Le débrief de l’Open d’Australie : « Blockx et Bailly ne sont pas comparables à Henin et Clijsters »

L’Open d’Australie, le premier Grand Chelem de 2023 s’est terminé ce dimanche. Marc De Hous, un des anciens entraîneurs de Kim Clijsters et commentateur pour Play Sports, revient sur deux thèmes qui ont marqué le tournoi : la 22e victoire en Grand Chelem de Novak Djokovic et l’avenir doré du tennis belge. Ou faut-il finalement nuancer ce dernier point ?

Novak Djokovic est entré encore un peu plus dans les livres d’histoire du tennis en Australie. Pour la dixième fois déjà, le Serbe a remporté la première levée du Grand Chelem de la saison, mais surtout, avec cette victoire à Melbourne, il en compte 22 en Grand Chelem. Seul Rafael Nadal est encore à égalité avec Nole.

La légende serbe du tennis, âgée de 35 ans, a été inarrêtable ces dernières semaines. Marc De Hous l’a aussi constaté. « Il était le favori absolu avant le coup d’envoi du tournoi et il n’y avait tout simplement personne qui pouvait se mettre en travers de son chemin. Même avec une légère blessure aux ischio-jambiers, il a pu jouer à haut niveau. Même si évidemment, il faudra surveiller de près les éventuelles conséquences de cette blessure. Tout a en tout cas fonctionné à la perfection au cours de cet Australian Open et personne n’a été en mesure de le contrarier. »

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Ne devrions-nous pas attendre un peu plus de ses rivaux ?

Marc De Hous : « Djokovic est extrêmement solide et possède d’incroyables capacités athlétiques malgré ses 35 ans. Le Big Three a volé en éclat: Rafael Nadal est arrivé blessé et Roger Federer a pris sa retraite. Djokovic, lui, continue de faire valser l’opposition. Il reste une forteresse imprenable qui reste extrêmement redoutable sur le plan physique. Ses passing et ses retours restent ses armes les plus mortelles et il continue de s’améliorer dans certains domaines comme son coup droit et son service. Ses adversaires se rendent compte que cela devient presque impossible de le battre et ont aussi tendance à jouer avec plus de réserve. »

Djokovic, Federer et Nadal se sont ou étaient abonnés aux demi-finales et aux finales dans les Grands Chelems, mais la nouvelle génération semble avoir beaucoup plus de mal à être aussi régulière. Est-ce aussi la mentalité qui fait la différence ?

De Hous : « Absolument. Il ne faut surtout pas oublier la mentalité de Djokovic. Son objectif est de devenir le meilleur de tous les temps et il aborde chaque tournoi avec cet état d’esprit. Il possède déjà tous les records, sauf celui du plus grand nombre de grands chelems. Pour être seul en tête, il doit gagner une fois de plus et faire en sorte que Nadal ne revienne pas à sa hauteur. Mais cela ne s’arrêtera pas là. Je pense qu’il continuera à régner sur le monde du tennis dans les années à venir. S’il part, le circuit masculin pourrait devenir une compétition très ouverte. Un peu comme chez les femmes actuellement. »

Novak Djokovic. (Photo by Andy Cheung/Getty Images) © belga

Nous pourrions passer des heures à débattre pour savoir s’il est le meilleur de tous les temps, mais il est certainement le plus controversé.

De Hous : « Vous avez sans doute remarqué qu’il avait entamé une offensive de charme ces dernières semaines à Melbourne. L’année dernière, à cause de la crise de la covid et de sa non-vaccination, il n’a pas pu participer au tournoi. Il est revenu en étant très détendu et pas revanchard. C’était comme si tout cet épisode d’il y a douze mois avaient été oublié et pardonné. Un peu comme le pape du tennis. En finale, cependant, ses mauvais côtés ont refait surface lorsqu’il a commencé à invectiver le box où se trouvait son staff. Il venait de commettre quelques fautes évitable et Stefanos Tsitsipas se trouvait dans un temps fort. »

« Ses déclarations étranges telles que « J’ai grandi parmi les loups dans les montagnes » et « Je peux transformer l’eau sale en eau pure » sont derrière lui. En Australie, pour la première fois depuis longtemps, il semblait à nouveau un peu plus calme, mais son père a recommencé à jouer les idiots (il a été photographié avec un drapeau pro-russe, ndlr). L’homme avait également été en conflit avec Federer par le passé et se disputait déjà avec à peu près tout le monde dans le milieu du tennis. Il disait à tout le monde que son fils était envoyé par Dieu. Cela n’a pas contribué à bâtir une bonne réputation pour Djokovic. Surtout quand il cherche la sympathie des fans. »

Se débarrassera-t-il un jour de cette mauvaise réputation ?

