STOP AUX DÉBOIRES

Thomas Bricmont

Avec son contrat qui se termine en fin de saison, les mois qui arrivent seront décisifs pour la carrière de l’attaquant belgo-turc.

Fin de saison 2004-2005, le rookie de l’année au Sporting Charleroi s’appelle Izzet Akgül. Transféré de l’Union Namur, dans des circonstances pesantes et complexes, l’attaquant va rapidement faire son trou au sein de l’élite. Remplaçant lors de ses premiers matches, Akgül attend la 13e journée pour inscrire son premier but lors d’un déplacement au Canonnier. Une première rose qui est aussi synonyme de trois points pour Charleroi. Huit autres réalisations suivront sur un total de 27 rencontres.

Mention très bien, donc, pour ce néophyte doté de frappes surpuissantes du droit, d’une belle force athlétique et d’un fin jeu de tête. Attaquant complet, il aura un rôle important dans la surprenante saison de Charleroi qui terminera à une belle 5e place. Venu de D3, il s’inscrit dans la lignée des Jean-Jacques Missé Missé, Eric Van Meir, Frank Defays, tous issus des séries inférieures.

Cette politique de transferts, initiée à l’époque par Jean-Paul Spaute, perdure et débouche sur la venue de François Sterchele qui empile les buts à Oud Heverlee alors en D3. Pas question pour autant que cette dernière recrue fasse de l’ombre à Akgül. Dans le système de jeu à un attaquant de pointe prôné par Jacky Mathijssen, le Jambois fait figure d’incontournable.

Une chute lors d’un contact avec son coéquipier, Thierry Siquet, brise son élan. On est alors en juillet 2005 et Charleroi s’apprête à disputer une rencontre de la Coupe Intertoto face aux Finlandais de Tampere. Résultat des courses : fracture du coude et six mois d’inactivité après deux rechutes ! Sterchele en profite et s’installe comme son parfait remplaçant. Efficace en diable, l’actuel avant du Germinal Beerschot est la révélation du premier tour de l’exercice 2005-2006 tandis que les longs mois de galère d’Akgül le laisse logiquement à l’écart du groupe. Une situation qu’il vit difficilement, d’autant qu’il prend conscience de l’individualisme qui règne parmi les professionnels.

Son retour sur les terrains juste après la trêve hivernale sera gagnant il y a un an. Titularisé d’emblée pour un match au Mambourg face à Genk, il ne patiente que quelques minutes pour ouvrir la marque. Les supporters sont aux anges, on se dit que la paire Akgül-Sterchele va casser la baraque lors du second tour.

Au final, on est loin du compte. Le duo ne trouve jamais véritablement ses marques. Mathijssen, fidèle à son organisation offensive, fait le choix d’Akgül en pointe et relègue Sterchele sur le flanc. Malgré quelques éclats ici et là, Charleroi est à la traîne. Le Sporting finit la saison à une banale 11e place et se fait bouter hors de la Coupe en demi-finales par Mouscron. Si sa première campagne en D1 est à marquer d’une pierre blanche, l’autre est noircie par les ennuis physiques et une efficacité en baisse (4 buts en 17 matches).

Est-il bien conseillé ?

Des hauts et des bats, Akgül en aura connu beaucoup pour son âge – il ne fêtera ses 25 ans que dans quelques jours, le 28 janvier. Il alla même jusqu’à tirer une croix sur sa carrière à son retour de Turquie. Cet arrêt durera 14 mois. Pour comprendre ce choix, il faut s’attarder sur son parcours atypique. Passé chez les jeunes par le Wallonia Namur, le Standard et l’UR Namur, il part à l’âge de 15 ans vers son club fétiche, le Galatasaray. A Istanbul, il n’atteint jamais l’équipe Première à l’exception d’un match amical face au Steaua Bucarest, mais côtoie les stars de l’époque ( GheorgheHagi, ClaudioTaffarel, Hakan Sükür, BelozogluEmre, etc.) à l’entraînement.

Inévitablement barré par le talent en place, il se rend au FC Sion – 11 matches comme titulaire en D1 suisse – et revient en Turquie mais en D2 à Bosnaspor où il retrouve son entraîneur des Réserves du Gala. L’aventure à l’étranger se termine en eau de boudin. Il revient en Belgique, à l’origine, pour soigner une blessure à la cheville.

Aujourd’hui où en est Akgül ? Croit-on encore du côté de la direction de Charleroi en un élément dont on désirait se débarrasser au mercato d’été ? Voulant monnayer un joueur qui arrive en fin de contrat en juin 2007, la direction avait trouvé un terrain d’entente avec le Beitar Jérusalem, le club du président très controversé Arkady Gaidamak, pour un montant avoisinant les 350.000 euros. Selon les dires de son manager Didier Frenay, le joueur semblait comblé par l’offre du club israélien, mais l’affaire capote au dernier moment. Le patriarche était passé par là.

 » Son père est intervenu dans toutes ses décisions de carrière « , nous raconte Enver Harslan, un proche de la famille d’Akgül, qui est aussi le bras droit au niveau belge de l’agent FIFA Sancakli Erkan et de son frère, ex-international turc, Saffet.  » Je sais très bien que l’entourage familial est primordial pour Izzet que je connais depuis tout petit, mais parfois ça a pu freiné sa carrière sportive. Dernièrement, j’ai croisé l’entraîneur des -17 ans turc, qui était à l’époque son coach chez les jeunes du Galatasaray. Il ne comprenait pas le rôle que jouait son père. Selon lui, ça l’a empêché de percer en Turquie et l’a orienté vers des choix surprenants « .

Si Akgül veut dénicher un contrat intéressant à l’issue du championnat, il ne doit plus se louper cette saison. Et il est plutôt mal parti : 3 matches et un petit but (et sur penalty de surcroît) ; des statistiques peu enviables à cette période de l’année. Son exclusion lors du premier match des Réserves face au Lierse avec à la clef une suspension pour trois journées et une nouvelle blessure aux ligaments de la cheville cette fois, y sont pour beaucoup.

Tout dépend de lui et de Mathijssen

Avec l’arrivée de Jérémy Perbet et le refus de s’en aller en début de saison, Akgül, a-t-il seulement encore des chances de jouer ?

 » Ce n’est pas le genre de la maison de ne pas aligner un joueur en forme pour le seul motif qu’il est en fin de contrat. Mathijssen fera confiance à Izzet s’il voit qu’il revient à 100 % « , affirme son manager, Didier Frenay.  » Mais il doit revenir à son top pour être compétitif car à 80 % ou à 90 %, il sera trop juste « .

Se comporte-t-il comme un vrai professionnel ?  » C’est clair que ce n’est pas un Scandinave mais il a maintenant une grosse soif de réussir. Le stage qu’il vient de passer dans son pays d’origine lui a fait le plus grand bien « .

Enver Harslan confirme ce moral en hausse :  » Avant de partir en stage, il voulait quitter Charleroi pendant le mercato d’hiver. Il était d’ailleurs en contact avec plusieurs clubs turcs. Denizlispor, qui végète dans la seconde partie de tableau en D1, était la piste la plus concrète. Izzet demandait 800 000 euros nets sur trois ans. Ces chiffres ont quelque peu effrayé la direction du club de Denizli « .

La situation semble avoir, en quelque temps, changé du tout au tout. Harslan :  » Le discours de Mathijssen durant le stage l’a motivé. Le meilleur jouera, contrat ou pas contrat. Physiquement aussi, ses sensations sont bonnes. Il lui reste évidement à acquérir le rythme des matches de compétition « .

C’est donc l’esprit requinqué qu’il compte aborder le second tour.  » Aujourd’hui, Il se verrait bien prolonger à Charleroi s’il parvenait à s’enten- dre au niveau financier avec la direction « , poursuit Harslan.  » Il est heureux en Belgique et se rend parfaitement compte qu’en Turquie, la situation pour un footballeur n’est pas toujours rose. On en est même venu à parler de l’équipe nationale belge, qui sait ?  »

A l’issue de sa première campagne zébrée, Raymond Mommens prédisait un avenir doré à Akgül. Le détecteur de talents du Sporting voyait en lui le futur meilleur buteur du championnat et lui prédisait même une percée internationale. Le retard est-il trop important pour réaliser ces objectifs ?

THOMAS BRICMONT

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