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Roland-Garros: comment Rafael Nadal est devenu le roi d’une « nuit magique »

Rafael Nadal parlait de « nuit magique » après sa victoire sur Novak Djokovic en quarts de finale de Roland-Garros. Le bras de fer entre les deux légendes du tennis a duré quatre heures et s’est conclu à deux heures du matin. Pourquoi était-ce une « surprise » de voir l’Espagnol triompher de son rival serbe sur sa surface préférée ? Analyse.

Pour aborder ce Roland-Garros, Rafael Nadal restait sur une préparation assez courte et perturbée par divers problèmes. Après une fracture de stress à la côte subie en finale d’Indian Wells, et deux éliminations prématurées dans les tournois sur terre battue de Madrid (éliminé en quarts de finale contre le wonderboy espagnol Carlos Alcaraz) et de Rome (sorti en seizièmes de finale par Denis Shapovalov), il n’arrivait pas à la Porte d’Auteuil dans les meilleures conditions possibles.

Il a aussi déclaré qu’il souffrait à nouveau de sa blessure chronique au pied et qu’il aborderait mentalement chaque match de ce Roland-Garros comme s’il s’agissait de son tout dernier.

En 1/8e de finale, il avait dû s’employer pendant plus de quatre heures et en cinq sets pour venir à bout du jeune Canadien Felix Auger-Aliassime. On pensait qu’il risquait de payer l’addition contre un Novak Djokovic plus frais, dont le quatrième tour avait été une formalité et qui restait sur 22 sets consécutifs remportés depuis le tournoi de Rome.

Il a dû jouer un match en soirée contre sa volonté, dans des températures en baisse par rapport à la journée et dans une humidité plus élevée. Des conditions atmosphériques qui devaient réduire sa capacité à jouer son fameux coup droit « lasso » qui provoque tant de dégâts sur terre battue.

Pas le favori

Malgré son palmarès à Roland Garros (treize titres), Nadal n’était donc pas vraiment le favori de nombreux analystes avant les premiers échanges. Ceux-ci désignaient Novak Djokovic comme le favori du 59e duel entre le Serbe et l’Espagnol. C’était la première fois dans l’histoire du tennis que deux joueurs ayant remporté plus de 1 000 matches ATP venaient à se livrer bataille.

C’est tout le contraire du scénario pensé qui s’est produit sur le court Philippe Chatrier. Nadal a réussi un départ canon, et malgré quelques jeux très longs, il a réussi à faire sortir Djokovic du court grâce à quelques coups de raquette venus d’un autre monde.

La chronique annoncée de sa future victoire. Sur 100 fois en 101 duels à Roland-Garros, l’Espagnol a remporté le match après le gain du premier set. Sa seule défaite avec ce scénario ? L’année dernière en demi-finale contre…Djokovic.

Augmenter son niveau de jeu

Cette fois, Nadal n’a pas laissé le scénario se reproduire. Le Serbe est pourtant lui aussi un fameux combattant puisqu’il a recollé au score en gagnant le second set et qu’il a même mené 5-2 dans le quatrième set avec deux balles en sa faveur pour conclure la manche. C’est alors que le Majorquin a été capable d’élever son niveau de jeu pour repondre présent sur les points décisifs.

Sur la terre battue, et certainement contre Djokovic, il trouve toujours cette vitesse supplémentaire qui permet de faire la différence. « Contre Novak, il n’y a qu’une seule façon de jouer : donner le meilleur de soi de la première à la dernière balle », racontait-il après coup. Ce qui n’est pas une coïncidence.

Les circonstances et la préparation n’étaient pas en sa faveur, mais Nadal avait fait abstraction de ces paramètres. Parce qu’à Roland-Garros, il était capable de mettre la pression sur le numéro 1 mondial.

L’Espagnol s’est également dit qu’il fallait s’amuser malgré tout pour ce qui pourrait être « son dernier match », si jamais ce foutu pied venait à nouveau à le lâcher.

Capacités d’adaptation

C’est l’une des plus grandes qualités de Nadal. Cette faculté à s’adapter comme un caméléon à chaque situation et à en tirer le meilleur parti. Ces dernières années, il a aussi appris à composer avec un corps qui devient de plus en plus récalcitrant à presque 36 ans.

Le monstre physique d’antan, qui surclassait ses adversaires en puissance et en vitesse, n’est plus. Son endurance pour supporter des matches de quatre heures reste toujours à la hauteur et son coup droit est souvent tout aussi dévastateur. Mais désormais, Rafa s’appuie également sur son (deuxième) service affûté, son sens tactique (auparavant sous-estimée) et une plus grande variété de coups, y compris les dropshots et les volées.

Ainsi Nadal a triomphé contre toute attente à une heure honteusement tardive (1h15 du matin). Pour des questions financières et le bonheur d’Amazon TV, un match de Roland-Garros aura donc commencé en mai pour se terminer en juin.

Une « nuit magique » où l’homme aux 21 Grands Chelems a réussi une première en venant à bout du tenant du titre à Roland Garros. Cela ne lui était pas souvent arrivé sur l’ocre parisien puisqu’il s’y est imposé à treize reprises et était donc le joueur à abattre.

Personne n’a battu Nadal deux fois de suite à la Porte d’Auteuil. Pas même Djokovic, le seul joueur capable de contraindre Nadal à un duel de plus de quatre heures sur sa terre battue. Le roi de la terre battue a connu ce scénario à six reprises au cours de sa carrière dont trois fois contre Nole. Il y a aussi eu son dernier huitième de finale contre Félix Auger-Aliassime. Cela résume aussi sa domination sur la surface ocre depuis maintenant 17 ans.

Un 22e titre du Grand Chelem ?

Malgré ce succès de taille dans sa quinzaine parisienne, Rafael Nadal reste concentré et ne s’enflamme pas : « Ce n’était que les quarts de finale, je n’ai encore rien accompli » La route vers un quatorzième titre à Roland Garros s’est néanmoins bien dégagée, même s’il ne faudra pas prendre par dessus la jambe son prochain adversaire en demi-finale, Alexander Zverev. L’Allemand s’est tout de même payé le scalp du wonderboy Carlos Alcaraz en quart de finale. Les confrontations directes ne sont cependant pas en faveur de Zverev puisqu’il n’a remporté qu’un seul de ses cinq duels sur terre contre le Majorquin. Et il ne s’est évidemment jamais imposé à Paris contre l’ogre de l’ocre.

Dans l’autre moitié du tableau, personne ne semble disposer des armes pour empêcher Rafa de remporter son 22e Grand Chelem, soit deux de plus que Djokovic et Roger Federer . Un retard que le Suisse ne pourra certainement plus jamais combler.

Depuis qu’il est devenu le GoaT en remportant son 21e titre en Australie, Rafael Nadal n’a pas perdu le sommeil. « Je ne m’en soucie pas, ce n’est pas une obsession. Nous avons tous les trois réalisé nos rêves », a-t-il déclaré à la presse dans la nuit parisienne. Après avoir remercié le public français présent dans les gradins et lui avoir adressé des « merci » pour son soutien vocal, le Majorquin était visiblement ému.

Car c’est ce qui le motive le plus, plus que la victoire elle-même, c’est d’inspirer les gens avec sa combativité et de les faire rêver. Espérons-le encore pourde nombreuses années. Si son pied le permet.

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