T’en veux ?

Yannick Noah a smashé sec. La pupille dilatée, il est monté au filet. Il s’est fait la ligne. Du bon côté pour nous, du mauvais pour les autres. Y avait rien à gagner. Et pourtant c’est jeu, set et match. Résultat, il se retrouve face à beaucoup d’adversaires. La vérité ressemble souvent à du poison. La dire, c’est infecter. Il a dit ce que tout le monde tait.

Par Frédéric Waseige

Evidemment que le dopage est partout. Forcément dans le sport. Certainement dans celui de haut niveau. Quand un homme qui joue permet à des centaines d’autres de vivre. Quand un homme qui gagne devient une entreprise à lui tout seul, tout est permis. Ne pas avoir de preuve doit-il empêcher de constater ?

Car les preuves, elles sont là. Devant nos yeux. Devant l’inhumain qui s’exprime à travers des hommes. Devant les perfs venues d’ailleurs. Devrions nous, nous journalistes, commencer tous nos reportages en disant : « Le match que vous allez suivre est placé sous le sceau de la suspicion de dopage. » Ou « La course que vous allez suivre est, d’après les statistiques, courue par 82 % de dopés ? » Ou « Eh oui, c’est surprenant, depuis 10 ans les rugbymen de l’hémisphère Nord sont devenus comme ceux de l’hémisphère Sud ; de vrais Blancs Bleus Belges qui ont pris 10 centimètres de tous les côtés. »

Tout cela crève l’écran, n’a même pas besoin d’être dit. C’est l’évidence. Mais y a pas de preuves. Ou quand y en a, elles disparaissent. Ou, pire encore, les ténors du barreau font de la gonflette verbale et emballent le tout dans du papier recyclé. Poubelles, conteneurs, on oublie tout et on recommence. Mais le corps, lui, n’oublie pas. Et le cerveau enregistre et n’efface pas. Ça s’appelle la dépendance. Le dopage est une came. Les camés sont des malades.

Pourquoi des cyclistes prennent-ils de la coke pendant l’hiver ? Parce qu’ils sont en manque. Pendant dix mois, ils planent sur le bitume, ils vivent dans la 4e dimension et puis on voudrait que comme ça, d’un coup de braquet magique, ils redeviennent normaux ? Faut pas rêver. La descente, c’est l’enfer, même en vélo. Idem pour la descente de scène. Keith Richards : « Quand tu passes huit mois sur la route avec, chaque soir, 50.000 personnes qui t’explosent de leur amour. Comment veux-tu, du jour au lendemain, rentrer chez toi et vivre normalement ? Y a la montée man, et on a pas envie de redescendre. On doit prendre sinon on meurt. »

Pourquoi le journal L’Equipe ne balance-t-il pas sur Lance Armstrong qu’une fois ce dernier retiré ? Parce que le quotidien fait partie du groupe Amaury, organisateur du Tour de France. Pourquoi certains sponsors achètent le silence de certaines fédérations ? Parce que, peut-être, il vient (le sponsor) de tourner une pub à trois millions de dollars avec la star. Pourquoi ne fait-on que rire quand Johnny dit qu’il va changer son sang dans la même clinique que son ami Zizou ?

Pourquoi tous les livres sérieux, inattaquables sur le dopage, ont-ils tant de mal à être édités et une fois qu’ils le sont, ne jouissent d’aucune promotion décente ? Pourquoi les télés leur ferment-elles leurs plateaux ? Peut-être parce que le sport fait de l’audience… Peut-être parce que les TV et les clubs ont parfois les mêmes patrons…

Pep Guardiola a répondu à Noah : « Amène des preuves ou tais-toi. » Des preuves il y en a eu Pep… contre toi. Tu jouais à Brescia. T’as pris sept mois de prison ( ndlr : pour prise d’anabolisants). Dix ans plus tard, c’est toi, notre came. T’es notre dealer officiel de bonheur. T’es Espagnol, t’entraînes en Espagne mais on s’en fout. On veut planer. L’amnésie pour éviter la zizanie. Bizarre la vie, non ? Avec ou sans preuve on est tous accro à quelque chose. Je bois à ta longue vie Yannick et aussi à la santé de nos enfants. Merci.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire