SORTIE D’OMBRE

Jan Hauspie
Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Le nouveau DT explique le succès de ses six premiers mois limbourgeois.

En décembre 2005, Genk faisait 2-2 à domicile contre le Club Bruges tout en disputant sans doute son meilleur match de la saison. De l’équipe qui entama le match ce soir-là, seul Tom Soetaers est encore titulaire aujourd’hui. Que de changements au Fenix Stadion, qui coïncident avec l’entrée en fonction de Willy Reynders au poste de directeur technique. Il avait succédé à Ariël Jacobs qui, après deux ans dans ce costume, était redevenu entraîneur au Lokeren… où il allait être remercié.

Dans quel état avez-vous trouvé le club ?

Willy Reynders : Tout le monde était mécontent : les supporters, la direction, les entraîneurs : plus personne ne se sentait bien. Le groupe/joueurs n’avait pas été idéalement composé et on ne pouvait pas continuer avec ce noyau. Les jeunes n’étaient pas bien dans leur peau et il y avait des clans. Il y avait trop de noms dont il fallait tenir compte pour composer l’équipe. Il a été prouvé que cela ne peut pas marcher. Cela se voyait surtout aux résultats en déplacement. Lorsque la différence avec les matches à domicile est trop flagrante, c’est souvent dû à un problème de mentalité. Pour Hugo Broos, qui entamait sa dernière année de contrat, il était très important de s’attaquer à cela. Une fois que nous avons défini la façon dont nous voulions jouer, nous avons pu procéder par élimination…

Comment vouliez-vous jouer ?

En 4-4-2. Nous savions qu’avec Kevin Vandenbergh nous avions besoin de travailleurs dans l’axe de l’entrejeu et d’un attaquant capable de jouer en profondeur. Le reste a suivi automatiquement. Nous avons cherché des leaders et des récupérateurs de ballons, une des choses les plus importantes dans le football actuel. On se tourne souvent vers des garçons que l’on connaît et c’est ce qui explique les arrivées de Wim De Decker et Wouter Vrancken. Ce ne sont pas des joueurs bon marché mais ils entamaient leur dernière année de contrat et nous sommes arrivés au bon moment. Le timing compte beaucoup et il faut un peu de chance. Le départ de Koen Daerden était un sérieux coup dur car il aurait dû être notre nouveau capitaine. Mais, financièrement, il compensait le départ de Steven Defour au Standard et cela nous a permis d’engager De Decker et Vrancken.

Moons, Engelaar, Stojanovic, Peeters et Claessens ont été éliminés. Comment cela s’est-il passé ?

Les objectifs n’avaient pas été atteints et c’était la grogne. J’avais l’avantage de débarquer et de pouvoir donner plus facilement un grand coup de balai. A la même époque, j’ai lu un de vos articles qui relatait ce qui s’était passé ici au cours des deux dernières années. Rien n’était faux et j’avais posé le même constat.

Que pensez-vous de vos six premiers mois à Genk ?

Je suis content. J’ai pu faire tout ce que je souhaitais. Le plus difficile fut encore d’acquérir un arrière central. J’estimais que nous avions besoin d’une personnalité mais tout le monde n’en était pas convaincu. Genk a remporté des titres sans grands défenseurs mais avec des gens qui faisaient la différence devant. Ici, on pensait que c’était toujours possible aujourd’hui mais, pour moi, la défense était notre talon d’Achille. Jean-Philippe Caillet fut donc la dernière pièce du puzzle. Une pièce très importante.

Une stabilité sans surprise

La première place de Genk ne vous surprend pas ?

Les points sont là. J’ai fait mon travail de fins d’étude à l’école des entraîneurs sur le rapport entre motivation et prestation : je pense donc que j’en connais un bout en la matière. Il y a de la cohésion dans le groupe et les résultats l’ont encore rendu plus homogène. Il est vrai que lorsque tout est négatif, le groupe peut aussi être très homogène car tout le monde a besoin de tout le monde. Cela s’est produit ici : tout ce qu’on a dit de négatif dans la presse à notre propos nous a rendus plus solidaires. De plus, si on tient compte du rapport entre nos occasions et le nombre de buts inscrits, on peut dire que l’équipe a atteint un rendement très élevé.

