SENHOR SENADOR

Romário, l’ancien footballeur brésilien, a entamé un deuxième mandat comme sénateur. Il raconte sa vie dans un documentaire que lui a consacré la chaîne de télévision SporTV. Il n’a pas hésité à se classer parmi les meilleurs footeux de l’histoire, derrière Pelé, mais devant Maradona. Il fêtera ses 50 ans ce vendredi.

Jacarepaguá, janvier 1966. L’armée est au pouvoir au Brésil. Elle l’a pris deux ans plus tôt, lors d’un coup d’Etat. C’est l’année des élections présidentielles qui, en juin, amèneront au pouvoir le maréchal Artur da Costa e Silva. Son régime est l’un des plus brutaux qui soient.

Mais, dans l’une des favelas de Rio de Janeiro, Jacarepaguá, Seu Edevair et Dona Lita n’en ont cure. L’ouvrier d’une fabrique de peinture et la blanchisseuse attendent un premier enfant. Ils espèrent une fille mais ce sera un garçon : ils l’appelleront Romário.

Un bébé chétif, qui ne pèse que 1,9 kilo. Et qui pleure constamment. On l’entend dans tout le voisinage. Jacarepaguá est un dédale de petites ruelles. Plus tard, un réalisateur de cinéma rendra l’un des quartiers de cette grande favela mondialement célèbre : Cidade de Deus.

C’est ici que grandit Romário, dans des conditions difficiles, pendant trois ou quatre ans. Elevé par ses parents, ou lorsqu’ils sont au travail, par des amis de la famille qu’il appelle ses tios, ses oncles.

Deux ans plus tard, naît un deuxième fils, Ronaldo. Seu, le père, ne le sait pas encore, mais ses deux enfants porteront les prénoms des deux craques qui domineront le football brésilien dans les années 90.

Lorsque Romário a 4 ans, la famille déménage à Vila da Penha, à la périphérie de Rio. Mais comme Tio Nei continue à habiter à Jacarepaguá, le petit revient souvent. Déjà, il a constamment un ballon au pied.

Il est moins assidu à l’école, comme en témoigne le documentaire réalisé par SporTV, la plus grande chaîne de télévision sportive du Brésil. Lorsque d’anciens condisciples prennent la parole, leurs témoignages ne sont guère reluisants : nul en mathématique, mais beaucoup de succès auprès des filles.

Un premier amour à 12 ans, un premier rapport à 14 ans, et lorsque Seu, le papa, demande à son fils les raisons de la présence de nombreuses filles le long du terrain de football, la réponse fuse :  » Ellessontvenuespourmoi.  » Il est plutôt mulherengo, coureur de jupons, ce Romário. Cela lui jouera des tours, plus tard.

Dans la favela, le petit Romário découvre aussi les autres facettes de la vie. Ne vole pas, ne fume pas, ne bois pas, et évite d’autres tentations, lui conseille son papa. Seu jouera aussi un rôle important dans l’éducation footballistique de son fils.

Romário ne grandit pas beaucoup, mais il a d’autres qualités : il est rapide, et grâce à la pratique intensive du football – avant et après l’école, sur les plaines de jeux et sur la plage -, il développe une technique remarquable. Son père le laisse régulièrement jouer avec des garçons plus âgés, pour qu’il devienne plus résistant sur le plan physique.

La famille ne roule pas sur l’or. Ce n’est pas la misère, mais il n’y a pas toujours assez d’argent pour payer un maillot, des chaussures ou même le bus pour se rendre à l’entraînement. Ou du moins, pas pour les deux fils, lorsque Ronaldo se décide aussi à aller jouer au football. L’un des deux doit donc rester à la maison.

C’est toujours Ronaldo, le moins doué. Les enfants doivent aussi travailler, pour ramener un peu d’argent. Aider Papa à l’usine de peinture, ou Maman à la blanchisserie. Ou alors, décharger des camions.

D’ABORD TROP PETIT POUR VASCO

Le premier grand club qui découvre le talent de l’attaquant est Vasco da Gama, mais les scouts ne parviennent pas à convaincre les dirigeants. Trop petit, leur rétorque-t-on. Ce n’est que plus tard, en voyant qu’il continue à marquer les yeux fermés pour sa petite équipe de quartier, que Vasco consent tout de même à l’engager.

Le club constate rapidement qu’il a horreur de s’entraîner, mais qu’il trouve très facilement le chemin des filets. C’est à Vasco qu’il débutera sa carrière professionnelle, en 1985. Et c’est sous le maillot blanc et noir également qu’il inscrira, en 2007, son 1000e but officiel. Sur penalty.

Entre les deux, des escapades en Europe (PSV, Barcelone et Valence), de nombreux clubs de pointe au Brésil (tous les grands clubs de Rio, à l’exception de Botafogo) et une aventure aux Etats-Unis (Miami) et en Australie (Adélaïde). Il porte presque toujours le numéro 11 (même s’il est droitier) et marque partout avec la même facilité.

Jorge Kajuru, également originaire de Rio et cinq ans plus âgé que Romário, est une vedette de la télévision au Brésil. Il a déjà souvent interviewé le footballeur. Au cours de l’un de ces entretiens, il a demandé à Romário d’établir une liste des plus grandes vedettes du football mondial.

En 1, Romário a placé Pelé, le Roi du football brésilien. En 3, DiegoMaradona, l’Empereur de Naples et de l’Argentine. En 4, Ronaldoo fenômeno. Précédemment, Romário considérait surtout Ronaldo comme  » o fenômeno do marketing « , mais il a revu son jugement avec le temps et a appris à apprécier les prestations sportives de l’homme qui, tout comme lui, a porté les couleurs du PSV et du Brésil (finaliste en 1998, champion du monde en 2002).

Romário s’est lui-même placé en numéro 2. Lionel Messi et Neymar arrivent bien plus bas dans la hiérarchie, car on ne devient un craque (c’est ainsi que l’on appelle une vedette au Brésil) que lorsqu’on mène son pays au titre mondial. Aucun des deux n’y est parvenu. Pas un mot sur CristianoRonaldo.

Il tient cependant à nuancer : dans le football moderne, les équipes jouent beaucoup moins en fonction d’un individu qu’à son époque. Et, donc, c’est devenu beaucoup plus difficile pour une individualité de briller.

En 5, il a placé, de façon un peu surprenante, Michael Laudrup, qui fut son équipier au Barça. Il y est arrivé en 1993, après avoir inscrit 174 buts pour le compte du PSV. Le club néerlandais l’avait engagé en 1988, après les Jeux olympiques de Séoul. Il y deviendra, à trois reprises, champion des Pays-Bas.

Guus Hiddink, coach du PSV à l’époque, avait lui-même fait le voyage jusqu’au Brésil afin de finaliser la transaction. L’actuel coach de Chelsea a, un jour, déclaré à propos de Romário :  » Il est le footballeur le plus intéressant avec lequel j’ai travaillé. Lorsqu’on devait disputer un match difficile et que l’on était un peu nerveux, il venait vers vous et vous disait, le plus calmement du monde : ‘ne vous en faites pas, coach, Romário va marquer et nous allons gagner. ‘  »

Romário a été, très tôt, persuadé par ses talents de buteur. En 2003, le magazine sportif brésilien Placar a publié, sous le titre  » Moi, vieux ? « , un article qui reprenait une citation faite par Romário en 1988, lorsqu’il est devenu le meilleur buteur des Jeux olympiques à l’âge de 22 ans :  » Le club qui veut m’acheter fera une bonne affaire. Je vous garantis que je surprendrai encore beaucoup de monde. Un jour, je dépasserai le cap des 1.000 buts.  »

MATADOR DE PORTEROS

Son arrivée à Barcelone, en 1994, a fait couler beaucoup d’encre. A l’époque, dans le championnat d’Espagne, on ne pouvait aligner que trois joueurs étrangers, et le Barça possédait déjà Ronald Koeman à l’arrière, et Michael Laudrup et Hristo Stoichkov dans le compartiment offensif. Le Bulgare n’a pas caché son mécontentement dans la presse.

Romário lui a rapidement cloué le bec : avec 14 buts en 8 matches amicaux, il n’a pas tardé à marquer son territoire. Et il a mis les points sur le i lors de son premier clásico : 3 buts, 1 assist et une victoire par 5-0. Lors d’un sondage réalisé en 2008 par El Mundo Deportivo, son premier but dans ce match a été élu comme le plus beau but de l’histoire du FC Barcelone. Le Barça a remporté le titre et la presse lui a donné un nouveau surnom : matador de porteros.

Mais à la fin 94, l’histoire d’amour avec les Catalans a pris fin. Pourtant, Manchester United s’était encore incliné 4-0 au Camp Nou. Saudade, Romário a hurlé :  » Je ne suis pas heureux à Barcelone, mais Barcelone peut être content de m’avoir.  » L’heure de la revanche avait sonné pour Stoichkov :  » Son corps est à Barcelone, mais sa tête est à Rio.  »

Le Barça a dû prêter sa vedette à Flamengo. Valence a ramené le Brésilien dans le championnat d’Espagne, mais l’entraîneur argentin Jorge Valdano s’est rapidement offusqué du comportement de la star. Son style de vie n’était pas approprié à l’Europe.  » La nuit a toujours été mon amie. Si je ne sors pas, je ne marque pas « , s’est justifié Romário. Cela dit tout.

En 1994, le petit attaquant de Rio était le fer de lance de l’équipe nationale brésilienne qui n’avait plus été championne du monde depuis 24 ans, une éternité. Romário devait remédier à cela et pourtant, c’est presque un miracle s’il était présent à la Coupe du Monde aux Etats-Unis.

