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Mis sous le feu des projecteurs très tôt dans la saison. Rarement un gardien aura eu un tel impact sur le succès des Mauves. L’analyse d’un gars au top.

Le champagne de ce titre a eu une saveur particulière pour Daniel Zitka. La saison dernière a surtout été celle de Proto. Zitka n’a disputé que sept matches : quatre en début de saison, trois à la fin, une fois Proto blessé. Cette saison, Zitka n’a manqué qu’une mi-temps : légèrement blessé, il est resté dans le vestiaire à Gand. Le score était alors de 1-1. Et samedi, il est descendu à quelques minutes de la fin contre le Brussels.

Avec Zitka dans son but, Anderlecht n’a perdu qu’un seul match de championnat cette saison. Rarement un gardien aura eu un tel impact sur le succès des Mauves. A maintes reprises, il a gagné des points.

Indépendamment de votre situation personnelle, y a-t-il des différences par rapport à la saison passée ?

Daniel Zitka : Cette année, il fallait beaucoup plus de points pour gagner : près de 80 contre 70 la saison passée.

Quel est le fil rouge de cette saison ?

Nous avons remporté des matches dans lesquels nous n’avons pas développé un bon football mais où la qualité de nos joueurs a été déterminante. Ainsi, nous avons battu Charleroi 3-2 grâce au talent d’Hassan. Ce fut pareil contre Gand et le Standard : ce n’était pas du grand football mais notre talent nous a quand même permis de nous imposer. Idem avec le point pris au Club Bruges. Nous n’avons réussi que deux tirs cadrés mais nous les avons mis dedans. Normalement, nous ne devions pas prendre de point.

Le score a souvent basculé en fin de rencontre. Parfois à notre détriment, comme à Mouscron et à Beveren, parfois à notre avantage : nous avons égalisé à la 93e minute à Charleroi, dans la dernière minute de jeu à Lokeren.

Un seul homme a parfois fait la différence. Je pense aux buts de Tchité, de Frutos, à la classe d’Hassan. Et puis, comme dans les derniers matches, la solidité de la défense a été un atout considérable.

Avez-vous le sentiment d’avoir toujours affronté des murailles ou certaines équipes ont-elles joué le jeu ?

Comme dans le passé, nous avons surtout affronté des murs défensifs. Lorsqu’on compare le match de nos adversaires à celui qu’ils ont livré le week-end précédent, il y a de quoi être surpris. Ils sont méconnaissables. Ils ne montrent rien mais contre nous, ils jouent le match de l’année. Je me demande comment il est possible de présenter des visages aussi différents en l’espace d’une semaine. Donc, notre tâche est plus ardue que celle de Gand, par exemple.

Qui a joué à visière découverte contre vous ?

Le top quatre : Genk, le Standard, Gand, Charleroi. Plus St-Trond et Westerlo en début de saison, sur leurs terres.

Qu’est-ce qui vous a surpris le plus à Anderlecht ?

Depuis quelques semaines, les joueurs marquent difficilement à l’entraînement. Beaucoup de petits matches se sont soldés par un nul blanc. Je me suis souvent demandé ce que ça donnerait le dimanche. Nous avons parfois tremblé jusqu’à la dernière minute, faute de deuxième but. Puis, contre Roulers, nous en avons inscrit cinq et huit contre Beveren la semaine suivante. Et encore six contre le Brussels. J’ai été très surpris.

Août : sans Frutos, ça va aussi !

Vous avez entamé le championnat avec une équipe profondément remaniée. Des footballeurs partis, lesquels ont vraiment manqué ?

Tihinen et Zewlakow en défense, au début. Cette ligne n’avait pas d’automatismes. Seul Olivier Deschacht était chevronné. Nous n’avions pas de véritable arrière droit ; Anthony Vanden Borre est un médian offensif. Pär Zetterberg nous a manqué aussi. Il était apte à décider d’un match. Prenez notre nul blanc contre Zulte Waregem. Dans l’ultime minute de jeu, nous avons forcé un coup franc. Zetterberg l’aurait certainement converti.

Vous avez réussi un douze sur douze. Avez-vous été surpris ?

Nous savions que notre début serait difficile, avec la visite du Club et deux déplacements délicats, à Westerlo et à St-Trond. Nous avons écopé d’une carte rouge lors des deux premières rencontres. Nous avons même été menés à St-Trond. Nos deux premiers matches nous ont cependant insufflé de l’énergie. Ils nous ont motivés. Tenir en infériorité numérique et même gagner, cela vous rend plus fort. Ces deux joutes auraient pu tourner différemment. Nous avons considéré ces points comme un bonus. Nous aurions tout aussi bien pu ne prendre que sept ou huit points sur douze.

Beaucoup se demandaient comment le Sporting se débrouillerait sans Frutos ?

Cela ne m’effrayait pas. Nous avions tant d’éléments offensifs que je ne me suis pas tracassé. Tchité n’était pas très fort dans les matches amicaux. Il ne se distinguait pas encore mais il a pris son élan en championnat.

Tchité a agréablement surpris. Il joue dans un autre registre qu’à Sclessin. Est-ce Tchité qui vous a renforcés ou le contraire ?

Les deux. Ses buts ont été précieux mais nous lui avons permis de montrer toute l’étendue de ses qualités. Il restait sur un second tour difficile, la saison dernière, à l’image du Standard.

Vous jouez contre le Club lors de la troisième journée. Or, il était alors considéré comme votre principal concurrent…

Je le pensais également mais cette impression n’était fondée sur rien de concret : pendant la préparation, on ne peut mesurer la force réelle de ses adversaires.

Après cette victoire 1-0, pensiez-vous toujours que le Club était un rival ou vous a-t-il déçu ?

Nous avons gagné mais le Club était bon aussi. Il a raté deux occasions franches, des £uvres de Roelandts et de Balaban. Ce jour-là, j’ai eu du travail. Vaincre le Club vous donne toujours un coup de fouet. C’est autre chose qu’une victoire face au Germinal Beerschot ou à Westerlo. Remporter une affiche rend une équipe plus forte.

Vous avez signé un brillant début de saison.

Oui. A l’aube de la saison, on me disait : – Si tu préserves nos filets et qu’on marque un but, on gagne. Chaque fois que mes filets restent vierges, je suis heureux. Le 2-2 au Club m’a également réjoui malgré les deux buts. Deux tirs cadrés, deux buts. J’ai eu beaucoup de travail et le match aurait pu connaître un autre dénouement.

Septembre : Genk est plus cool

Septembre a été médiocre, voire mauvais, selon les normes anderlechtoises. Vous avez touché le fond en essuyant un revers 1-4 à domicile face à Genk.

Cela a commencé à Mouscron : nous avons galvaudé la victoire dans les dernières minutes. C’était aussi le début de notre campagne en Ligue des Champions, ce qui implique des voyages et peu de repos. Nous avons quand même battu Lokeren. A Charleroi, nous avons été acculés à la défense pendant 80 minutes et avons été bien contents d’égaliser in extremis.

Ce revers contre Genk a-t-il fait très mal ?

Normalement, ce match devait se clôturer sur 1-2. Je ne compte pas les deux autres goals : nous avons misé sur l’attaque pour égaliser, nous avons négligé nos tâches défensives et avons été victimes de deux contres.

Vous admettez néanmoins que cette défaite n’était pas imméritée ?

Genk a prouvé durant ce match que nous devions tenir compte de lui dans la lutte pour le titre, ne pas nous fixer uniquement sur Bruges et le Standard.

Quelle est la différence entre Anderlecht et Genk ? Où les Limbourgeois puisent-ils leur force ?

Ils étaient plus détendus. Ils n’ont pas été placés sous la même pression que nous et ont donc développé plus facilement leur jeu. Cependant, nos joueurs ont plus de qualités.

Octobre : Biglia s’impose

Lucas Biglia a été une des révélations du premier tour…

Il n’a pas eu besoin de temps d’adaptation. La présence des trois autres Argentins l’a beaucoup aidé. S’il avait été seul, à son âge, cela aurait peut-être été différent. Frutos l’a bien intégré. Il avait rendu le même service à Pareja. Ces trois-là sont unis par une véritable amitié. Il y a quelques années, Kolar et moi étions compatriotes sans être des amis. Les Argentins vont manger ensemble après l’entraînement, ils sont souvent ensemble. Ils forment une grande famille. Cela les rend plus forts sur le terrain.

Novembre : on souffre à Gand

Vous réalisez un nul blanc au Standard, qui s’est ressaisi, après avoir complètement loupé son départ. Est-ce un moment-charnière ?

Nous avons joué pour gagner mais avons été contents du point, après coup. Moi aussi : je n’avais pas pris de but !

