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TREBEL CONFIDENTIEL

Reconstruction d’un transfert qui a fait couler beaucoup d’encre durant ce mercato. Et pourquoi sa conclusion en mauve devrait avoir des conséquences sur tout le football belge.

Lundi 26 décembre, veille de match face à Saint-Trond. Aleksandar Jankovic a le visage fermé. Il entre dans le vestiaire et pointe le fautif du jour. Le coach serbe n’a pas pour habitude d’y aller par quatre chemins, son discours dans le vestiaire de l’Académie est souvent cash et direct, Matthieu Dossevi ou Jean-Luc Dompé peuvent en témoigner. Cette fois, c’est Adrien Trebel qui en fait les frais.  » Tu irrites tout le monde à parler tout le temps de ton transfert, ton absence lors du repas de fin d’année est la preuve que tu n’es plus digne de porter le brassard de capitaine.  » Cette mise au point plutôt salée sonne comme une fin de parcours pour le rouquin du Standard. Le lendemain, Trebel passe son brassard au néo-capitaine, Alexander Scholz et inscrit son dernier but en rouche d’une jolie frappe du gauche. Mais Trebel ne fête pas son but, tire la gueule, alors que le reste de l’équipe vient lui taper sur la tête en guise de réconfort. Mais la scène manque d’entrain. Après la rencontre, Jankovic tente de justifier comme il se peut le changement de capitanat :  » Trebel n’est pas assez leader et ne prend pas mal mon choix.  »

La cassure est pourtant évidente. Tant avec le coach qu’avec une bonne partie du vestiaire. Car ils sont plusieurs à s’être frittés avec l’ex-Nantais ces derniers mois, que ce soit en plein match (Edmilson lors du Standard -Saint-Trond de cette saison) ou à l’entraînement avec les plus jeunes (Beni Badibanga ou Ibrahima Cissé) et de plus en plus régulièrement avec son successeur au brassard, Alexander Scholz, qui ne risque pas de l’embarquer dans son camping-car pour ses prochaines vacances, et qui lui a souvent reproché ses récurrentes pertes de balle.

Et puis le Français n’a jamais été le véritable patron du vestiaire. Trebel est plutôt discret, on ne l’entend pas ou presque. Ce n’est pas non plus un rassembleur. Avant chaque match, il entre le casque sur les oreilles, il se prépare dans son coin, se rend aux soins. Il n’est pas là pour haranguer les troupes quand la tension se fait sentir. Et quand il décide de jouer les gros bras, ça sonne faux.  » Je lui ai souvent dit à Adri : arrête de jouer les caïds, tu n’en es pas un « , sourit Will Still, ancien bras droit de Yannick Ferrera au Standard et analyste vidéo.  » Adri, c’est un bon mec, ça se voit surtout en dehors des terrains.  » Son absence lors du repas de fin d’année, prétextant une maladie alors qu’il se rend pourtant chez son ami de retour sur Liège Mehdi Carcela avant d’aller chercher à l’aéroport sa femme revenue de Nantes plus tard dans la soirée, marque une cassure définitive.

Quand les joueurs apprennent son départ vers Anderlecht le jour de leur retour de stage, c’est l’indifférence ou presque. Ils sont davantage inquiets d’un futur départ d’Ishak Belfodil dont les qualités semblent indispensables au Standard dans la quête d’un ticket pour play-offs 1. Par contre, ce départ de leur ex-capitaine (sur papier mais pas dans les faits) sur fond de clash est un mauvais signal adressé par la direction au reste d’un noyau où pas mal de joueurs rêvent de changer d’air. Car le milieu de terrain français a eu finalement ce qu’il voulait au terme d’un bras de fer long d’une semaine.

LES DÉBUTS D’UN CLASH

Le samedi 7 janvier, le staff des Rouches embarque pour le stage à Marbella sans Adrien Trebel. La direction n’avait évidemment pas vu venir cette volte-face. Bruno Venanzi prend son téléphone et joint l’agent du joueur, Nicolas Onissé (qui s’occupe entre autres des intérêts de Samatta à Genk). Mais la discussion tourne court car l’agent rappelle au président du Standard qu’il a mangé sa parole et qu’il veut une confirmation par mail de ce qui avait été négocié. Quelques jours plus tôt, Bruno Venanzi et Olivier Renard rencontrent Trebel et son agent. Il en ressort que le joueur peut quitter le Standard en cas d’offre de 2,5 millions d’euros. Cette offre tombe par l’entremise de Gand dans la soirée. Mais le Standard espère toutefois tirer davantage d’un joueur dont la valeur marchande a pourtant fortement baissé en quelques mois. La direction du Standard propose à Gand la tractation suivante : 2 millions plus Neto. Un échange plutôt irréaliste vu la cote du Brésilien. La volonté est de voir Trebel quitter le club pour un championnat étranger mais on ne se presse pas au portillon pour un joueur qui reste, cette saison, sur des prestations trop irrégulières. Mainz montre de l’intérêt, Stuttgart (D2 allemande), également, Hambourg timidement, mais aucune offre ferme n’atterrit dans les mains d’Olivier Renard. Ce dernier est le premier opposant à un transfert de Trebel vers Gand, il est conscient que ce passage renforcerait grandement un concurrent direct aux PO1, ce qui serait plutôt malvenu à l’approche de la dernière ligne droite.

