SOS fantômes

Les 4 questions à se poser pour expliquer la faillite de l’arrière-garde liégeoise.

Un remake de Ghostbusters. Avec Dominique D’Onofrio dans le rôle de Bill Murray pour chasser les fantômes de la défense. Voilà à quoi s’apparenteront les prochaines semaines du Standard. A Genk, la défense que tout le monde trouvait bancale, même en période de succès, a pris l’eau.  » Certains dormaient encore en début de match. On a été mis en difficulté dès le début, c’est dommage, mais s’ils sont dans la lune, que voulez-vous ? », éructait l’entraîneur liégeois à l’issue de la rencontre.

Pourtant, l’arrière-garde, tellement chamboulée ces derniers mois, semblait avoir trouvé une certaine stabilité face à Westerlo et Anderlecht (plus les trois quarts de la rencontre contre Charleroi). Mais nouveau schéma défensif contre Genk, avec Laurent Ciman repassant à droite, et un duo brésilien Victor RamosFelipe au centre !

En 11 rencontres, Dédéa aligné cinq défenses différentes et a essayé quatre axes défensifs ( Eliaquim Mangala-Victor Ramos, Mangala-Felipe, Ciman-Victor Ramos et Felipe-Victor Ramos). Pourquoi donc avoir modifié un schéma qui prenait forme depuis la victoire contre Charleroi et qui n’avait pas encore connu la défaite ?

 » Daniel Opare devait un peu retomber les pieds sur terre et j’ai donc voulu mettre un peu plus d’expérience dans cette défense « , se défendait D’Onofrio. En agissant de la sorte, DD espérait resserrer les boulons et mettre fin aux errements entraperçus contre Anderlecht. Felipe l’avait rassuré lors du match amical à Sprimont. Oui mais voilà, Sprimont n’est pas Genk.

Pourtant, il rejoignait certains avis.  » A droite, quand Ciman n’y joue pas, on voit que Marcos n’a pas été remplacé « , analyse Christian Piot.  » Opare a beaucoup de hauts (notamment sur le plan offensif) mais il a aussi beaucoup de bas, sur le plan défensif. Au niveau placement et rigueur, il ne tient pas le rôle qu’on attend de lui. Il lui manque de la maturité. C’est normal, il est jeune.  »

Après Felipe, Victor Ramos et Pocognoli, c’était donc au tour d’Opare de subir les foudres de l’entraîneur. Pourtant le Ghanéen ne manque pas de talent.  » Le seul qui m’a impressionné pour le moment, c’est lui « , dit Philippe Léonard.  » Il se débrouille aussi bien à gauche qu’à droite. Il est rapide et technique mais il commet encore quelques erreurs de positionnement.  »

Contre Genk, le coup de poker tenté par Dominique D’Onofrio a complètement foiré. L’axe défensif est impliqué sur le premier but, dès la première minute. Et cela a conditionné toute la rencontre du duo brésilien, insipide.  » Ils ont été solidaires dans la médiocrité « , disaient les mauvaises langues.  » On savait que Genk avait des attaquants rapides. Il y a une balle en profondeur et ils ne bougent pas « , pestait le capitaine Steven Defour.  » Certaines personnes n’ont pas appliqué les consignes du coach « , continuait Ciman.  » Il fallait faire attention aux appels dans le dos de Jelle Vossen et de Marvin Ogunjimi. Cela fait deux semaines qu’on prépare cette rencontre et qu’on nous dit cela à l’entraînement.  »

Encore une fois, on peut pointer des erreurs de jeunesse :  » C’est bien d’être jeune mais après, il faut prouver ses qualités « , continuait Ciman.  » Quand on joue au Standard, on doit être appliqué et concentré. « 

 » Ces jeunes défenseurs, je les ai (dans mon noyau) ! « , s’énervait un peu D’Onofrio.  » Il faut encore les travailler. Ils font des erreurs et puis voilà !  » Car même si le travail défensif commence dans l’entrejeu, Dédépointait clairement du doigt son quatuor défensif :  » On n’a pas besoin d’être à six contre un derrière. C’est une question de positionnement et de coulissement.  »

Après la démonstration contre Anderlecht, le Standard a donc trouvé son chantier prioritaire : la défense. Voici les quatre mystères qui planent sur la ligne arrière liégeoise.

1. Les Brésiliens ont-ils le niveau ?

Depuis leur arrivée, Victor Ramos et Felipe n’ont pas convaincu. Ramos semblait avoir passé un palier après des grosses prestations en Europa League où son physique et son jeu de tête ont fait merveille. Mais il n’a pas confirmé. Si ce n’est ses points faibles : une technique très brouillonne et une qualité de passe médiocre ! Cela l’a conduit sur le banc avant de profiter des blessures conjuguées de Mangala et Felipe pour revenir dans le onze.

Quant à Felipe, tout le staff loue son engagement aux entraînements mais sur le terrain, cela semble à chaque fois limite.

 » Ils ne sortent pas du lot « , reconnaît Léonard,  » mais ils doivent avoir le niveau sinon on ne serait pas allé les chercher. Parfois, les Brésiliens mettent plus de temps que d’autres à s’adapter. Il faut qu’ils grandissent mais peut-on se permettre le luxe de leur laisser le temps ? « 

 » Moi, je me demande toujours s’ils ont le niveau pour évoluer au Standard « , réfléchit Piot.  » Ils me paraissent un peu juste. Pour le haut niveau, il faut des joueurs de haut niveau. Victor Ramos a encore une marge de progression mais Felipe semble à son plafond. « 

Parce qu’il n’a pas d’autres solutions de rechange et parce qu’il a cautionné leur transfert, Dominique D’Onofrio continue à leur manifester sa confiance. Mais même lui doute puisqu’il a alterné les titularisations de Felipe et de Ramos. La semaine passée, il tenait d’ailleurs des propos assez durs vis-à-vis de Ramos :  » Il n’était pas à la hauteur. Il gambergeait et j’ai dû trouver une solution.  »

A Genk, les deux sont passés par la fenêtre et ont affiché leurs limites. Peut-être qu’avec un patron à leurs côtés, ils pourraient grandir. Mais livrés à eux-mêmes, ils en sont incapables.

2. Ciman peut-il devenir le nouveau patron ?

Le Carolo a profité des blessures de Mangala et de Felipe pour s’installer avec brio en défense centrale. Son âge (25 ans) plaide en sa faveur. Sa taille un peu moins. Sa nonchalance encore moins. Mais ses prestations à Westerlo et Anderlecht ont convaincu tout le monde.

 » Il a beaucoup mûri depuis son passage à Bruges « , dit son agent Yuri Selak,  » mais il restera toujours Ciman. Il est capable de réaliser un match parfait et de faire une erreur en fin de rencontre, d’être concentré 94 minutes. Pas 95 minutes. Prenez son petit pont contre Anderlecht ! Quand tu vois cela, tu te dis que tu vas lui couper la tête. Mais, il sait que s’il le réussit, 25.000 personnes se lèvent pour l’applaudir et il devient le roi du stade. Il est capable d’enflammer le public mais il prend, généralement, trop de risques défensifs.  »

Arrivé après un échec à Bruges et une saison de rebond parfaite à Courtrai, Ciman suscitait encore quelques interrogations. Etait-il capable de réussir dans un grand club ? Son début de saison l’a prouvé. Il fut impeccable tant à droite qu’au centre.  » Il s’est tout de suite bien intégré « , continue Selak.  » Sans doute parce que l’environnement, la mentalité et le style de football lui conviennent. Il s’est fait adopter par le public liégeois. Il a un peu le style EricGerets : il se donne à fond pendant 90 minutes et pour cette raison-là, on lui pardonne plus facilement l’une ou l’autre approximation.  »

Son style et sa polyvalence plaisent également au staff technique.  » Il s’amuse aux deux postes. Avant, il préférait l’axe mais le flanc lui permet d’évoluer plus offensivement. A droite, il peut parfois être emporté par sa fougue.  » De plus, sa condition physique lui permet d’aligner les déboulés sans connaître de période de fatigue.

