Un nul et un Vainqueur

Anderlecht a préservé sa pole position à Sclessin : attendus à Zulte-Waregem, comment les Rouches grandissent-ils ? Analyse.

Chargé d’histoire, au carrefour des styles de jeu, poussé par la passion des uns et l’ambition des autres, un Clasico doit être une bénédiction, un don du football, un grand cru de la saison. Le Standard et Anderlecht ont réduit leur dernier rendez-vous à une piquette qui ne mérite même pas une étiquette. Pour la circonstance, Mircea Rednic et John Van den Brom ont calculé, spéculé, joué au poker en oubliant les simples recettes d’un excellent match de football.

L’Anderlechtois reste en tête de la D1 avant deux rendez-vous à domicile contre le Club Bruges, puis Lokeren. Le Liégeois souligne ses qualités de stratège. Oui mais le public des PO1, qui ne se presse pas aux guichets et sait que les coaches se soucient moins de la manière que de leur comptabilité, se souviendra amèrement de cette affiche alors que, tout de même, quand la volonté y est, rien n’est plus stimulant que produire du bon jeu. Il reste, heureusement, huit rendez-vous à chacun pour oublier ce premier Clasico des PO1.

Réveillé par son succès au Club Bruges, le Standard a pourtant préparé la venue des Bruxellois avec le plus grand soin. Chaque journée qui a précédé le rendez-vous des Rouches et des Mauves a charrié son lot de nouvelles, de questions et de réponses à Sclessin.

Rednic rempilera-t-il ?

Mardi passé, les joueurs du Standard ont gommé leurs fatigues brugeoises aux Thermes de Chaudfontaine. Le succès décroché au coeur des Flandres a parfaitement positionné Rednic par rapport aux autres coaches des PO1. Le Roumain est arrivé par la petite porte, avec son sourire en coin et un bagage de meneur d’hommes que les autres coaches de D1 n’ont pas, on l’a oublié. A cinq, Van den Brom, Juan Carlos Garrido, Peter Maes (une Coupe de Belgique), Mario Been et Francky Dury (une Coupe de Belgique) n’égalent pas le tableau de chasse de Rednic : deux titres, une Coupe et deux Supercoupes en Roumanie, une Coupe en Azerbaïdjan.

Même si Bucarest n’est plus un Eden du football, cette expérience a rapporté gros lors de la remontée du Standard vers le Top 6 après l’expérience catastrophique de Ron Jans, lui aussi un T1 sans palmarès. Si le Standard avait opté pour Rednic en été, comme il en fut question, les Liégeois auraient entamé les PO1 avec plus de points à leur compteur. Rednic a trois matches-références : à Genk et à Anderlecht durant la phase classique du championnat et, récemment, au Club Bruges. Les joueurs adhèrent à sa conduite des affaires, à ses concepts tactiques et à son coaching. La victoire acquise au stade Jan Breydel a forcément renforcé l’unité de pensée entre les joueurs et leur T1, cela se voit comme le nez en pleine figure. Yoni Buyens, de plus en plus apprécié, a abondé dans ce sens-là en préparant le Clasico.

Le vestiaire a besoin de stabilité : il y a trop longtemps qu’un coach n’est pas resté trois ou quatre ans au gouvernail. Or, des coaches de passage n’ont pas le temps de faire confiance aux jeunes, le credo du Standard. Rednic a envie de prolonger son contrat, entend se concentrer sur les P01, mais a précisé quelques fois :  » J’ai fait une croix sur 100.000 euros nets en quittant la Roumanie pour le Standard. Il était important pour moi de venir ici. L’argent, cela passe après. D’ailleurs, je préfère ne pas parler de mon contrat. Ce n’est pas le plus important, on verra plus tard.  »

Le message est clair, l’envie évidente. Rednic mesure parfaitement que RolandDuchâtelet attend une qualification européenne avant de glisser ses pieds sous la table des négociations. On imagine aussi que Roger Henrotay, l’agent de Rednic, a d’autres cartes dans son jeu que celles du Standard. Les deux parties se sondent. Rednic sait qui est en face de lui, Duchâtelet aussi, lui qui a difficilement accordé des renforts à son T1 lors du mercato d’hiver. Ce fait et l’insistance de Rednic sont intéressants à retenir. Le pronostic vital de cette relation T1-président n’est pas engagé mais il y a urgence, histoire de faire passer un message positif dans le vestiaire.

