
Le défenseur fait le point sur le premier tour des Mauves et réclame d’urgence un leader derrière.
Ils sont les seuls, au RSCA, à avoir disputé l’intégralité des matches du premier tour et se renvoient gentiment la balle dès qu’on leur demande qui a été le meilleur durant cette période. Pour Daniel Zitka, c’est Olivier Deschacht et inversement.
Olivier Deschacht : Daniel a toujours été un bon gardien. Mais depuis le début de cette campagne, il touche quasi à la perfection. A 30 ans, il atteint sans doute sa plénitude. Sans compter que, suite à la blessure de Silvio, le système de rotation entre les keepers n’a plus été de mise, contrairement à ce qui s’était produit il y a un an. A l’époque, cette alternance n’avait pas été marquée du sceau de la réussite. Ce n’est qu’après avoir tranché que l’un, puis l’autre, avaient donné la pleine mesure de leur talent. Depuis la reprise, Daniel ne fait que poursuivre sur cette lancée. Et, comme tout grand portier qui se respecte, il grappille de temps à autre un point. Moi, dans l’ensemble, j’ai été bon. Mais jamais aussi décisif que lui. C’est pourquoi il mérite la première place (il rit).
Et vous la deuxième ?
D’autres peuvent la revendiquer autant que moi. Je songe à Lucas Biglia, qui aura été d’une grande régularité lui aussi. Ou encore à Mémé Tchité qui a trouvé immédiatement ses marques chez nous. Personnellement, j’ai fait preuve d’une belle constance mais je ne peux pas me vanter, comme Daniel, d’avoir effectué un sans-faute. Deux phases me restent toujours en travers de la gorge : le quatrième but du Racing Genk au Parc Astrid (que j’offre sur un plateau à Goran Ljubojevic suite à un contrôle approximatif) et le premier goal de Lille à Lens (dû à une temporisation hasardeuse dans mon chef). Il y a encore eu d’autres petits manquements. Mais ceux-là n’ont jamais porté à conséquence. Face aux Limbourgeois, le match était d’ores et déjà plié et cette réalisation ne changeait donc pas grand-chose. En Ligue des Champions, par contre, on aurait peut-être pu prétendre à davantage sans ce petit moment d’égarement.
Ces deux erreurs, vous les avez commises en tant qu’arrière central. Ceci explique-t-il cela ?
A mon avis, oui. Depuis mon incorporation en Première en 1999, j’ai toujours évolué sans exception au poste de back gauche. A la longue, il est logique d’y développer des automatismes, même si j’ai été appelé à jouer avec un certain nombre de coéquipiers différents devant moi durant toutes ces années : Bart Goor, Martin Kolar, Fabrice Ehret et j’en passe. Dans un rôle central, les repères sont complètement différents. De plus, la moindre erreur s’y paie cash. Surtout au plus haut niveau européen, comme je l’ai vérifié contre Lille. A choisir, je préfère de loin la mission d’arrière latéral. C’est là, d’après moi, que je suis susceptible de rendre les services les plus précieux à l’équipe. Toutefois, si l’entraîneur estime avoir besoin de moi en tant que stopper, je me dois de privilégier le bien commun.
Thuram ferait l’affaire
C’est contre le LOSC, à Anderlecht, que vous aviez été incorporé pour la première fois dans l’axe. Pour beaucoup, c’était une surprise. Pour vous aussi ?
Oui et non. Lors du match d’ouverture de la saison, à Saint-Trond, j’avais déjà été amené à coulisser vers le centre suite à la blessure de Mark De Man et l’exclusion de Jelle Van Damme. Je savais donc, dès ce moment-là, que je pouvais entrer en ligne de compte comme dépanneur. Contre Lille, c’est pour une question de profil que j’avais dû glisser dans le compartiment central. Le coach estimait que ma vitesse constituait un atout devant un avant aussi véloce que Peter Odemwingie et c’est la raison pour laquelle Jelle et moi avions permuté. Dans la mesure où lui-même s’était plutôt bien tiré d’affaire à une place qu’il avait déjà occupée auparavant, sur l’aile, cette disposition-là a été reconduite par la suite. Mais la formule ne recueille ni sa totale adhésion, ni la mienne. Tous deux, nous préférons en vérité jouer à notre place de prédilection : lui dans l’axe et moi sur le flanc. Je crois qu’il y a bel et bien moyen de nous utiliser tous deux dans ce registre. En vérité, le problème n’est pas de savoir qui va occuper l’un des rôles centraux en défense mais plutôt l’identité de l’autre arrière axial. Car c’est là que le bât blesse. On a besoin d’un patron derrière. A l’image de Tihinen la saison passée.
La direction pensait que Nicolas Pareja ferait l’affaire. Mais la réalité est tout autre.
L’Argentin a 22 ans. A cet âge-là, personne n’a le vécu pour s’imposer comme un réel leader. De fait Roland Juhasz, Mark De Man, Jelle Van Damme et lui présentent des caractéristiques plus ou moins similaires. Ils ont besoin, à leur côté, d’un joueur au long cours, capable de diriger la man£uvre. Notre manager, Herman Van Holsbeeck, a cité à cet effet le nom de Jaap Stam, qui a ces aptitudes au sein de l’Ajax actuel. C’est vers un joueur de cette trempe qu’il convient de se tourner si l’on veut que notre défense gagne en stabilité. La plupart des défenseurs sont jeunes puisque du haut de mes 25 ans, je suis le plus chevronné. Pour bien faire, il faudrait s’orienter vers un défenseur au crépuscule de sa carrière et désireux d’encadrer la jeune classe dans un club ambitieux… mais qui n’émarge pas au top européen. Dans la même catégorie que Stam, je songe à un Lilian Thuram. A Barcelone, il ne fait pas partie des priorités et cette situation doit sûrement le meurtrir. Chez nous, il serait le roi.
Trop de profils semblables
S’il manque un leader derrière, l’absence d’un patron comme Pär Zetterberg ne se fait-elle pas ressentir également ?
A 20 ans, il est tout à fait logique que Lucas Biglia ne puisse pas porter toute une équipe. Ahmed Hassan, lui, a ce potentiel. Mais dans la mesure où Mbark Boussoufa et lui entrent en considération pour une seule et même place, l’Egyptien a plus souvent qu’à son tour tendance à la jouer solo. Dans ce cas-ci aussi, il y a lieu de parler de deux joueurs aux profils pour ainsi dire semblables. C’est évidemment un atout dès l’instant où il faut pallier une défection. Mais c’est peut-être un luxe quand tous les postes ne sont pas pourvus dans le onze de base. Et c’est ce qui nous a gênés durant le premier volet de la compétition : pour certaines places, le staff technique avait réellement l’embarras du choix, comme à l’attaque par exemple. En revanche, pour d’autres positions, il y avait problème. Je songe au back droit, où Anthony Vanden Borre évolue en quelque sorte contre son gré, ou en défense centrale où personne ne se situe au-dessus de la mêlée. Ce manque d’équilibre se vérifie également au Standard et à Bruges, mais pas à Genk. Et c’est ce qui explique pourquoi cette formation tient le haut du pavé. Le Racing n’a peut-être pas autant de noms ronflants dans son effectif que les trois grands. Mais en matière de cohésion, personne ne fait mieux.
Les Limbourgeois n’usurpent donc pas leur première place ?
Pas du tout. Avec 38 buts marqués et 16 encaissés, l’équipe d’Hugo Broos dispose à la fois de la meilleure attaque et de la meilleure défense. Elle est donc parfaitement à sa place au sommet. Avec trois unités de moins par rapport à elle, nous sommes situés idéalement en embuscade mais le plus important est constitué par nos six points d’avance sur le Club Bruges et le Standard qui demeurent, malgré tout, nos rivaux les plus redoutables. Non pas que je sous-estime Genk, mais je crains qu’au c£ur de l’hiver, au moment où les terrains seront lourds, les Limbourgeois seront amenés à devoir puiser en profondeur dans leur noyau. Or, celui-ci me paraît tout de même moins étoffé que les autres. D’autre part, j’ai très bon espoir aussi qu’avec l’un ou l’autre renfort où le besoin s’en fait sentir, le Sporting devrait être en mesure de réaliser un deuxième tour plus performant. Nous avons perdu trop de points précieux alors que nous menions pourtant à la marque. En championnat, ces mésaventures se sont produites à Mouscron et à Beveren, entre autres. Et en Ligue des Champions, faute d’un véritable organisateur, nous avons été rejoints dans les mêmes conditions contre Lille et Athènes. C’est dommage mais il faut retenir les leçons.
Viser le doublé
Anderlecht a terminé finalement dernier d’un groupe où il espérait obtenir la deuxième, voire la troisième place. Des regrets ?
