Ultra light

Souverains en Belgique, le champion paraît bien misérable en Europe. La faute à une politique des transferts où la quantité prime sur la qualité.

Le contraste est décidément saisissant entre le vaisseau amiral qu’est le Sporting en championnat de Belgique et le rafiot qui prend eau de toutes parts en compétition européenne. Pourtant, d’une épreuve à l’autre, les hommes demeurent les mêmes. A cette nuance près, peut-être, que par rapport à la campagne passée, on observe un peu plus de mouvement du côté droit de la défense.

Le quatuor quasi immuable constitué de Guillaume Gillet, Ondrej Mazuch, Roland Juhasz et Olivier Deschacht s’est mué cette saison en un sextette, vu les titularisations, par moments, de Victor Bernardez ainsi que de Nemanja Rnic, comme ce fut le cas à Lokeren à la faveur de la quatrième journée en Jupiler Pro League et pas plus tard que jeudi dernier contre le Zenit Saint-Pétersbourg sur la scène continentale. Deux rencontres qui en disent long, finalement, sur le décalage entre deux footballs ô combien différents et sur les limites de ceux qui sont appelés à s’y exprimer. Car si à Daknam, l’arrière-garde newlook des Mauves n’eut aucune difficulté à contenir les assauts des Waeslandiens, elle passa complètement à côté de son sujet face aux Russes. Et, principalement, dans le chef des nouveaux venus dont la responsabilité était ni plus ni moins engagée sur les trois buts.

Etonnant ? Pas vraiment pour les suiveurs réguliers de l’équipe bruxelloise, qui ont eu tout loisir de les jauger chaque fois qu’ils furent lancés dans le grand bain. Avec, il faut bien l’avouer, des résultats très mitigés. Pour ne pas dire catastrophiques. Le Serbe, pour rappel, s’était tristement distingué, dès son arrivée au club en 2008, en se faisant exclure face au BATE Borisov, entraînant une éviction européenne dont on n’a toujours pas fini de parler. Et comme si cet avertissement n’avait pas suffi, l’ancien joueur du Partizan Belgrade récidiva au cours du même exercice, à Malines, avec une élimination dans le cadre de la Coupe de Belgique. De quoi l’enterrer. En 2009-10, son temps de jeu fut compté également : l’intégralité de deux matches à peine lors de la phase classique, à Mouscron et à Charleroi, et deux autres encore à l’occasion des play-offs : face au KV Courtrai et La Gantoise. A aucun moment toutefois, il ne livra une joute sans tache. Au contraire.

Victor Bernardez ne fut pas logé à meilleure enseigne : une partie complète chez les Hurlus aussi, à majorer de deux autres en play-offs : à Zulte Waregem et Courtrai, autrement dit à une période où le championnat était plié. Reste que contrairement à Rnic, insipide d’un bout à l’autre de la saison, le Hondurien vécut tout de même un moment de gloire : son but à distance, sur coup franc, au Dinamo Zagreb, prélude à une précieuse victoire.

Quid si Roland Juhasz ou Silvio Proto se blessent ?

Mais en Coupe du Monde, il ne fut jamais que substitut de la plus faible sélection du tournoi. Quant à Rnic, il pouvait se mettre en quête d’un nouvel employeur : il n’avait jamais saisi sa chance et la direction souhaitait ardemment récupérer une partie au moins des 200.000 euros qu’il avait coûté. Aucun candidat-acheteur ne se manifesta cependant pour lui Pas plus que pour Bernardez qui avait pourtant manifesté le souhait de changer d’air lors du mercato d’hiver, conscient qu’il était barré.

Qu’Anderlecht ait en définitive été obligé de les conserver en raison d’un manque d’intérêt pour eux ainsi que d’un contrat toujours en cours, passe encore. Mais ce qui est plus grave, c’est que les dirigeants n’aient pas cherché de solutions de rechange. C’est d’autant plus ahurissant que la volonté de la maison était de relancer Guillaume Gillet dans l’entrejeu. Par là même, une alternative s’imposait au back si l’on ne voulait plus y composer avec le Serbe. D’autre part, la venue d’un défenseur axial supplémentaire n’était sûrement pas un luxe supplémentaire non plus, car le RSCA est réellement à l’étroit dans ce secteur.

Aujourd’hui, en haut lieu, certaines personnes frémissent à l’idée qu’il pourrait arriver quelque chose de fâcheux à Roland Juhasz, le défenseur le plus régulier des Mauves. S’il devait s’effacer pour l’une ou l’autre raison, il faudrait alors faire glisser Olivier Deschacht dans l’axe. Et ce n’est pas vraiment sa meilleure place…

Il n’y a d’ailleurs pas que le cas du Hongrois qui interpelle. Car on est parfaitement conscient aussi de ne pas être tout à fait paré à l’échelon des gardiens. Certes, Silvio Proto a progressé de belle façon en un an. Aujourd’hui le Hennuyer semble bien seul. Michaël Cordier, qui était relativement proche de son niveau lors de leurs années communes à La Louvière, en 2004 et 2005, est loin de le titiller à présent, faute d’une pratique soutenue. Le titulaire anderlechtois a quelque 180 matches de D1 dans les jambes, le second à peine une soixantaine. Quant à Nicaise Kudimbana, le n°3 dans la hiérarchie, il a tout à découvrir. Parmi les administrateurs du club, deux au moins regrettent très amèrement que le trio de décideurs formé du président Roger Vanden Stock, du secrétaire général Philippe Collin et du manager Herman Van Holsbeeck n’ait pas insisté pour obtenir le concours du Trudonnaire Simon Mignolet, qui réalise des prouesses à Sunderland.