Qui prolongera après Van Damme ?

La journée de mercredi a été marquée par un entraînement ouvert au public et, surtout, la signature du nouveau contrat du capitaine, Jelle Van Damme. A 29 ans, il était encore lié à son club jusqu’en 2014. Les deux parties prolongeront leur collaboration jusqu’en 2016. Elles se sont contentées d’une interview diffusée par Standard TV et d’un communiqué pour annoncer la nouvelle avant le Clasico.

Le groupe a apprécié cette décision.  » Pour nous, c’est un signal fort, la preuve que le club est ambitieux et entend poursuivre la construction de cette équipe « , a affirmé Buyens. Concentré sur son retour aux affaires après sa suspension, Van Damme n’a pas rencontré la presse quotidienne avant le Clasico. On retiendra quelques mots de son passage sur Standard TV :  » On a un peu discuté mais c’est fait, on a un accord et je suis heureux de cette marque de confiance.Je me sens bien au Standard qui a fait un effort. Je suis ambitieux, certain que allons gagner des prix, cette saison ou plus tard.  » Le club, de son côté, a insisté sur l’apport du grand Jelle depuis qu’il porte la casaque rouche : 94 matches, 14 buts, un titre de vice-champion.

Cet accord s’ajoute à toute une série de prolongation de contrat : Ibrahima Cisse jusqu’en 2015, Imoh Ezekiel jusqu’en 2017, tout comme Michy Batsuhayi, Dino Arslanagic jusqu’en 2018. Un jeune, Anil Koc (ailier), a paraphé un accord de deux ans. Corentin Fiore (stoppeur) a signé un contrat professionnel jusqu’en 2018. Le dossier le plus chaud concerne désormais William Vainqueur, la clef de voûte du Standard. Le meilleur médian défensif de D1 est lié au Standard jusqu’en 2016. Des négociations pour une prolongation ont lieu avant le début des PO1. L’élégant technicien parisien estime qu’il n’y a pas eu d’avancée. Il est venu en Belgique pour booster sa carrière. Mission accomplie. Des clubs viennent désormais frapper à sa porte comme ce fut le cas de Newcastle durant le dernier mercato d’hiver avec, à la clef, une offre de six millions d’euros. Vainqueur ne songe pas à un retour en France, préfère l’Angleterre ou l’Allemagne. Philippe Albert a apporté de l’eau à son moulin en affirmant qu’il est plus fort que Lucas Biglia et qu’Anderlecht devrait lui faire une offre. Albert a même ajouté que  » le Sporting serait tranquille pour 10 ans avec Vainqueur « . Le pare-chocs du Standard est déjà trop cher pour les Mauves.

Laurent Ciman réalise la meilleure saison de sa carrière. Il n’aura plus qu’un an de contrat en fin de saison. Une première proposition du Standard ne lui a pas semblée suffisante. Le dossier est au point mort, Valenciennes suit tout cela de près mais Ciman botte en touche quand on lui parle de ce club :  » Il faudra le leur demander. Il me reste un an de contrat. Je ne ferme pas la porte et le président sait où me trouver.  » L’intérêt extérieur va croissant pour des jeunes comme Stefano Delogu, François Marquet, Guillaume Hubert, Benjamin Van den Ackerveken, Ali Yasar et Deni Milosevic. Ils sont pistés par des clubs comme Anderlecht, Genk, Gand mais aussi Naples et l’AC Milan. La presse serbe et bosniaque s’intéresse fortement à Deni Milosevic, international belge U21. Les jeunes sont donc au centre des préoccupations au Standard.

La victoire à Bruges a-t-elle boosté le Standard ?