La semaine précédente, Anderlecht perd à Gand. Vous restez dans le vestiaire après la pause.

Nul ne s’attendait à une défaite. Elle a fait d’autant plus mal. Nous n’aurions jamais perdu si nous avions conservé notre avantage d’un but jusqu’au repos. Gand avait essuyé plusieurs défaites mais avait de bons footballeurs, comme Foley et Olufade, très bien soutenus. Les Gantois ont gagné de nombreux matches importants grâce au système avec lequel Georges Leekens a toujours connu le succès : des centres, des longs ballons, des phases arrêtées… Cette victoire a sublimé Gand, l’a lancé.

Y a-t-il eu une crise suite à ces deux revers, comme l’année dernière après le Germinal Beerschot ?

Je ne parlerais pas de crise mais de moment difficile. Après la défaite 1-4 contre Genk, j’ai rappelé aux autres qu’il y a trois ans, nous avions été battus 1-4 par le Standard mais que nous avions quand même remporté le titre.

Après la mi-novembre, vous n’avez plus perdu en championnat.

Beaucoup de matches auraient pu prendre une autre tournure. Nous avons été à deux doigts de la défaite à Charleroi, Lokeren, au Club Bruges.

Décembre : pas mal Milan !

En décembre, vous savez que vous n’atteindrez pas un de vos trois objectifs. A quel point votre élimination en Ligue des Champions vous a-t-elle atteints ?

Notre campagne n’a pas été mauvaise. Ni excellente. Nous n’avons perdu que deux matches. Regardez Milan : ce n’était pas une si mauvaise équipe, après tout… Le premier match, contre Lille, était frustrant car nous avons mené jusqu’à dix minutes du terme. Je conserve un mauvais souvenir du match à domicile contre Milan aussi car nous aurions pu faire mieux, en supériorité numérique. Nous aurions dû nous contenter du point. Faites le compte : un point contre Milan, deux contre Lille. Nous serions restés en lice.

Trois jours après votre élimination, vous jouez mal au Brussels mais gagnez grâce à un but formidable de Tchité. Est-ce un tournant ?

L’essentiel est que la frustration du club et des supporters ne nous a pas envahi. Nous avons tourné la page. Nous n’avons pas laissé Genk accroître son avance, qui était alors de six unités.

Janvier : du caractère derrière

Après la trêve, vous obtenez deux défenseurs supplémentaires. L’un d’eux est immédiatement titularisé. Leur présence aurait-elle fait une différence en Ligue des Champions ?

Wasilewski est un renfort. Après la trêve, Pareja, Deschacht et Juhasz ont eu de meilleurs automatismes. Ils ont ainsi évité les fautes du premier tour, qui étaient en fait dues à l’absence d’automatismes. La défense a réalisé son apprentissage au premier tour. De mon but, j’étais bien placé pour le constater. De semaine en semaine, j’avais moins de travail, la défense était plus solide. Dans certains matches, en 2007, je n’ai pas eu grand-chose à faire. La défense était parfaitement huilée. Contre le Standard et Gand, contre Zulte Waregem.

Wasilewski n’est pas le footballeur le plus raffiné. C’est plutôt le battant qu’on s’attendrait à trouver dans la défense brugeoise…

Nous avions besoin de caractère. Nous avions des éléments raffinés, dotés d’énormes qualités mais moins affûtés dans les duels. Wasilewski et Jelle Van Damme ont ce caractère. Jelle a rejoint l’entrejeu mais je le considère comme un défenseur. C’est l’équilibre qui compte. Il ne faut pas quatre Wasilewski derrière.

Février : indiscutable Vercauteren

Vous êtes passés par le chas de l’aiguille contre le Club et Lokeren.

Nous ne nous sommes pas déplacés à Daknam pour le nul. Le ballon n’a pas voulu rentrer, hormis le dernier. Au Club, nous ne nous sommes pas créé beaucoup d’occasions mais nous avons connu une réussite maximale.

Le contrat de l’entraîneur a été prolongé d’un an, après le nul à Bruges. Cela vous a-t-il surpris ?

Les joueurs n’ont jamais discuté du contrat de l’entraîneur. C’est différent dans le cas de Glen De Boeck et de Jacky Munaron. Nous en avons parlé. Je pense que c’est surtout au sein de la presse que la reconduction du contrat de Frank Vercauteren a suscité l’émoi.

