: il n’y a pas de primes, pas d’ambiance dans le vestiaire. Baisse la tête et tais-toi

Après le 5-0 de Charleroi, Lorenzo Staelens avait déclaré: « Il suffit d’un bon match pour que les joueurs mouscronnois se prennent tous pour Zinedine Zidane »…

Je partage en partie cet avis. Beaucoup de joueurs du groupe éprouvent très rapidement un sentiment d’autosatisfaction. Nous avions, c’est vrai, livré une bonne prestation à Genk, mais nous étions rentrés bredouilles. Il n’y avait aucune raison d’être satisfait… Quand on menait 3-4 à 20 minutes de la fin, il n’y avait qu’une seule attitude à adopter: le catenaccio! Tout le monde derrière et on ferme la porte… Avec la vitesse de Mbo Mpenza, on aurait encore marqué en contre-attaque. Au lieu de cela, on a continué à jouer la fleur au fusil. Avec le résultat que l’on connaît. A la limite, ce genre de défaite-là m’ennuie plus que celle du Mambourg. Prendre un 5-0, cela remet les pieds sur terre et fustige l’orgueil. S’incliner honorablement sur un score de 5-4 sur le terrain du champion de Belgique, cela fait perdre le sens des réalités en laissant croire qu’on est sur la bonne voie. Jamais encore, depuis son accession à la D1, Mouscron ne s’était incliné sur un score de forfait. Je me souviens d’un 5-1 encaissé à Harelbeke, dans des circonstances similaires, mais nous avions disputé une grande partie du match à dix contre onze. Cette saison, il y a aussi eu un 5-1 à Bruges, mais c’était chez le leader irrésistible du championnat. Charleroi, c’était la lanterne rouge et nous n’avons pas existé. Que peut-on avancer comme excuse, dans ce cas-là? Aucune. Il n’y a qu’une chose à faire: quitter le terrain, tête basse, et se taire.

L’ambiance, la semaine dernière, était-elle aussi lourde qu’on l’a prétendu?

On a beaucoup discuté. Certains en ont pris pour leur grade. Il faut pouvoir l’accepter. Les journalistes ont tôt fait d’utiliser le mot « crise ». Les joueurs sont appelés à rendre des comptes dans la presse. A Anderlecht, on est habitué à cela. A Mouscron, pas du tout. Des joueurs ont peut-être été surpris d’être abordés d’une manière différente qu’à l’accoutumée. Généralement, lorsqu’on reçoit une gifle, on réagit. Une bête blessée est d’autant plus dangereuse, dit-on.

Vous disputez votre sixième saison à Mouscron. La première sous la direction d’un entraîneur autre qu’Hugo Broos. Comment la vivez-vous?

Comme les précédentes. Il n’y a pas eu de révolution, le changement d’entraîneur s’est effectué dans la continuité. Lorenzo Staelens, la saison dernière, avait eu tout le loisir d’observer la manière de travailler d’Hugo Broos. Il s’en est largement inspiré, en apportant sa petite touche personnelle. Le système de jeu est demeuré fort semblable. Les blessures, malheureusement, ont décimé l’effectif et beaucoup de jeunes ont dû être intégrés. Malgré cela, le premier tour avait été très encourageant. Nous avons conquis 29 points, avant d’en perdre trois sur le tapis vert. La reprise, hélas, fut catastrophique. Et la suite du programme s’annonce difficile, avec le déplacement à Mons et la visite de Bruges. J’espère que, dans ces matches-là au moins, nous montrerons notre caractère.Sans le décès de Jean Dockx…

Vous avez prolongé votre contrat à Mouscron avec un espoir: que le club parvienne à conserver ses meilleurs éléments et puisse renforcer son effectif dans les secteurs encore faibles. Loin de suivre cette trajectoire, l’Excel a plutôt tendance à vendre ses meilleurs éléments pour équilibrer son budget. N’éprouvez-vous aucun regret de vous être lié jusqu’en 2005?

Aucun. Je me sens chez moi à Mouscron. Je n’ai jamais eu envie de partir. Parfois, lorsque l’équipe traverse une période difficile et que les résultats ne suivent pas, je me pose des questions. Mais le doute a toujours été passager. Aujourd’hui, j’ai un rôle à jouer dans l’évolution du club. Lorsque j’étais jeune, à Split, j’ai beaucoup appris au contact des joueurs expérimentés. C’est à moi, maintenant, qu’il incombe de montrer la voie à ceux qui débutent dans la profession. Lorsque j’étais arrivé à Mouscron, en 1997, j’avais été séduit par la qualité des installations. Aujourd’hui, elles se sont encore améliorées. Le Canonnier est équipé d’une salle de musculation, d’une piscine de rééducation. Le Futurosport me fait penser au Milanello. Et on est encore en train de l’agrandir. Le club a évolué dans un sens très positif. Pour l’instant, c’est vrai, il doit se plier à la loi du marché. La récession est générale dans le monde du football. Les contrats doivent être revus à la baisse dans de nombreux pays. Beaucoup de joueurs sont au chômage. Ce n’est pas mon cas, je dois m’en féliciter. La récession est également perceptible dans la Cité des Hurlus, je le reconnais. Autrefois, le club achetait des éléments du calibre de Marcin Zewlakow ou de Nenad Jestrovic. Actuellement, les joueurs qui partent sont remplacés par des jeunes. Je ne suis pas trop dépaysé: à Hajduk Split, mon club d’origine, cela se passait de cette manière également. C’est toutefois une arme à double tranchant. Intégrer des jeunes dans l’équipe, c’est très bien, mais l’excès nuit en tout. Et puis, il faut être patient. Savoir, aussi, qu’avec les jeunes c’est comme avec le vin: on ne produit pas chaque année un grand cru. Jonathan Blondel émargeait à cette catégorie. Il est parti…

