Tête bien pleine

Pour l’attaquant du Germinal Beerschot, sa deuxième expérience en Europe doit être la bonne.

J unior Negrão (23 ans) est entré dans le championnat de Belgique le sourire aux lèvres. Sa joie après les trois buts inscrits pour sa première titularisation avec le Germinal Beerschot lors du match à Zulte Waregem faisait plaisir à voir. Depuis, l’attaquant brésilien a doublé son capital.

Mais qui est donc ce Gleidionor Figueireido Pinto Junior ?  » Mon prénom, c’est Gleidionor mais vous pouvez m’appeler Junior Negrão. En portugais, Negrão veut dire nègre mais ce n’est pas du tout péjoratif ni insultant. C’est une marque d’affection. Mon premier entraîneur, Marcelo Rodrigues, m’a appelé comme ça parce que dans l’équipe, il y avait deux Juniors. Et comme j’étais le plus noir des deux… D’ailleurs, je n’ai jamais été confronté au racisme dans ma vie : je suis de l’Etat de Bahia, où la moitié des habitants sont noirs. Plus tard, j’ai joué dans l’Etat de Santa Catarina, où les Blancs sont majoritaires. La seule différence, je l’ai ressentie au Portugal : là, manifestement, les Brésiliens ne sont pas toujours très bien vus. Mais c’est juste de la méfiance.  »

Junior est le dernier d’une famille de huit garçons et une fille :  » Je suis le seul footballeur pro mais au moins trois de mes frères étaient assez doués. Et ma s£ur n’avait pas le choix : si elle ne voulait pas rester seule dans son coin, il fallait qu’elle joue avec nous. Mon père est avocat de formation et travaille aujourd’hui comme contrôleur des contributions, tout comme ma mère. Tous mes frères et s£ur sont universitaires : avocats, biologistes, professeurs d’éducation physique…. Moi, j’ai étudié le droit pendant deux ans mais si je devais arrêter le foot, je me dirigerais plutôt vers le monde de l’entreprise. Mon épouse, Anne, est également avocate.  »

Os Mascarados

Junior Negrão n’avait qu’un an lorsque toute la famille émigra à Manaus, capitale de l’Amazonie. En l’absence de plage où jouer pieds nus, cap sur le futsal :  » Mon père avait fondé sa propre équipe : que des membres de la famille. Nous nous appelions Os Mascarados (les Masqués). Chacun avait sa place. Après la dissolution de cette équipe, je me suis alors retrouvé à Ubra, qui disputait le championnat interscolaire. J’avais mon frère pour coach. C’est là que je me suis fait remarquer par une école de foot avant de m’affilier au Nacional, un club où l’on s’est beaucoup occupé de moi. Après deux ans, j’ai passé quelques mois à l’Atletico Mineiro, où j’ai côtoyé Paulo Henrique, le joueur de Westerlo.  »

Au futsal, Junior évoluait comme pivot. Aujourd’hui encore, il préfère ce sport au football. Il présente des petites lacunes sur grand terrain. Comme le manque de vitesse dans la profondeur et le fait qu’il aime un peu trop garder le ballon :  » Ce sont les deux principaux reproches que Glen De Boeck m’adresse. Je commence seulement à apprendre l’anglais et Daniel Cruz traduit pour moi. Le foot belge est très différent de ce que j’ai connu. Chez nous, on joue souvent en 3-5-2, avec un bloc très haut et des médians qui font circuler le ballon jusqu’à trouver la faille. Ici, on cherche directement la profondeur, quitte à rejouer vers l’arrière par la suite.  »

Le froid, Junior l’avait déjà un peu côtoyé à São Paulo lorsqu’il débuta sa carrière à Corinthians :  » Malheureusement, tout s’est très mal passé. Le club était en crise, la plus grande qu’il ait jamais connue. Le président était accusé de détournements et de blanchiment : on ne parlait plus de football et j’étais trop jeune pour supporter tout cela. « 

L’amour au Portugal

Après cette expérience malheureuse (il ne joua qu’un seul match), Junior s’entraîna avec Madureira puis signa à Belenenses, au Portugal, où il ne resta six mois. Cette équipe aurait dû évoluer en D2 mais venait d’être repêchée et changea rapidement d’entraîneur :  » De plus, nous n’étions pas payés. Mais j’ai résolu le problème de la solitude puisque depuis un an et quatre mois, je suis marié avec Anne, qui vit avec moi à Anvers.  »

Depuis, Junior s’est refait une santé et a repris confiance en série B brésilienne. D’abord au CRAC Catalão puis, surtout, à ABC de Natal (10 buts en 16 matches) et à Figueirense de Santa Catarina (9 buts en 13 matches). Si l’on compte bien, il est donc déjà passé par sept clubs.

Parmi ses clubs, on retrouve aussi Tombense, mais il n’y a jamais joué :  » Il s’agit du club auquel sont affiliés tous les joueurs qui, comme moi, appartiennent à la société de management Brazil Soccer. La fédération brésilienne juge que les contrats que cette société nous fait signer ne sont pas valables. Nous passons donc par ce club qui nous reloue chaque année. « 

C’est ainsi que Junior a atterri au Beerschot qui, par le passé, n’avait eu qu’à se louer des joueurs fournis par Brazil Soccer. Ce fut le cas du gardien, Luciano, aujourd’hui à Groningen, mais également d’ André Lima, qui lutte actuellement pour le titre de champion du Brésil à Fluminense, après être passé par le Hertha Berlin.

 » Je sens qu’aujourd’hui, j’ai besoin de stabilité. J’aimerais rester deux à trois ans ici, le temps de prendre mes repères. « 

PAR PATRICE SINTZEN – PHOTO: REPORTERS

A cause de la pratique du futsal, De Boeck regrette qu’il manque de profondeur et garde trop la balle !

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