UN DUR AU COEUR TENDRE

Chien méchant, acteur, comédien, psychopathe… Pepe s’est déjà vu coller beaucoup d’étiquettes mais au cours de cet Euro, il a surtout prouvé qu’il était un très bon défenseur.

Avis à la population : un animal sauvage s’est échappé. Il répond au nom de Pepe. C’est ainsi que débute une compilation sur YouTube reprenant les fautes les plus hallucinantes du Portugais sous le maillot du Real Madrid. La première est celle sur Javier Casquero, de Getafe. Une faute – si on peut encore l’appeler comme ça – qui, au cours de la saison 2008-2009, lui a valu dix matches de suspension.

Pepe a non seulement plaqué Casquero au sol, il a également planté à deux reprises ses crampons dans le dos du médian espagnol. Et cela dans le rectangle ! Alors que l’arbitre a brandi le carton rouge depuis longtemps, Pepe est revenu près de la victime, lui a enfoncé la tête dans l’herbe et a écrasé sa jambe avec sa chaussure avant de donner un coup à un équipier de Casquero.

Le reste de la vidéo est un florilège de coups de genou, coups de karaté, poussées et autre joyeusetés du genre. Il n’est pas rare que la victime soit un joueur de Barcelone. A l’époque de José Mourinho (2010-2013) les duels entre les deux grandes puissances étaient très tendus et c’était bien souvent une faute de Pepe qui déclenchait les hostilités.

Lors des clasicos, le Special One utilisait Pepe en tant que pitbull dans l’entrejeu et non en tant que défenseur, histoire d’empêcher Lionel Messi de dribbler. Sa mission était de casser le jeu. La reconstruction était facultative. C’est ainsi que, lors d’un match face au Barça, on comptabilisa 17 passes de Pepe, dont seulement 10 réussies. Lors de la même rencontre, Sergio Busquets, son pendant catalan, réussissait 109 passes sur 117.

Sous Carlo Ancelotti, le successeur de Mourinho, Pepe redorait son blason, commettant moins de vilaines fautes. Le défenseur portugais déclarait d’ailleurs à la radio espagnole : « Nous sentons désormais que nous sommes moins haïs qu’à l’époque de Mourinho. » Une preuve qu’il ne se sentait pas réellement à l’aise dans le rôle de machine de guerre que le Portugais lui avait confié.

CRAPULE

Lors de l’été 2007, le Real Madrid avait déboursé pas moins de 30 millions d’euros pour s’offrir Képler Laveran Lima Ferreira, alias Pepe, né au Brésil mais naturalisé portugais. Depuis, le club n’a déboursé plus d’argent que pour un seul défenseur : Danilo. L’arrière droit ridiculisé par Yannick Carrasco en finale de la Ligue des Champions a coûté 31,5 millions d’euros en 2015.

Ramon Calderon, le président du Real, a un jour affirmé que Pepe était « un des meilleurs défenseurs centraux du monde. Les plus grands clubs le voulaient mais il est chez nous », avait-il dit fièrement. Et Pepe est venu pour rester puisqu’il entamera bientôt sa dixième saison sous le maillot du Real. Des joueurs avec qui il entama son parcours, en 2007, il ne reste plus que Sergio Ramos, avec qui il forme désormais un duo très solide.

En neuf saisons dans la capitale espagnole, Pepe a contribué à sa façon à deux titres (2008, 2012), deux coupes (2011, 2014) et deux Ligues des Champions (2014, 2016). Lors de sa dernière finale de Ligue des Champions, il y a un bon mois, il s’est encore distingué en se jetant deux fois au sol de façon théâtrale après des incidents avec Filipe Luis et Yannick Carrasco. Cela lui a valu un regard dédaigneux de l’arbitre et il a été la risée du monde entier.

Gary Lineker a immédiatement tweeté : « Pepe est une crapule« . Et lorsque, au début de l’Euro, le défenseur portugais a de nouveau fait du cinéma après une discussion avec l’Islandais Jon Dadi Bodvarsson, Lineker est allé plus loin encore : « Pepe est une grosse crapule. » Avant le match, le coach islandais Lars Lagerbäck avait d’ailleurs insisté sur les talents d’acteur de Pepe : « Je ne connais pas les critères de recrutement à Hollywood mais, selon moi, il y a sa place. »

Mais le tweet qui cerne le mieux Pepe est peut-être celui de l’Allemand Dietmar Hamman, ex-médian du Bayern Munich, de Liverpool et de Manchester City. « Malheureusement, la classe de Pepe n’est pas reconnue à sa juste valeur car c’est un con. »

PISCICULTEUR

« Les durs aussi ont un coeur. » C’était le slogan utilisé par Pepe à Noël 2011, lorsqu’il fit des biscuits en forme de footballeurs avec le chef espagnol Alejandro Montes. Le produit de la vente de ceux-ci était directement reversé à une ONG s’occupant d’enfants à travers le monde.

Car, comme souvent, la carapace de voyou cache un coeur tendre. Pepe a deux filles : Angeli Sofi et Emily. Cela fait de lui un père de famille parfois surprenant. Gerard Piqué, le défenseur du Barça, raconte ainsi que lors d’un clasico, Pepe lui a demandé sincèrement avant un corner comment allait son deuxième fils, Sasha, et si celui-ci lui donnait beaucoup de travail…

Mais la plus belle anecdote remonte sans doute à l’époque où Pepe était jeune. Il a grandi à Maceio, une ville d’un million d’habitants sur la côte est du Brésil, où Roberto Firmino, l’attaquant de Liverpool, a également vu le jour. Pour aider sa famille, le petit Képler élevait des poissons qu’il revendait ensuite afin de pouvoir ramener à manger à la maison.

Un jour, un autre gamin lui proposa d’échanger tous ses poissons contre un maillot du Real Madrid. Pepe marqua son accord. Lorsqu’il revint avec ce vieux maillot tout sale, son père lui dit qu’il s’était fait arnaquer. « Ce n’est pas grave », répondit Pepe. « Le plus important, c’est que j’aie le maillot de mon club favori. »

PAR STEVE VAN HERPE – PHOTO BELGAIMAGE

Sur un corner, il demande soudain à Piqué comment va son fils…

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