Jeudi, la tension n’est pas encore palpable à 48 heures du Clasico. On remarque les journalistes habituels dans la salle de presse du Standard à l’Académie Robert Louis-Dreyfus. Buyens se prête au jeu des questions et des réponses. Quelles leçons a-t-il tirées du bon début des PO 1 à Bruges ? Le marathonien du Standard ne cède pas à la griserie avant le Clasico. Il imite Peter Balette, le T2 de Rednic qui avait déclaré la veille :  » Pas question de tomber dans l’euphorie. On a gagné au Club Bruges, c’est bien mais c’est déjà le passé. Ce qui compte désormais, c’est le Clasico. Revenir à trois points d’Anderlecht ? Personne n’y pense. Il faut rester modestes et calmes. Nous avons remporté une belle bataille à Bruges mais il en reste encore neuf. En POl, si une équipe enregistre deux succès, elle est sur le podium. Mais deux défaites consécutives la plongent à la 5e ou 6e place. Nous pourrions encore reproduire le même schéma tactique qu’à Bruges en mettant la pression sur un joueur comme Lucas Biglia qui est le patron du jeu bruxellois. A Slessin, nous sommes poussés vers l’avant par nos supporters. Mais faire le jeu, cela veut dire quoi ? Faut-il miser sur un numéro 10 qui monopolise tous les ballons ? Nous pouvons rester organisés et créer le danger par les flancs : c’est aussi une autre manière de prendre le jeu à son compte.  »

Buyens est le troisième réalisateur du Standard cette saison (7 buts) mais il sait que son équipe marque peu à domicile. L’attaque est en panne sèche à domicile depuis 386 minutes et le but de Van Damme contre Courtrai le 25 janvier dernier. Ce simple constat prouve que le Standard éprouve du mal à poser son jeu. La récupération est bonne, le jeu et la finition d’une jeune attaque moins. Buyens :  » Nous devons une revanche à nos supporters car nos dernières performances à Sclessin n’ont pas été bonnes. Cela dit, l’ambiance est excellente. A l’entraînement, tout le monde est concentré, engagé. Anderlecht sera très motivé aussi après les critiques de ces dernières semaines. Dieumerci Mbokani est suspendu, mais Anderlecht, c’est aussi un très bon entrejeu, des individualités comme Matias Suarez, Milan Jovanovic ou Sacha Iakovenko qui peuvent faire la différence.  »

L’efficacité doit-elle passer avant le beau jeu ?

Vendredi, les mines sont plus tirées à l’Académie. L’effectif entre dans la dernière ligne droite. Il a parcouru du chemin depuis le dernier séjour des Mauves dans un stade de Sclessin dévoré par une crise de colère, déçu, fâché sur la direction et les joueurs. C’était il y a quelques mois, presque un siècle tant la différence est grande depuis la fin de l’ère Jans. Calme, Ciman répète que  » le Standard veut gagner mais qu’Anderlecht doit gagner.  » Le Carolo déplace adroitement la pression. Pour lui, si on décode, Anderlecht a plus de raisons de redouter ce match que les Rouches. On devine petit à petit que Rednic ne changera pas de philosophie. Le Standard adoptera le même comportement tactique qu’à Bruges avec, en prime, la rentrée de Van Damme au back gauche. Rednic a son 11 de base, s’y tient quand c’est possible. Les renforts du mercato d’hiver restent le plus souvent sur la touche. Cristea cire le banc, doit s’y ennuyer profondément mais, pour le moment, il ne peut envisager beaucoup mieux que de brefs dépannages en fin de match. Le Standerd joue trop en contres pour convenir à ce manieur de ballons, pas taillé pour défendre bas.

Rednic évoque sa façon de gérer les PO1 :  » Ce sera compliqué. Anderlecht est une grande équipe avec de très bons joueurs comme Suarez ou encore Jovanovic.. En PO1, l’efficacité doit passer avant le beau jeu. J’espère que mes joueurs appliqueront mes consignes à la lettre. Pensons d’abord à gagner aujourd’hui. Notre objectif, tout le monde le connaît : c’est l’Europe. J’ai senti après le match contre Lokeren que la confiance était en baisse. Mes joueurs sont jeunes et doivent comprendre que jouer au Standard, c’est un honneur, mais que grâce aux PO1, ils ont la possibilité de rentrer dans l’histoire du club. La pression ? Elle est dans le camp mauve. Ils sont premiers et doivent le rester.  » Le plan de Rednic était clair : pas question de se découvrir contre Anderlecht.

PAR PIERRE BILIC-PHOTO : IMAGEGLOBE

Rednic a 3 matches-références à son compteur, tous en déplacement : à Genk, à Anderlecht et au Club Bruges.

L’attaque du Standard est en panne sèche à domicile depuis le 25 janvier.

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