Un Américain à Paris

Il y a 25 ans, le Tour de France le plus haletant de tous les temps a commencé et s’est terminé dans la sensation. A Luxembourg, où se déroula le prologue de 7,8 km remporté par Erik Breukink, Pedro Delgado se dérouilla distraitement les jambes et se présenta au départ de cette mise en bouche avec…2′ 40 » de retard : une catastrophe dont le vainqueur de la Grande Boucle 88 ne se remit jamais. Et, à l’autre bout de ce Tour hors normes, Greg LeMond domina à Paris la 21e et dernière étape (24,5 km contre le chrono) et enleva le maillot jaune des épaules du malheureux Laurent Fignon, relégué à 8 secondes au classement final. Dans notre hors-série Tour de France (en vente actuellement), je reviens sur une des exclusivités mondiales de notre magazine : l’interview de LeMond chez lui, en Californie, en 1987, après l’accident de chasse qui faillit lui coûter la vie. Une estime commune était née entre nous, d’autant plus réelle que je lui avais rendu visite plusieurs fois dès son retour en Belgique, sa base européenne, alors que les médias ne croyaient plus en lui.

Plus fort que ses malheurs et tous les doutes, LeMond s’empara une première fois du  » yellow jersey  » dès la cinquième étape Dinard-Rennes. J’étais aux premières loges. Greg m’a reçu plus d’une fois au soir d’une des randonnées quotidiennes, au moment du repas, à l’heure des soins, du repos dans sa chambre. Des moments exceptionnels qui me permirent de comprendre l’Américain et le fonctionnement de sa petite équipe belge, ADR, qui faisait la nique aux grandes écuries. Si le mérite de cette folle aventure revient d’abord à Greg, bien entendu, l’intelligence du directeur sportif de cette formation, José De Cauwer, qui me réserva une place dans sa voiture lors d’une étape, fit aussi la différence. De Cauwer souda son équipe, fit preuve d’un grand sens tactique et remua ciel et terre afin que LeMond puisse disposer à heure et à temps de son vélo de triathlète pour les exercices de vérité.

ADR était en difficultés financières et son fantasque patron brugeois, François Lambert, décédé en 2004, multiplia les promesses non tenues de payement d’arriérés de salaires avant le départ du Tour 89. L’Américain nous en parla dans sa chambre :  » La mentalité de mes équipiers me plaît : Lammerts, Museeuw, Planckaert, Hoste et les autres sont formidables. Pour que je reste chez ADR il faudra un comportement financier plus stable. Cela dit,  » I know that I’m back. And that’s very important for me.  » Le final des Champs-Elysées constitue toujours un des plus grands moments de l’histoire du sport. Et j’ai eu le bonheur de vivre cette folle aventure au coeur de l’équipe de LeMond et De Cauwer : espérons que le Tour 2014 soit aussi passionnant.

PAR PIERRE BILIC

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