Cela veut-il dire que tout peut changer très vite ?

Je ne pense pas. Je crois qu’avec le football que nous produisons, nous atteindrons toujours au moins 80 % de nos possibilités. Anderlecht peut culminer à 95 % par moment mais aussi descendre à 60 %. Nous avons eu une période creuse sans que les résultats ne s’en ressentent. Après sept matches, nous avions cinq victoires et deux nuls et nous étions en tête à égalité avec Anderlecht. Sur les sept rencontres suivantes, nous en avons à nouveau gagné cinq et concédé deux nuls. Tout le monde affirmait que nous jouions moins bien mais les chiffres étaient là. Nous avons inscrit plus de buts et nous en avons même encaissé un de moins. Et nous comptions quatre points d’avance sur Anderlecht.

Et pourtant, personne n’oserait dire que Genk va être champion.

Parce que ce n’est pas notre objectif. Nous voulons être européens, éventuellement en remportant la Coupe. Notre but, c’est la troisième place.

Ne pouvez-vous pas revoir vos ambitions à la hausse en cours de route ?

Elles sont suffisamment élevées. Il faut veiller à ce qu’elles restent accessibles. A Lokeren, on mettait souvent la barre trop haut et une partie du groupe estimait que ce n’était pas réaliste. Cela se retournait contre nous. Bruges et Anderlecht visent la Ligue des Champions, pas Genk.

Est-il dommage que le Club Bruges et Anderlecht soient éliminés en Coupe d’Europe ?

Oui. D’abord parce que, hormis Zulte Waregem, aucun club belge ne passe l’hiver. Et puis, c’est vrai que j’aurais voulu les voir jouer le mercredi.

Genk aurait-il alors eu plus de chances d’être champion ?

Non. On connaît la valeur des équipes. Celle d’Anderlecht est un peu surfaite, selon moi. Et on sous-estime un peu celle de Genk. La force d’une formation n’est pas égale à la somme des individualités. Face à l’AEK Athènes, on a vu que quelque chose ne tournait pas rond dans le groupe d’Anderlecht. Je ne veux pas faire le procès du club mais cet entrejeu ne fonctionnera jamais. On ne peut pas dominer pendant 90 minutes quand on n’a que Biglia et Goor. Le deuxième tour va dépendre de la façon dont les clubs vont se renforcer au mercato. Si personne ne bouge, les choses ne changeront guère : Anderlecht et Bruges continueront à perdre des points. Surtout en déplacement. A nous, dès lors, de conserver le rendement le plus élevé possible.

Entraîneur, c’est terminé pour vous ?

Oui. Il était grand temps que j’arrête. Ce monde est trop vide, beaucoup trop de gens se mettent à votre place. Heureusement que j’ai compris après dix ou onze ans. J’en avais marre de dépendre de futilités ou de mauvais choix dont j’étais responsable. Trop de choses ont changé. Il y a sept ou huit ans, tous les entraîneurs belges prônaient un football offensif. Celui qui osait déroger à la règle se faisait épingler dans le journal.

Et cela a changé ?

Absolument. On a fait deux pas en arrière. Notre football est pris dans une spirale négative. Cela a commencé après le titre de champion d’Europe de la Grèce. Tout le monde a sorti son parapluie en disant que si les Grecs avaient joué de la sorte, nous pouvions le faire aussi. Aujourd’hui, on ne parle plus que d’organisation et d’opportunisme. Dommage pour la formation. Nous risquons de devenir un deuxième Luxembourg.

A Lokeren, vous avez beaucoup dû voyager pour des transferts…

Oui : le Brésil et l’Afrique… J’adore voyager et j’ai relevé ce défi pour le club. Cela m’a permis de remettre de l’ordre dans mes idées et c’est arrivé au bon moment : en Afrique, j’ai dû régler dix à quinze transferts. J’ai palabré pendant des heures, tenu compte des particularités des pays, des villes, des régions voire même des tribus. Ici, quand je suis face à un transfert difficile, j’en ris. En Afrique, j’ai tourné une page de ma vie.

JAN HAUSPIE

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