STEPH sonne Obilale

Flash-back sur janvier dernier un peu avant la CAN. Le car de la sélection togolaise se fait mitrailler lors de son passage dans l’enclave angolaise de Cabinda. Le gardien togolais Kodjovi Dodji Obilale est gravement touché à l’abdomen et dans le bas du dos. Il m’a dit que même ses organes génitaux avaient été touchés…

Salut, tout d’abord, comment vas-tu ?

Doucement, très doucement… Je suis même encore en chaise roulante, c’est pour te dire. Actuellement, je n’ai aucune garantie de rejouer un jour, et encore moins de pouvoir remarcher. Bref, c’est la galère… Mais l’espoir fait vivre.

Est-ce que tu te souviens de l’attaque ?

Tout s’est passé beaucoup trop vite. On s’est fait mitrailler et une balle m’a directement touché. Je suis resté conscient pendant un moment, puis je suis tombé dans le coma. Je ne sais même plus si j’ai eu peur au moment où j’ai pris la balle. C’est comme dans un film. Tu te dis que tu vas peut-être mourir. Et tu ne réfléchis pas. Ton cerveau ne répond plus. En fait, il n’y a plus rien qui fonctionne. Les soldats qui servent en Afghanistan ou en Irak sont plus préparés à vivre ce genre de situations. Mais nous, on se rendait seulement à un match de foot.

Comment s’est-on occupé de toi après l’embuscade, notamment au niveau de ton rapatriement ?

Le rapatriement a posé problème. Tout le monde s’est disputé pour désigner celui qui allait devoir prendre en charge les frais. Bref, l’attente était terriblement longue. J’ai d’abord atterri dans un hôpital en Afrique du Sud. Pour rentrer en Europe, c’est de nouveau mon petit club de CFA, la GSI Pontivy, qui a dû débourser. Dans cette histoire, la France m’a vraiment aidé. La CAF (Confédération Africaine de Football) a, par contre, été odieuse avec moi. Après les événements, elle s’est obstinée à dire que ce qui nous était arrivé était de notre de faute et qu’on aurait dû se déplacer en avion et pas en car. Tout ce qui était important pour la CAF, c’était de dire qu’elle n’était responsable de rien. Elle nous a vraiment enlevé notre dignité, une qualité qu’elle ne connaît absolument pas. Il y a quand même eu des morts dans cette histoire et moi, je vais normalement être handicapé à vie ! Et la CAF ne m’a pas donné un euro, rien ! Une confédération est quand même là pour aider les footballeurs. Je me sens totalement abandonné par l’Afrique.

Est-ce que d’autres personnes ou organismes t’ont aidé financièrement ?

J’ai reçu 18.000 euros de la FIFA, et c’est tout. Franchement, ça représente quoi ? ! 18.000 euros pour une vie, c’est rien. Actuellement, je n’ai plus de nouvelles de personne. Qu’on me laisse de la sorte constitue même une insulte au peuple togolais. J’ai pris une balle lors d’une compétition internationale et on n’en parle plus.

Dis, tu connais un peu la Belgique ?

J’ai un pote là-bas : Adekamni Olufade, qui est aussi togolais. A l’époque, il m’avait conseillé de prendre un avocat. Je ne l’ai pas fait. J’ai été trop naïf.

T’as l’air fâché mais pas révolté…

Ecoute Steph, je suis Togolais et j’en suis fier. Mes racines sont africaines et c’est aussi pour moi une fierté. Mais il est clair qu’en Afrique, dès que tu parles de difficultés financières et de dédommagements, il n’y a plus personne. Je peux aussi comprendre que le Togo n’est pas un pays hyper riche, mais quand même, il y a des limites.

Qu’est-ce qu’il te reste à faire ?

Prier pour que je puisse guérir et rejouer.

Courage, en tout cas !

Je vais normalement être handicapé à vie ! Et la CAF ne m’a pas donné un euro, rien !

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