TREBEL MONTRE LES CROCS

Les envies de départ de Trebel ne datent pas d’hier. L’été dernier déjà, le Français voulait monnayer son talent après une saison en dents de scie, malgré le succès en Coupe, alors que sa première année en rouche avait été une vraie réussite (élu meilleur joueur de la saison par ses propres supporters). Après avoir refusé une offre de Guangzhou, apporté par l' » agent-maison  » Christophe Henrotay, qui tournait autour des 5 millions d’euros, Trebel reçoit une seconde offre, tout aussi lucrative dans le courant du mois d’août, en provenance d’Al Jazira. Le néo-Anderlechtois accepte la montre en or où on lui propose d’empocher six millions d’euros sur trois ans.

Le club emirati est prêt à verser 4 millions d’euros au Standard, mais le Standard veut plus. Trebel nous dira plus tard :  » Pendant l’été, Bruno Venanzi m’a dit qu’il voulait me garder une saison de plus. Mais dans le même temps, il m’a communiqué le prix pour lequel je pourrais partir. Ce montant, on le lui a ramené, avec mon agent. Et il l’a refusé.  » Dans les dernières heures du mercato, alors que le Standard, Olivier Renard en tête, s’efforce de renforcer un noyau aux abois, c’est Lorient qui vient taper à la porte mais Bruno Venanzi n’est pas prêt à se séparer de son milieu de terrain français pourtant régulièrement critiqué.

Malgré un léger sursaut après la nomination de Jankovic, Trebel retombe dans ses travers, est régulièrement décevant (le joueur le reconnaîtra d’ailleurs), a la tête ailleurs et pense surtout à son avenir et à un transfert.

Contacté par téléphone, son agent, Nicolas Onissé se fait bref :  » Quand Adri a vu qu’on lui refusait à nouveau un transfert alors qu’une nouvelle fois le montant demandé est arrivé sur le bureau du Standard, il m’a dit : on se fout vraiment de ma gueule. On l’a pris pour un dauphin, il leur a montré qu’il savait être un requin.  » Le 7 janvier, Trebel affiche ouvertement son ras-le-bol et décide de boycotter le stage.

HENROTAY VS BAYAT

Du côté de Gand, on continue à rêver de Trebel. Le champion de 2015 est d’ailleurs insistant depuis plusieurs semaines. Hein Vanhaezebrouck appelle à plusieurs reprises le joueur français et lui explique comment il voudrait l’utiliser et pourquoi il veut en faire le successeur de Sven Kums, qui n’a pas su être remplacé l’été dernier. Trebel est séduit par le discours et l’approche du coach gantois et clame à ses proches que s’il signe à Gand, la présence de Vanhaezebrouck est déterminante. Vers la fin du mois de décembre, Patrick Turcq, manager sportif des Buffalos, contacte l’agent de Trebel. Ce dernier s’entretient par la suite avec Mogi Bayat qui avait déjà tenté de diriger le milieu de terrain français vers Gand et la Ligue des Champions à l’été 2015.  » Mister deals  » reste un personnage central du côté de Gand, lors de l’entrée d’un joueur mais aussi à sa sortie. Ces différents intervenants passent à table et tombent d’accord ou presque, il reste à trouver un prix qui puisse convenir au Standard. Quelques jours plus tôt, Michel Louwagie reçoit un message de Christophe Henrotay : Trebel c’est trois millions pour 100 % du joueur, Jean-Luc Dompé 2 millions d’euros pour 80 % du joueur et Ryan Mmaee 500.000 pour 50 % du joueur.