De Hous : « Les gens oublient vite. Prenons l’exemple de Tsitsipas. Il a fait don d’une partie de son prize money du tournoi à une école de Victoria. Lui aussi possède un côté antipathique et n’est pas spécialement apprécié par ses collègues. Mais grâce à ce geste, il est soudainement beaucoup plus populaire et les gens se sont moins focalisés sur ses accès de colère. »

« Federer sera toujours perçu comme le gentleman absolu et Djokovic ne pourra jamais rivaliser sur ce terrain. Je pense aussi que soit tu as cette aura, soit tu ne l’as pas. Djokovic est peut-être un formidable joueur sur le terrain, mais c’est aussi ce que vous faites en dehors des courts qui forge votre réputation. Je pense donc qu’il ne perdra pas toute sa mauvaise réputation. Ou du moins pas de sitôt. »

Des jeunes Belges qui réussissent des résultats chez les juniors

Si dans les tableaux masculin et féminin, le tournoi des Belges s’est arrêté dès le 3e tour, dans celui des juniors hommes notre pays a connu les joies de la victoire. Était-ce une surprise pour vous qu’Alexander Blockx parvienne à soulever la Coupe ?

De Hous : « Il a toujours été considéré comme un très grand talent. Tout comme Gilles-Arnaud Bailly, on a vite compris qu’il avait le potentiel pour s’installer dans le top 100 mondial. Il a montré tout son talent en Australie Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui peuvent gagner un si tournoi si important dans la catégorie des juniors. Il faut donc vraiment prendre en considération la performance de ce jeune homme. La pression et le stress dans ce type de tournoi est déjà énorme. Blockx a montré qu’il était capable de le faire et cette victoire va lui procurer beaucoup de confiance et d’expérience pour la suite de sa carrière. »

« Blockx possède toutes les qualités pour devenir un joueur professionnel. Il doit seulement encore s’améliorer physiquement, sinon ce sera plus compliqué de réussir chez les pros. Mais je suis convaincu que cela viendra. Le plus important maintenant est de lui laisser du temps, tout comme Bailly. En général, on entre dans le top 100 vers 23 ou 24 ans si on est vraiment bon, mais ils le feront probablement plus tôt. Pour l’instant, ils sont encore très loin d’y être. La route est encore longue. »

Alexander Blockx. (Photo by Darrian Traynor/Getty Images)

Les meilleurs de cette catégorie d’âge sont déjà chez les pros. Comme par exemple Carlos Alcaraz. Alors, comment évaluer cette performance de Blockx ?

De Hous : « On ne peut pas vraiment comparer. Ces gars qui arrivent très tôt sur le circuit professionnel et qui, comme Carlos Alcaraz, gagnent même un Grand Chelem à 18 ans, sont des phénomènes absolus. C’est presque comparer des pommes à des poires. Pourtant, il faut bien le faire, quand on voit le peu de joueurs qui parviennent à remporter un tournoi aussi important chez les juniors. Disons que Bailly et Blockx font partie des 10 meilleurs joueurs de leur génération, mais les meilleurs joueurs absolus de leur catégorie n’y jouent déjà plus. On peut cependant attendre un bel avenir pour le tennis belge. »

Le passage sur le circuit professionnel est-il si difficile ?

De Hous : « Très difficile, mais il y a déjà cette prise de conscience chez les garçons. Alexander Blockx a déjà dit dans son interview après l’Open d’Australie qu’il avait conscience que le chemin à parcourir était encore long. Il est déjà dans le bon état d’esprit. Cette carrière professionnelle est déjà un objectif qu’ils se sont fixés. Si la volonté et la mentalité sont bonnes, cette étape sera moins difficile à franchir. Pour eux, ce n’est pas un rêve ordinaire mais un rêve avec un grand R. Ils savent ce qu’il leur reste à faire et ils gardent les pieds sur terre. »

Bailly est actuellement le numéro 1 mondial chez chez les juniors, alors que Blockx a remporté l’Open d’Australie en étant classé neuf places en-dessous. Peut-on rêver d’une nouvelle ère belge comme celle que l’on a connu avec Justine Henin et Kim Clijsters ?

De Hous : « Je ne pense vraiment pas. Tout d’abord, c’est déjà difficile de comparer les circuits masculin et féminin. Mais je ne les vois pas atteindre ce niveau de toute façon. L’ambition est certainement de figurer dans le top 50, mais il faudra ensuite voir jusqu’où ils pourront monter. Les comparer avec David Goffin, qui fut septième mondial à un moment donné, serait déjà très osé. Mais vous ne devez certainement pas les comparer à Henin et Clijsters. Elles ont figuré parmi les toutes meilleures joueuses du monde pendant des années et ont remporté plusieurs grands chelems. Pour l’instant, il ne semble pas que Blockx et Bailly soient faits dans le même moule. Mais s’il ne faut jamais dire jamais. »

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