Mais peut-il devenir le patron de cette jeune défense ?  » Il l’a prouvé à Courtrai « , répond Selak,  » A dix matches de la fin, Georges Leekens l’a mis dans l’axe et il est devenu le patron.  »

 » Vu son début de saison, il a toutes les qualités pour le devenir « , corrobore Piot.

 » On peut compter sur lui. Il ne va pas baisser la tête et il va au charbon. Et pour moi, il a la maturité. Il a connu plusieurs clubs et son échec à Bruges lui a permis de grandir. Cela le pousse à ne pas relâcher l’effort. « 

 » Que ce soit Ciman ou un autre dans l’équipe, je ne vois, pour le moment, personne capable de tenir ce rôle de leader. Même pas Axel Witsel ou Steven Defour « , tempère Léonard.  » J’ai parfois l’impression que les jeunes se disent – Faisons d’abord un bon match et tant pis pour les autres.  »

Mais si Ciman est appelé à devenir le patron de cette défense, il ne peut plus être ballotté du centre à droite. Il doit se fixer. En changeant son système à Genk, D’Onofrio a cassé la dynamique sur laquelle surfait le Carolo. Pourtant, si Ciman se voit offrir une chance unique de devenir le patron d’une défense d’un gros club belge, cela ne fait pas ses affaires sur le plan international. Depuis le début de la saison, Ciman a la carrure pour intégrer les Diables Rouges mais pas dans un rôle de défenseur central où il y a un embouteillage. Par contre, Toby Alderweireld, excellent contre l’Allemagne, a laissé de l’espoir à la concurrence après des prestations moyennes en Turquie, au Kazakhstan et contre l’Autriche.  » Il a l’avantage que Leekens le connaisse très bien et qu’il a fait une bonne prestation en Bulgarie « , affirme Selak.  » Pour lui, ce serait préférable d’évoluer à droite mais même après le 4-4, il a reçu très peu de crédit dans la presse.  »

3. Bolat a-t-il anéanti un début de saison irréprochable ?

Depuis le début de la saison, si la défense tanguait, un homme surnageait : le gardien Sinan Bolat. Le Belgo-Turc sortait arrêts sur arrêts avec en point d’orgue, une prestation quatre étoiles contre Anderlecht. A Genk, son exclusion pour injures envers Vossen, a plongé son équipe dans les difficultés. De plus, cette réaction va focaliser toute l’attention médiatique alors que son début de saison irréprochable avait suscité bien peu d’éloges. Pourquoi ? Sans doute parce que Bolat avait déjà fourni de telles prestations lors de ses débuts sous la vareuse liégeoise. Tout le monde garde d’ailleurs en mémoire son penalty arrêté dans les derniers instants du match à Gand, décrochant du même coup un test-match face à Anderlecht. Ce sauvetage conjugué au but inscrit à la dernière seconde face à AZ Alkmaar avait mythifié l’ancien portier de Genk aux yeux des supporters.  » Avec sa première saison, il avait mis la barre très haut « , explique son agent, Kismet Eris.

Pourtant, à son âge (22 ans), Bolat ne pouvait que revenir sur terre et commettre des erreurs. Sa fin de saison allait d’ailleurs s’apparenter à une suite de contrecoups et susciter les premières critiques. Sans doute a-t-il également servi légèrement de bouc-émissaire (ou de symbole) pour expliquer les contre-performances liégeoises et l’invisibilité des leaders. Plus qu’un autre (à part peut-être Witsel), Bolat a été montré du doigt.

