Malgré la victoire contre Mouscron, le climat est tendu au stade du Pays de Charleroi.

Le parcours de Charleroi ressemble à cette épreuve de l’ancien jeu, Intervilles, durant laquelle un concurrent devait monter une pente savonnée. Il glissait à chaque fois qu’on le croyait parti pour surmonter cet obstacle mais il se remettait sur ses pieds à chaque fois. Et au bout du compte, il arrivait au sommet. Cela fait des semaines que le Sporting a renoué avec son jeu mais un peu de savon par-ci, par là et le voilà retombé dans ses travers. Ces dernières semaines, le savon a pour marque Roulers et alors que les performances des dernières semaines auraient dû mettre les Zèbres à l’abri, il n’en est rien. Même la victoire contre le Standard n’a pas apaisé les esprits. Celle de Mouscron, samedi, à peine plus.

Que retenir d’une rencontre médiocre (sans doute la plus faible prestation zébrée des deux derniers mois), et d’une victoire obligatoire (puisque Roulers avait gagné la veille) obtenue à l’arrachée face à une formation abattue par les derniers développements de la saga financière ? Les trois points. A peine suffisants pour pousser un ouf de soulagement. Roulers est toujours à quatre points et reste sur un 13 sur 15, niveau de forme qui les conduira forcément vers le maintien. Il faudra donc trouver un remplaçant au rôle de barragiste et à ce jeu, cela risque de se jouer entre Courtrai et Charleroi.

Les Zèbres ont conscience de cet état précaire. Et cela se sent à tous les étages. Contre Mouscron, on a retrouvé une équipe développant son jeu la peur au ventre. Plus que jamais, le Sporting marche au mental.  » Je ne trouvais pas qu’il y avait de la crispation dans l’air. Mais il ne faut pas attendre mieux de notre part sur un terrain pareil. Tous les quinze jours, ce sera la même chose « , clamait Majid Oulmers.

Mais c’est en coulisses que la fébrilité se fait le plus sentir car l’avenir du club et la politique de la saison prochaine commencent à s’esquisser. Et il semble bien que le Sporting soit parti pour un nouveau chantier, alors que les fondations de la nouvelle maison carolo viennent à peine de sortir de terre.

Collins se lâche

Ce que l’on craignait semble maintenant irrémédiable. John Collins ne restera pas. Samedi, dans une interview dans Le Soir et La Nouvelle Gazette, il est sorti de sa réserve et a critiqué ses dirigeants.  » Mon bail à Charleroi se termine en fin de saison et c’est bien ainsi (…). Visiblement, ce club n’est pas taillé pour gagner un jour quoi que ce soit. Chaque année, il lui faut vendre un ou deux bons joueurs. Je peux comprendre et m’accommoder de tout ça pour autant que j’aie en permanence Abbas et Mogi derrière moi. Ce qui n’est pas le cas, dans le chef, surtout de Mogi. (…) Moi, à Charleroi, je dois composer avec Mogi Bayat, qui affirme connaître le football de A à Z alors qu’il n’a jamais eu un ballon dans les pieds (…) Je crois rêver quand j’entends mon président me conseiller d’adopter tel système plutôt qu’un autre.  » Dans la même interview, Collins affirme également qu’on ne l’a pas consulté avant de signer les deux transferts déjà effectués en vue de la saison prochaine ( Sandro Cordaro et Grégory Grisez). Il n’en fallait pas plus pour réveiller le courroux des supporters.

Samedi 19 h 45, les grilles de l’entrée principale sont subitement verrouillées. Un groupe de supporters mécontents vient manifester devant la tribune principale, distribuant des tracts.  » Il y en a marre de voir un président prendre des décisions sportives alors qu’il a démontré à de multiples reprises qu’il n’y connaît rien. John Collins a enfin dit ce que probablement tous les coaches ont pensé tout bas « , précisait le tract des Storm Ultras. Pendant toute la rencontre, ils ont scandé le nom de Collins et demandé la démission de la direction.

Pourtant, en fin de rencontre, l’Ecossais revenait sur ses propos (or, cette interview avait été donnée devant trois journalistes, un photographe et… Enzo Scifo).  » Je suis très déçu par l’interprétation. Je n’ai pas dit que Charleroi n’était pas mon club ( NDLR : titre de l’article de la Nouvelle Gazette). Cette phrase a été coupée puisque j’y ajoutais que c’était le club de Mogi et du président. J’ai tout donné depuis que je suis ici et je continuerai à tout donner pendant six semaines. On dit aussi que le président choisissait l’équipe. C’est exagéré ! J’ai toujours choisi l’équipe.  » Si ces derniers propos sont vrais, il ne fait aucun doute que Collins a subi des pressions pour aligner tel ou tel joueur mais qu’il n’a jamais cédé. Ce qui a notamment conduit, il y a un mois, à une prise de bec entre lui et Mogi.

Cela fait un petit temps que les relations sont tendues entre l’entraîneur et les dirigeants. Pourtant, personne ne veut officialiser le départ. Le revirement de Collins, samedi soir, est une preuve, la réaction de Mogi en est une autre.  » La majorité des propos ont été coupés, pas finis ou interprétés. Je considère donc l’incident comme clos. A partir du moment où mon entraîneur me dit cela, je préfère le croire lui plutôt qu’un journaliste « , a-t-il affirmé. Quant à Abbas Bayat, joint par téléphone, il bottait en touche concernant la reconduction de contrat de Collins :  » La saison n’est pas finie. Mais c’est vrai que nous sommes où nous sommes au classement. Cependant, je n’entre pas dans le jeu du bilan avant la fin du championnat.  »

Mais la porte reste-t-elle ouverte ?  » Je ne dis pas qu’elle l’est et je ne dis pas qu’elle ne l’est pas.  » En définitive, le président regrette-t-il d’avoir opté pour une autre vision du football en intronisant Collins ?  » C’est un choix qui a été posé à un moment donné. On va voir en juin si cela était le bon. « 

Aucune des deux parties ne semble donc encline à continuer l’aventure. De plus, Collins souffre de l’éloignement familial et il a toujours dit qu’en cas de prolongation de contrat, il emmènerait toute sa famille dans le Pays de Charleroi. Des relations tendues ne l’inciteront certainement pas à mettre en péril l’équilibre familial (il avait même refusé des offres en Angleterre pour éviter un déménagement et permettre à ses enfants de continuer leur scolarité à Edimbourg).

Et les joueurs ?

Derrière Collins, pointent d’autres interrogations. Le staff technique sera chamboulé. Les propos très durs de Philippe Vande Walle sur la VRT, fustigeant l’état déplorable des installations, ont été durement ressentis par la direction. Vande Walle pourrait être poussé vers la porte de sortie. Or, une relation très forte l’unit à ses gardiens.

Les joueurs ont également saisi le message de Collins : il ne restera pas.  » Beaucoup l’ont compris depuis longtemps « , dit Frank Defays.  » Quand tu as connu le sommet et les conditions de travail qui vont avec, ce n’est pas évident de vivre et d’entraîner dans de telles conditions.  » Or, il y a un mois, beaucoup de joueurs espéraient encore le maintien de Collins afin de viser la stabilité tant recherchée.

Dans ce climat, le renouvellement des contrats risque de ne pas être simple. Le prêt de Christophe Grégoire a donné satisfaction et l’option doit être levée fin avril.  » Pour le moment, je n’ai pas eu d’écho « , affirme le joueur.  » Mais vous savez, on a encore le temps. Il faut demander au boss « , glisse-t-il le sourire aux lèvres. Cependant, les discussions ne seront pas simples car pour le moment une partie du salaire de Grégoire est prise en charge par Willem II.

Torben Joneleit est également prêté. Lui aussi a satisfait mais il est venu en bord de Sambre sous l’injonction de Collins. Un départ de l’entraîneur signifierait un retour à l’expéditeur monégasque pour le défenseur.

Le contrat de Defays expire aussi en juin. Ses dernières performances l’incitent à continuer mais aucun contact n’a encore été établi avec les dirigeants.  » Si je n’ai rien, je reste chez moi « , lâche-t-il ironiquement.

par stéphane vande velde – photos: belga

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