Des regrets pour Mignolet, De Bruyne et Shikabala

Les Canaris étaient pourtant disposés à prêter davantage une oreille attentive au Sporting qu’aux Anglais ou au PSV, qui étaient sur les rangs du portier aussi. C’est qu’avec Anderlecht, il y avait moyen de s’entendre sur base locative, comme cela s’était produit notamment avec Sébastien Siani. Finalement, si l’accord ne s’est pas réalisé, c’est en raison de l’attitude des Mauves qui avaient un prix en tête, soi-disant à prendre ou à laisser. Le big boss du Stayenveld Roland Duchâtelet n’avait pas du tout apprécié, estimant que c’était à lui et personne d’autre de fixer un montant.

Au demeurant, Mignolet n’aura pas été le seul joueur à faire faux bond au RSCA pour des raisons d’ordre financier. Le milieu offensif du Racing Genk, KevinDe Bruyne en est un autre. Dans ce cas-ci aussi, les Mauves ne voulaient pas excéder un certain plafond. Et d’aucuns, dans les sphères dirigeantes, nourrissent de nos jours les mêmes regrets qu’avec le Trudonnaire. Car la jeune vedette des Limbourgeois coûtera bien plus dans quelques mois que les deux millions d’euros qu’Anderlecht voulait débourser pour ses services. On dit aussi, dans les coulisses du club, que Mahmoud Shikabala aurait été anderlechtois aujourd’hui si les dirigeants s’étaient montrés un peu plus généreux avec leurs alter ego du Zamalek à qui ils avaient fait une offre de deux millions, un point c’est tout. Cette pingrerie est en définitive un mauvais calcul. Si l’Egyptien était susceptible de conférer un plus, comme tous ceux qui l’ont vu à l’£uvre l’affirment, il aurait peut-être été en mesure d’apporter cet extra qui aura cruellement manqué aux Mauves pour se qualifier en Ligue des Champions.

L’histoire repasse les plats au Parc Astrid. Il a un an, les responsables sportifs anderlechtois n’avaient pas voulu, non plus, délier les cordons de la bourse pour recruter le Gantois Bryan Ruiz pour qui les Buffalos demandaient 5 millions d’euros. Entre-temps le talentueux Costa Ricain aura permis à son nouvel employeur, le FC Twente, de décrocher le titre aux Pays-Bas et de jouer la Ligue des Champions. Sans compter que sa valeur marchande est passée à 15 millions d’euros C’est ce qui s’appelle un bon placement.

Bon nombre de managers le disent : pour moins de 5 millions d’euros, il est quasi exclu d’obtenir en Belgique un renfort qualitatif. Anderlecht n’a jamais été aussi loin. Pour lui, le maximum reste une fourchette comprise entre 3 et 3,5 millions d’euros, ce qu’il a dépensé par le passé pour des éléments comme Mbark Boussoufa, Lucas Biglia ou Jan Polak. Trois joueurs qui ont sans conteste apporté un plus au Sporting, mais sans pouvoir prétendre à davantage pour autant. La preuve, c’est que malgré des prétendues touches, ils sont toujours là et bien là aujourd’hui, au Parc Astrid. Où l’on est content, finalement, d’avoir pu les garder, au même titre qu’un Romelu Lukaku notamment. Si conserver les bons est louable, les entourer de meilleurs encore est un must si on nourrit des ambitions.

Et c’était quand même le discours de la direction, cet été, lorsque le président affirma que le Sporting voulait recoller au sub-top européen. Désolé, mais chacun aura compris dans l’intervalle que l’on n’y arrive pas avec des comptes d’apothicaire.

Des arrivées mais des renforts ?

A trois, les Tchèques JanLecjaks, Lukas Marecek et Ondrej Mazuch n’ont pas grevé le budget de 5 millions d’euros. Mais pour quels résultats ? Le premier a marqué un auto-but lourd de conséquences à Belgrade et était réserviste face au Zenit, à l’instar de ses deux compères. Quant aux autres transfuges de l’été, ils n’ont guère été plus productifs jusqu’à présent : l’Argentin Pablo Chavarria ne décolle pas du banc de touche non plus, son compatriote Pier Barrios est sur le flanc, victime d’une pubalgie, et SachaKljestan se trouve plus souvent en tribune que dans le dug-out. Difficile de parler de renforts, dans ces conditions. Et compte tenu du départ de Jelle Van Damme à Wolverhampton, on en arrive donc au constat implacable qu’Anderlecht, qui voulait se rapprocher de la cour des grands, est aujourd’hui plus faible que l’an passé.

De quoi en exaspérer plus d’un. A commencer par Bous qui, dans chaque interview, se lamente parce que ni Ruiz, ni Shikabala, ni… Mémé Tchité n’ont abouti au stade Constant Vanden Stock. Le Marocain n’omet jamais non plus de signaler combien Jelle Van Damme manque au RSCA, tant sur le terrain que dans le vestiaire.

Le public anderlechtois, lui aussi, commence tout doucement à maugréer. Signe des temps : la prévente pour le match contre le Zenit fut la plus mauvaise depuis longtemps. Les fans veulent du lourd et le club ne leur offre que du light depuis 2005, année de la dernière participation des Mauves en Ligue des Champions. Comme le signalait un inconditionnel à la sortie du stade jeudi passé :  » Tant qu’à se faire laminer, autant que ce soit par le Barça « . Il n’est manifestement pas le seul à penser ainsi…

par bruno govers

« La pingrerie anderlechtoise est un mauvais calcul. »

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