Trois notes sur le foot/télé.

Un. La télé est-elle un outil extraordinaire quand elle nous détaille des vicelardises qui, sans elle, passeraient inaperçues ? Prenons par exemple, dans les grands rectangles, les vues innombrables de tirages de maillots tirés par habitude, ou de bras enserrant comme des pieuvres sans même s’en rendre compte : depuis dix ans, les multiples gros plans des caméras multiples ont-ils fait £uvre utile en en révélant la fréquence lamentable… ou ont-ils popularisé les coups fourrés, ont-ils invité à l’imitation ? !

A tout niveau, s’écroule-t-on instinctivement bien plus souvent pour chercher le péno ? Tackle-t-on par derrière au niveau des genoux dès la catégorie des Diablotins ? Le coude part-il plus fréquemment tout seul dans le faciès adverse dès qu’on dispute un ballon aérien ? En d’autres termes, maintenant qu’ils peuvent voir tous les jours que les professionnels trichent comme des malades, nos milliers d’amateurs et de mômes trichent-ils davantage que voici dix ans ? Grosse question. A mon avis, la réponse est un gros oui…

Deux. A la télé, deux phases récentes, sur coup franc aux abords du rectangle, viennent de rappeler qu’il y avait peut-être pire que ces impulsions tricheuses presque pavloviennes. La première anecdote concerne un coup franc en faveur des Rouches voici un bon mois. Rappelez-vous, Mohamed Sarr bourre de toutes ses forces sur l’épaule d’un mec de l’extrémité du mur de Zulte Waregem, tous les gars de ce mur chancellent en chaîne, c’est synchro et presque aussi joli qu’un abattage de dominos : c’est d’autant plus synchro que Milan Rapaic frappe évidemment le coup franc au moment même où le mur s’effrite…

Similaire, la seconde anecdote concerne un mur bordelais voici dix jours à Marseille, sur coup franc un peu désaxé à droite. Samir Nasri est au ballon et décale son équipier Taye Taiwo de cinq mètres sur la gauche, pour que le pied gauche de Taiwo puisse frapper plein axe, et sans mur dans le chemin. Rio Mavuba, placé côté intérieur du mur bordelais, veut alors faire son boulot, c’est-à-dire se ruer vers Taiwo dès après le décalage. Mais tout est prévu : le Marseillais Lorik Cana, placé dans les parages de Mavuba, fait illico obstruction à la course de ce dernier vers Taiwo… et Taiwo fait bingo dans les filets d’ Ulrich Ramé !

Ce ne sont que deux exemples, ce genre de pratique est bien sûr visible aux quatre coins du globe footeux professionnel. Et la pratique est déprimante pour trois raisons distinctes. D’abord, c’est d’évidence prémédité plutôt qu’impulsif, cela nécessite une préparation, un entraînement ! Ensuite, nous passons ici d’une tricherie individuelle à une tricherie collective, la notion de complot n’est pas loin ! Enfin, tout qui s’adonne à cela en présence de la télé avec tout son bataclan sait pertinemment (mais s’en fout royalement) qu’en cas de réussite, la victoire trichée apparaîtra à tous au grand jour et sous toutes les coutures : le cynisme remplace désormais les coups en douce, à chacun de se demander si c’est un progrès…

Trois. Puisque la télé, avec son armada de caméras, nous montre beaucoup mieux le foot (et ses turpitudes) que par le passé, la logique toute bête voudrait qu’en conséquence, nous ayons beaucoup moins besoin de commentaire live : eh bien c’est tout l’inverse, voilà même qu’à présent ils sont QUATRE sur TF1 ! Quand j’étais petit, le commentateur était seul à compenser par son blabla ce que ne montrait pas l’unique caméra : il citait les joueurs qui n’apparaissaient pas en gros plan et n’avaient pas leur nom sur leur maillot, il signalait ce que montrait mal l’écran, et cela suffisait. Puis est venu le long copinage de Thierry Roland avec Jean-Michel Larqué, sous prétexte de consultance nécessaire d’un vrai pro. Aujourd’hui, voilà qu’ Arsène Wenger s’amène en renfort… ce qui devrait d’ailleurs vexer Larqué ! En sus, faut se taper le petit jeune de service, chargé de faire le pied de grue alentour des bancs de touche pour guetter celui qui met les doigts dans son nez, et qui parvient encore à en placer une dans le direct dès que ses trois confrères laissent un petit blanc !

Tout cela me tue quand je mets le son, je vous ai d’ailleurs dit le mettre de moins en moins… Trop souvent, j’ai envie de crier aux commentateurs : -TAISEZ-VOUS ! Envie de leur hurler qu’il y a des images et qu’elles sont parlantes ! Que nous avons des yeux et que nous ne sommes pas débiles ! Que nous voulons nous faire une idée, et pas nous voir imposer les leurs même quand ils en ont ! Avoir peur du silence quand on regarde un match, c’est avoir peur du jeu.

par bernard jeunejean

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