Mars : Hassan trop perso

Début mars, Hassan balaie Charleroi, à lui seul. Il est incontournable dans l’évaluation de la saison. Quelle est son importance réelle ?

Hassan est un joueur de classe, doté d’une technique fantastique. S’il plaçait davantage ses qualités au service de l’équipe, il serait encore meilleur. De temps à autre, il doit jouer encore plus en fonction de l’équipe, pas pour lui-même. Il a étalé ses qualités dans certains matches. Hassan a gagné des matches mais il a joué pour lui-même et non pour l’équipe dans d’autres.

Par exemple ?

A domicile contre Zulte Waregem. Au lieu de passer le ballon à un partenaire mieux placé, il a essayé de marquer lui-même. Il est pétri de bonnes intentions. Il est ainsi fait. Il veut que toutes les actions commencent et s’achèvent par lui. Cela fait de lui un grand footballeur mais ce n’est pas toujours bon pour l’équipe.

Est-ce pour cela que Boussoufa, qui dispose de qualités similaires, s’est moins mis en valeur ?

Boussoufa a besoin d’un temps d’adaptation. Il a déjà démontré qu’il avait le niveau requis pour Anderlecht. Dois-je effectuer un pronostic ? La saison prochaine sera celle de Boussoufa. J’en suis convaincu.

En début de saison, Hassan restait dans son coin, dans le vestiaire.

Il lui est pénible de vivre seul, loin de sa famille. C’est visible. Si sa femme et ses enfants vivaient ici, il aurait éclaté et jouerait encore mieux. Nous ne pouvons rien y changer. C’est son problème. Tout était nouveau ici, pour lui. Par exemple, il devait donner la main à tout le monde tous les jours. Il n’en avait pas l’habitude.

Avril : Zitka est très flexible

Pendant un mois, vous n’encaissez pas le moindre but. Ironique, quelqu’un a remarqué : – le Standard et Gand ont parfaitement neutralisé Zitka.

La défense a été parfaite contre ces deux équipes. Au Cercle, nous étions davantage sous pression. J’ai eu plus de travail contre le Lierse et le Cercle que lors de ces deux affiches.

Est-ce uniquement dû aux automatismes de la défense ?

Non. Roulers et Beveren ont voulu développer leur jeu alors que Zulte Waregem s’était déplacé chez nous en espérant prendre un point. Nous recelons tellement de qualités offensives qu’une formation qui joue à visière découverte souffre. La dernière ligne a aussi acquis ces fameux automatismes. De la défense de l’année dernière, il ne reste que Deschacht et moi. Nous sommes aussi les seuls à avoir tout joué en championnat. Les autres défenseurs n’ont cessé de changer, pour diverses raisons. C’est pour ça qu’il nous a fallu autant de mois pour nous trouver.

L’identité de vos défenseurs change-t-elle quelque chose pour vous ?

Non, je m’adapte aux choix de l’entraîneur.

On dit que si le gardien d’Anderlecht s’est distingué, c’est que l’équipe n’était pas très forte.

Mes coéquipiers ont également fait la différence. Contre Charleroi, par exemple. Ce n’est pas uniquement grâce à moi que nous avons préservé nos filets à 16 reprises. Les défenseurs ont bien fait leur travail.

Mai : seul le titre

Vous avez encaissé un but contre Beveren, après plus d’un mois. Quel effet cela fait-il de rester invaincu aussi longtemps ?

Je préfère tenir le nul dans un match où nous ne marquons qu’une seule fois, que dans une joute où nous inscrivons sept ou huit buts. C’était donc plus important au Cercle que contre Beveren.

C’est davantage votre championnat que la saison passée ?

J’avais également préservé mes filets cinq fois en sept matches. J’étais un pion sur lequel on pouvait compter quand on en avait besoin. Cette année, je me suis davantage illustré mais au fond, j’ai fait mon travail dans les deux cas de figure.

Est-ce la meilleure saison de votre carrière ?

Oui. J’ai connu une brillante saison avec Lokeren mais nous ne luttions pas pour un trophée et c’est passé plus inaperçu. Si nous avions loupé le titre cette saison, j’aurais dit que nous l’avions ratée. C’est le succès de l’équipe qui compte à mes yeux. Je préfère mal jouer et gagner que l’inverse. Pour Anderlecht, seul le titre compte.

par geert foutré – photos: reporters/gouverneur

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