Vendredi 13 janvier, la direction de Gand pense enfin être arrivée à ses fins. Le joueur et son agent semblent s’accorder sur l’offre gantoise tandis que le club est prêt à payer les 3 millions demandés par le Standard. Le joueur repart pourtant de la Ghelamco Arena sans avoir signé de document. Adrien Trebel voudrait étudier les chiffres du contrat avec son frère qui est banquier à Dreux (banlieue parisienne) avant d’entériner le transfert lors d’un second rendez-vous, fixé le lendemain à 16 h. C’est du moins ce qu’il affirme à la direction de Gand. Nicolas Onissé, qui vient seulement de remonter dans sa voiture, reçoit alors un coup de téléphone d’Herman Van Holsbeeck. Trebel entend tout de la conversation puisqu’il est sur le siège passager. 48 heures plus tard, Anderlecht et le Standard officialisent le transfert.

LE CONFLIT ANDERLECHT VS GAND

 » J’ai appris une chose, un deal n’est fait que quand les documents sont signés « , nous explique le directeur général des Mauves.  » Quand j’ai vu que ça traînait, je me suis dit qu’il y avait un coup à réaliser. Et quand le joueur m’a dit : – Monsieur Van Holsbeeck, si vous voulez de moi, il n’y a qu’un club où je veux jouer, c’est chez vous, j’ai pris mon téléphone et j’ai appelé directement Bruno Venanzi sans passer par des intermédiaires.  »

A Gand, on se sent évidemment floué. On pense que c’est Mogi Bayat, grand ami également de la maison mauve, qui a tuyauté Van Holsbeeck sur le dossier Trebel. Et pourtant, plus d’une semaine avant l’officialisation du transfert, c’est Christophe Henrotay qui avait contacté Herman Van Holsbeeck pour lui donner les informations sur sa possible venue tout en lui conseillant d’échanger en direct avec Bruno Venanzi. Ce transfert devrait aussi faciliter le départ en fin de saison de Youri Tielemans, voire de Leander Dendoncker, deux joueurs d’Henrotay. A Gand, les conséquences de la non-venue de Trebel sont sportives dans un premier temps mais ont surtout fait naître un conflit avec Bayat, agent de plusieurs éléments bankables du côté gantois (Milicevic, Coulibaly ou Perbet) et surtout de Hein Vanhaezebrouck, ce qui pourrait compliquer les futures transactions.

Mercredi dernier, le 18 janvier, Herman Van Holsbeeck affiche sa satisfaction aux côtés de son nouveau joueur lors d’une conférence de presse où est agglutiné toute la presse nationale et où tout est parfaitement orchestré (…sauf quand Trebel buggue sur le nom de son nouveau président). René Weiler en aurait fait son remplaçant idéal suite au départ non comblé de Steven Defour. Peu avant de conclure l’affaire, le coach suisse a d’ailleurs expliqué à Trebel qu’il avait besoin d’un élément capable d’apporter un plus au niveau du travail de récupération et de densifier le milieu de terrain grâce à ses courses.

Par ce transfert, Herman Van Holsbeeck réaffirme sa force de frappe. Il y a un an quasi jour pour jour, le directeur général d’Anderlecht perdait son duel avec la direction gantoise dans le cadre du transfert de Mbark Boussoufa (un échec qui s’avérera salvateur vu les maigres performances du Marocain). Il y a un an, Gand était la capitale du foot belge, le club champion en titre, qui restait sur une magnifique campagne en Champions League. La Bentley clinquante de Bous’ se garait alors sur le parking d’une Ghelamco Arena flambant neuve. Anderlecht tirait la tête, semblait dépassé. Anderlecht a aujourd’hui pris sa revanche.  » Si vous saviez comme on est respecté à l’étranger, bien plus qu’en Belgique « , clame aujourd’hui Van Holsbeeck.  » Je suis convaincu que ça a dû jouer dans le choix d’Adrien.  »

Ce transfert aura rouvert les tensions entre Gand et Anderlecht et montré publiquement que le Standard est prêt à pactiser avec l’ennemi. En deux ans et demi, le cas Trebel aura impliqué les quatre grands de notre championnat puisque pour rappel, avant de signer chez les Rouches, l’ex-Nantais était proche d’une arrivée à Bruges, où on aurait fait lanterner trop longtemps son dossier, ce qui l’a finalement envoyé dans les bras de Roland Duchâtelet. Reste à voir désormais si tout cela en valait vraiment la peine.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Monsieur Van Holsbeeck, si vous voulez de moi, il n’y a qu’un club où je veux jouer, c’est chez vous  » ADRIEN TREBEL

 » On l’a pris pour un dauphin, il leur a montré qu’il savait être un requin.  » NICOLAS ONISSÉ, SON AGENT

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