Bien sûr. Il ne faut pas se retrancher derrière des considérations, comme un calendrier soi-disant défavorable puisque nous avons joué l’AC Milan en aller-retour lors des journées 3 et 4. La réalité, c’est qu’on aurait dû comptabiliser le maximum des points avant d’accueillir les Italiens chez nous. Car Lille était à prendre dans nos installations et Athènes chez lui aussi. Cette élimination européenne, pour regrettable qu’elle soit, doit décupler notre ardeur aussi bien en championnat qu’en Coupe de Belgique. On doit viser le doublé. En sept ans au Sporting, je n’ai jamais eu cette satisfaction. En Coupe, tout est question de tirage favorable. En championnat, c’est foncièrement différent. On sait fort bien ce qui nous attend. Pour moi, la conjoncture paraît bonne : si le Standard restera à tout jamais le Standard, je ne reconnais plus le Club Bruges. Face au Cercle, j’ai vu une équipe sans âme. Les Bleu et Noir ont toujours été synonymes d’ardeur, voire de fougue. Je suis bien placé pour en parler car pendant des années, j’ai eu maille à partir avec Gert Verheyen. Un gars qu’on ne franchissait jamais sans mal (il rit). Cette année, je ne remarque plus rien de cette combativité. C’est une énigme pour moi.
A propos de Bruges : vous étiez capitaine lors de la visite du Cercle au Parc Astrid ?
Par un concours de circonstances, j’ai effectivement porté le brassard. Et il m’a donné des ailes car j’ai été sur le point de marquer. A la conclusion, je n’ai encore guère été verni. En principe, j’aurais dû inscrire un but contre le Lierse mais Maamar Mamouni a dégagé le ballon de la main à même la ligne. Je dois donc me contenter d’une seule réalisation, réussie chez les Zèbres par le passé. C’est peu. S’il y a un domaine où je dois absolument m’améliorer, c’est ma participation offensive.
Comment expliquer qu’au Club Bruges, des backs comme Peter Van der Heyden ou Olivier De Cock multipliaient les assists et les buts par le passé alors qu’à Anderlecht le danger ne provient quasi jamais des arrières latéraux ?
Bonne question. Pour moi, la réponse tient à la nature des joueurs d’une part et les vues de l’entraîneur de l’autre. Depuis que Trond Sollied a quitté les Bleu et Noir, il n’y a plus la moindre percussion offensive à partir de ce secteur. Peter Van der Heyden est parti, Olivier De Cock est sur le départ et leurs successeurs, qu’il s’agisse de Michael Klukowski, Ivan Gvozdenovic ou Brian Priske n’assurent pas la relève. C’est dû sans doute à leurs qualités mais aussi aux injonctions qu’on leur donne. En ce qui me concerne, je n’ai sûrement pas les capacités offensives d’un Van der Heyden. Mais comme défenseur pur, je suis vraisemblablement meilleur que lui. D’autre part, chez nous, les tâches sont vraiment très strictes : avec Frankie Vercauteren, les défenseurs doivent défendre et les avants attaquer. A cet égard, pour avoir eu droit à mon évaluation personnelle, au même titre que mes partenaires à la fin du premier tour, je sais qu’il est satisfait de moi.
Devenir capitaine
C’est vrai qu’il vous a comparé à John Terry ?
Et à Frank Lampard aussi. Mais pas pour mes qualités footballistiques, hein (il rit). Il voulait dire qu’à l’image des deux joueurs emblématiques de Chelsea, je fais toujours mon match, en toutes circonstances. Et, pour lui, le rendement est une qualité, à l’instar de la technique ou du sens tactique d’un joueur.
Bizarrement, votre rendement n’a toujours pas séduit René Vandereycken !
Que voulez-vous que je vous dise ? Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi il ne m’a toujours pas donné une chance alors que, sous ses ordres, une quarantaine de joueurs sont déjà passés en revue. C’est surréaliste : d’un côté, on me loue pour mon rendement et ma régularité et, de l’autre, je suis le seul défenseur du RSCA à ne pas être international. Ceci dit, je ne désespère pas. René Vandereycken était lui-même un footballeur au caractère bien trempé en son temps. Tôt ou tard, il finira bien par avoir besoin d’un gars comme moi. Qui sait, contre le Portugal déjà, au printemps prochain ? Je veux mettre tout en £uvre pour y parvenir, en tout cas. Sur le plan personnel, c’est ce que j’espère en 2007.
Et quoi d’autre encore ?
Le doublé avec Anderlecht. Plus un nouveau titre en 2008, qui serait le 30e l’année du centenaire du club. Comme on aime les chiffres ronds au Sporting, ce serait bien (il rit).
A propos de chiffres, vous avez préféré rempiler au Parc Astrid plutôt que de tenter une aventure financièrement juteuse en Angleterre ?
Sheffield m’a fait une offre alléchante, effectivement. Mais je ne me voyais pas quitter le Sporting pour aboutir là-bas. Si c’eût été un club au nom plus prestigieux, j’aurais peut-être hésité. Et encore. La vérité, c’est que je me sens très bien ici et que mon v£u le plus cher est d’y accomplir la plus longue carrière possible. J’ai paraphé un contrat jusqu’en 2009. Mon but est de m’asseoir à nouveau à la table des négociations à ce moment-là, mais comme capitaine confirmé cette fois…
BRUNO GOVERS