Voici un peu plus d’un an, votre nom était cité en rapport avec Anderlecht. Y a-t-il eu des contacts ou n’était-ce qu’une rumeur sans fondement?

Il y a eu des contacts, oui. Aimé Anthuenis était intéressé. Il voyait un moi un futur bon stoppeur gaucher. Jean Dockx avait été chargé de me visionner. Malheureusement, quelque temps plus tard, il est décédé. Les ponts ont alors été coupés.

En voyant Yves Vanderhaeghe, Nenad Jestrovic, Michal Zewlakow et Hugo Broos débarquer dimanche au Canonnier, n’avez-vous pas pensé que, vous aussi, vous auriez pu revêtir le maillot mauve?

Je crois qu’à Anderlecht, j’aurais encore pu m’exprimer davantage qu’à Mouscron. Le Sporting pratique un jeu fait de combinaisons qui aurait dû me convenir. Mais puisque le transaction ne s’est pas réalisée, à quoi bon en parler? Contrairement aux joueurs cités, j’étais en fin de contrat à l’époque et mon transfert n’aurait donc pas rapporté un euro à l’Excel. J’aurais été fort ennuyé de partir ainsi.

Mais vous avez 30 ans et, sauf revirement tardif, vous ne remporterez aucun trophée dans votre carrière?

C’est la vie. Anderlecht, c’eut été une promotion sportive, mais qui me dit que j’aurais été heureux au Parc Astrid? Je ne manque pas d’ambitions. Les miennes épousent celles du club, et actuellement, je dois admettre que les ambitions de l’Excelsior sont inférieures à ce qu’elles étaient dans le passé. J’espère que, bientôt, on pourra replacer la barre plus haut. A 35 ans, lorsque j’aurai raccroché les crampons, je me dirai peut-être que j’ai loupé quelque chose. Mais, pour l’instant, je continue à demeurer optimiste quant à l’avenir des Hurlus.Il y a assez de jeunes talents en Belgique

Vous êtes Belge, désormais. Aimé Anthuenis, qui vous voulait à Anderlecht, ne vous a pas encore appelé chez les Diables Rouges.

Une sélection en équipe nationale passe souvent par des bons résultats au niveau du club. Si l’Excel était en course pour une place européenne, comme la saison dernière, j’aurais été mieux placé pour plaider ma cause personnelle. Par ailleurs, je suis réaliste: avec les frères Mpenza, Wesley Sonck, Cédric Roussel, Thomas Buffel, Walter Baseggio, Bernd Thijs, Daniel Van Buyten et d’autres, la Belgique possède des joueurs jeunes et talentueux. A 30 ans, je ne représente pas l’avenir. Je vais à l’encontre de mes intérêts en parlant de la sorte, mais je suis assez honnête pour juger la situation objectivement.

Le prochain match de la Belgique aura lieu en Croatie. S’il vous appelait, répondriez-vous présent?

Bien sûr. Avec beaucoup de plaisir. Je suis de Split. Le match aura lieu à Zagreb. Aucun problème. La rivalité est telle entre les deux villes que, quoi qu’il arrive, je me sentirais sur terrain adverse.

Vous n’avez jamais été international croate. Pourtant, là aussi, il s’en est fallu de peu.

Effectivement. Souvenez-vous, la saison dernière, j’avais été en contacts étroits avec le Casino Salzbourg. Le manager du club autrichien n’était autre qu’Otto Baric, qui est aujourd’hui le sélectionneur de l’équipe nationale croate. Il ne m’a pas oublié. En septembre, il avait envoyé son adjoint au Parc Astrid pour me visionner lors du match perdu 6-3 contre Anderlecht. Son rapport, m’ont confié des journalistes croates, était très positif. Mais il avait aussi souligné que j’avais 30 ans et que j’évoluais dans un club belge de milieu de classement.

Et si, par un extraordinaire concours de circonstances, vous receviez simultanément une convocation de la fédération belge et de la fédération croate, pour quelle équipe nationale opteriez-vous?

( Ilrit). Cela a peu de chances de se produire, vous savez…

Daniel Devos

« On est incapable de prendre des points en jouant mal »

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