Il avait certes brillé en Europe, mais Mario Zagallo (l’architecte de l’ombre) et le sélectionneur CarlosAlbertoParreira ne l’appréciaient pas du tout. Parreira l’avait snobé pendant la quasi-totalité de la campagne de qualification, et ce n’est que lorsque la qualification était en danger qu’il a cédé à la pression populaire et a convoqué la star capricieuse, à contrecoeur.

Le dernier match du groupe 2 opposait le Brésil à l’Uruguay. En cas de défaite, le Brésil était éliminé. Une victoire était synonyme de qualification. Le Brésil a gagné, Romário a marqué deux fois. Il pouvait réserver son billet pour la Coupe du Monde.

La Coupe du Monde 94 n’a pas marqué les esprits, malgré le titre mondial du Brésil. La plupart des observateurs retiennent surtout l’assassinat d’Andrés Escobar après l’élimination de la Colombie et l’exclusion de Diego Maradona pour usage de cocaïne. Sportivement, le tournoi n’a pas atteint des sommets.

Le vainqueur s’est contenté d’attendre les erreurs de l’adversaire pour frapper, grâce surtout à Romário (5 buts) et Bebeto (3 buts), les plus prolifiques. Les journalistes locaux ont regretté l’européanisation du football brésilien. Les grands clubs européens ne se sont, en effet, pas privés de puiser dans le réservoir brésilien, et ont entrepris de développer physiquement ces footballeurs techniquement doués. La finale entre le Brésil et l’Italie fut soporifique : 0-0 et tirs au but. Au terme du tournoi (7 matches), le champion du monde n’a encaissé que trois buts.

JUSQU’À TROIS FEMMES PAR JOUR

Romário pouvait cependant pavoiser : il avait mené son pays vers le titre mondial, était l’homme du tournoi (mais pas le meilleur buteur, ce fut le Bulgare HristoStoichkov avec six réalisations) et a été acclamé partout. Même par les femmes. Quelques mois après la Coupe du Monde, une certaine Andréa Oliveira, 20 ans à l’époque, a révélé dans le magazine Caras comment il se détendait pendant le Mondial.

Andréa a déclaré qu’elle fut, un moment, la maîtresse du footballeur (marié avec une autre femme) et qu’elle l’avait rejoint aux Etats-Unis. Les joueurs pouvaient de temps en temps sortir jusqu’à 22 heures, et parfois jusqu’à minuit, mais selon Andréa, Romário se fichait éperdument des horaires. Ils se retrouvaient régulièrement  » à d’autres moments.  »

C’était Ronaldo, le frère de…, et Moisés de Lima, le chef de la sécurité de la Seleção, qui facilitaient les sorties. Pourquoi a-t-elle révélé tout cela ? Eh bien, dans une autre interview, Romário avait accusé sa mère d’avoir inventé toute cette histoire. Elle a démontré à tous les Brésiliens qu’elle disposait de pas mal d’atouts, en apparaissant complètement nue dans Playboy.  » Les attaquants sont égoïstes, c’est obligatoire.  »

Romário et les femmes. Le succès était assuré, presque autant que sur la pelouse. En août 2008, lorsqu’il mit un terme à sa carrière au plus haut niveau sous les couleurs de Vasco da Gama (un an plus tard, il effectuera un come-back à América, en D2), il a mis les choses au point lors d’une interview accordée à Tudo de Bom.

A-t-il également scoré plus de 1.000 fois avec les femmes ? Il a botté en touche, mais il est clair qu’il n’a pas perdu son temps avec la gent féminine.  » Jusqu’à trois par jour.  » Et tant pis pour sa petite amie de l’époque, Isabella Bittencourt.  » Je ne suis pas fidèle, elle le sait. Je ne lui ai d’ailleurs jamais juré fidélité.  »

Il y a un an, lorsque sa relation avec Dixie Pratt – une gamine qui n’était sans doute pas encore née lorsqu’il est devenu champion du monde en 1994 et qui possède une belle collection de photos sur Instagram – a été révélée dans la presse, des sites internet ont essayé de réaliser un collage avec les femmes les plus importantes dans la vie de l’attaquant.

Isabella a été mariée 12 ans avec lui et lui a donné deux filles, dont l’une a le syndrome de Down. Sa première épouse Monica a tenu 17 ans et lui a donné deux garçons. Après, est venue Daniëlla, avec qui il a été marié brièvement et qui lui a donné une fille. Pendant cette relation, Edna a mis au monde un sixième enfant, à nouveau un garçon.  » Il n’y a rien que j’aime plus que le football, si ce n’est le sexe.  »

Kajuru lui a demandé ce que représentaient les enfants pour lui. La réponse ne s’est pas fait attendre.  » Amoreterno.  » L’amour éternel.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS REUTERS

Les deux enfants de Seu porteront les prénoms des deux craques qui domineront le football brésilien dans les années 90 : Romario et Ronaldo.

Ronaldo, le Brésilien, fait partie de son top 5. Mais pas Cristiano, le Portugais. Car pour être un craque, il faut avoir été champion du monde.

En 1994, face au Real Madrid, il inscrit le plus beau but de l’histoire du Barça.

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