Après une remise en question et un transfert en Turquie vite évacué, Bolat était revenu à un niveau qui en faisait clairement un des meilleurs gardiens de notre compétition.  » Il a montré ses capacités et son talent lors de sa première saison, et qu’il était humain et commettait des erreurs lors de la deuxième saison. Aujourd’hui, il avait montré davantage de régularité « , résume Eris.

 » C’est vrai qu’il est bien revenu par rapport à l’année dernière « , reconnaît Piot, ancien gardien de légende.  » Si le Standard a pu réaliser quelques prestations honorables, c’est en grande partie parce que Bolat sauvait les meubles derrière alors que le score n’était pas acquis. On l’a vu contre Anderlecht ! A plusieurs reprises, il a permis à son club de rester dans le match. « 

Bolat avait retrouvé de l’ambition en même temps que son niveau. Il frappait même à la porte des Diables Rouges, après s’être retrouvé sur une voie de garage en Turquie où il occupe le poste de quatrième gardien derrière un gardien réserve !

 » Non, il ne s’agissait pas d’un appel du pied à l’Union belge « , clarifie Eris.  » Mais il constate après une longue période que la Turquie ne comptait pas sur lui et ne le considérait pas à sa juste valeur. Il en déduit que l’équipe nationale turque ne constitue pas une plus value pour sa carrière. Il se demande pourquoi il perd son temps et a donc décidé de ne plus répondre à la Turquie tant que l’adjoint était en place.  » Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il drague la Belgique :  » Il a le luxe d’avoir la double nationalité. Si la Belgique l’appelle, il ne peut refuser. Cela signifierait qu’il manque de considération pour la Belgique. Et comme il ne veut pas passer pour un opportuniste… C’est sans doute difficile pour un Belge de souche de comprendre sa situation, mais il joue avec les deux drapeaux sur ses gants. « 

Pourtant, lorsqu’il a fallu faire un tour des gardiens rentrant en concurrence avec un pâle Logan Bailly en équipe nationale, son nom n’est jamais apparu. Marc Wilmots a évoqué Jean-François Gillet, Silvio Proto et Simon Mignolet. Pas Bolat. Même les journalistes n’ont pas évoqué cette piste. Un manque de considération ou la conviction que Bolat avait opté pour la Turquie ?

Son geste envers Vossen, nouvelle idole nationale, complique encore davantage la donne.  » C’est une bête exclusion « , commentait Ciman.  » Pas besoin de lui dire. Il le sait aussi. « 

4. Peut-on se passerde Pocognoli ?

Y a-t-il eu une affaire Pocognoli ? Aujourd’hui, tout le monde minimise la rumeur mais ce qui est certain, c’est que le rendement du latéral (comparé à l’investissement consenti), les rumeurs de transfert à Séville et les critiques émises, à la mi-temps de Saint-Trond-Standard sur la multiplication des longs ballons, a passablement écorné le crédit dont jouissait Poco en janvier dernier.

Pourtant, la prestation médiocre de son remplaçant, Opare, à Malines, et les blessures de Felipe et Mangala, l’ont complètement relancé.  » Il s’est retrouvé dans une situation difficile à gérer « , résume Léonard.  » On l’avait transféré pour devenir le patron et j’ai trouvé surprenant qu’on l’écarte comme cela. On ne peut pas se priver de joueurs pareils alors que la défense paraît trop souvent aux abois. « 

 » Sur le côté gauche, il mérite amplement sa place et a confirmé ces dernières semaines que sa place était sur le terrain « , renchérit Piot. Une façon de tordre définitivement le cou aux rumeurs…

PAR STéPHANE VANDE VELDE – photos: reporters/ gouverneur

« Je me demande si les Brésiliens ont le niveau. » (Christian Piot)

 » On avait transféré Pocognoli pour devenir le patron et j’ai trouvé surprenant qu’on l’écarte comme cela. » (Philippe Léonard)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire